Le Conseil présidentiel des villes, voulu par Macron, sous le feu des critiques
POLITIQUE DE LA VILLE•Hassen Hammou, fondateur d'un collectif des quartiers Nord de Marseille demande la suppression du Conseil présidentiel des villes, et enfin des mesures concrètes pour les quartiersAdrien Max
L'essentiel
- Le Conseil présidentiel des villes réunit des acteurs engagés qui se réunissent tous les deux mois pour faire des propositions au chef de l'Etat en matière de politique de la ville.
- Hassen Hammou, fondateur du collectif Trop jeune pour mourir, demande la suppression de cet organe qu’il juge inefficace.
- Deux spécialistes de la politique de la ville remettent également en doute l’efficacité de ce conseil dans la politique de la ville.
La politique de la ville, ce grand serpent de mer qui se mord la queue. Rapport Borloo, Grand débat national, toutes les occasions sont bonnes pour ramener la politique de la ville sur le devant de la scène. Hassen Hammou, fondateur du collectif Trop jeune pour mourir, dans les quartiers Nord de Marseille, en a marre de l’empilement d’annonces sans effet direct pour ces quartiers et leurs habitants, et pour cette raison, demande la suppression du «Conseil présidentiel de la ville».
Le Conseil présidentiel des villes, voulu par Emmanuel Macron pour alimenter sa réflexion sur les quartiers prioritaires, compte 25 acteurs « engagés pour les quartiers », de Yassine Belattar à l'entrepreneur Saïd Hammouche, en passant par des lycéens et un proviseur de lycée. Il s'est réuni pour la première fois le 22 mai 2018, dans la foulée du grand plan pour les banlieues à la suite du rapport de Jean-Louis Borloo.
Mais pour Hassen Hammou, « l’organisation est assez opaque, on ne sait pas trop comment les gens sont choisis et surtout quel est son objectif ? ».
« Un fait du prince »
Renaud Epstein, enseignant-chercheur spécialiste de la politique de la ville,partage les critiques d'Hassen Hammou: « Ce conseil présidentiel a été créé à des fins d’affichages par Emmanuel Macron lorsque le rapport Borloo a été enterré. C’est une sorte de contre mise en scène de celle Borloo, qui avait bien réussi la sienne, en disant "regardez, moi je m’entoure de vraies personnes, ceux qui réussissent et qui ne sont pas dans la critique permanente" par le président. Il s’agit d’un fait du prince afin de se mettre en scène, ce n’est même pas la peine de le dissoudre, ce conseil n’a pas de budget, ni de fonctionnement ».
Thibault Tellier, enseignant à sciences Po Rennes, également spécialiste de la politique de la ville, est un peu moins tranchant. « Ce conseil a une influence limitée, c’est vrai. On ne peut pas dire qu’il apporte de la plus-value, il prend en compte la parole des acteurs mais les décisions ne se jouent pas là, elles se jouent à l’Assemblée », considère-t-il.
Reprise en main peu efficace
Thibault Tellier analyse sa création comme une reprise en main présidentielle de cette question. « Jusqu’alors la politique de la ville était rattachée au Premier ministre, là on assiste à une rupture dans la stratégie de décentralisation de cette problématique. Le fait qu’elle repasse sous le giron présidentiel traduit également une re-politisation de la chose ».
Si depuis sa création en 2018, l’opacité semble entourer ce conseil présidentiel des villes, Thibault Tellier y voit deux intérêts pour Emmanuel Macron. « Cette instance lui permet de prendre le pouls dans les quartiers, les membres servent d’indicateurs sur place. Ce n’est pas du luxe quand on connaît la difficulté du président avec les quartiers populaires et les élus locaux. Parce qu’à la base c’est leur rôle », considère l’enseignant.
Rapprocher quartier et ruralité
Pour Hassen Hammou, le constat est bien là : « Il y a des mesures par ci et par là, mais mises bout à bout cela ne ressemble à rien. Il est très difficile pour ce gouvernement de passer des mots en actes. Quand il y a des mots, ce qui n’a même pas été le cas lors de ses annonces après le Grand débat », avance-t-il.
Pour enfin faire bouger les choses, et plus d’efficacité, il appelle à rapprocher la question des quartiers à celle de la ruralité. « Il y a des similitudes, notamment en termes d’accès à l’emploi, de transports. Les habitants de ces quartiers ou des campagnes vivent un certain nombre de choses communes. Ce serait l’occasion de faire les choses les uns avec les autres plutôt que les uns contre les autres, et de parler au plus grand nombre », propose Hassen Hammou.
Thibault Tellier partage cet avis. « Cela permettrait d’avoir une réflexion plus large pour l’avenir des territoires, effectivement des indicateurs sont communs aux quartiers et au monde rural. Après la question est de savoir comment on fait travailler ces gens ensemble, mais aussi la représentativité. Il y a beaucoup de conseils citoyen dans les quartiers qui sont assez bien représentés, ce n’est pas le cas de la ruralité », prévient ce spécialiste.