Nantes: Accorder mets et vins... «Un jeu, un défi chaque jour» pour Véronique François
ART DE LA TABLE•Véronique François, cogérante du restaurant nantais « Les Chants d’avril » a reçu le prix « sommelière 2019 » du Grand Ouest du guide culinaire Gault&MillauDavid Phelippeau
L'essentiel
- Véronique François, restauratrice et sommelière nantaise, a reçu une distinction il y a un peu plus de 15 jours.
- La cogérante du restaurant « Les Chants d’avril » accorde chaque jour mets et vins à sa guise.
- Elle aime faire découvrir aux clients le muscadet.
Elle en est presque gênée. « Vous vous rendez compte, c’est une distinction sur tout l’ouest du pays, la moitié de la France… » Véronique François, cogérante avec son mari, Christophe du restaurant « Les Chants d’avril à Nantes », a remporté fin mars, à la Rochelle, le prix « sommelière 2019 » du Grand Ouest du célèbre guide culinaire Gault&Millau. Face « aux grands sommeliers et sommelières de Bordeaux ou du Périgord », une consécration pour cette mère de deux filles.
Bien qu’elle soit née sur une terre de vin (Chinon), Véronique n’était pas programmée pour devenir sommelière. « J’ai bien eu un arrière-grand-père qui avait des vignes sur un terrain familial, mais rien de plus… », concède-t-elle cependant. Elle se destinait plutôt à être institutrice après avoir étudié la psychologie en fac. Jusqu’à sa rencontre avec son futur mari, cuisinier. « Elle devait accepter mon métier et moi… », rit Christophe.
Véronique valide tout de suite le « package ». Elle passe un BTS hôtellerie-restauration. En janvier 2000, les deux tourtereaux, « avec 1.500 francs en poche » et grâce à l’aide des banques, ouvrent un premier restaurant dans le Val-d’Oise. Puis, en 2008, un deuxième à Nantes quartier Champ-de-Mars, avec un tandem déjà bien rodé : Christophe derrière les fourneaux et Véronique en salle.
Menu mystère, vin mystère
Et un concept original : « Chez nous, il n’y a pas de carte, on ne choisit ni le menu, ni le vin, explique la lauréate. On propose viande ou poisson, et le vin, c’est blanc ou rouge. Cela permet aux gens de goûter des choses qu’ils n’auraient jamais essayé… » Chaque jour, c’est toujours un peu le même rituel pour Véronique. Un peu avant 12 h, « j’apprends le repas préparé par Christophe, je regarde les bases du menu, s’il y a la possibilité avec un vin de faire ressortir un élément du plat. Cela peut être une asperge, du chorizo… » Et Véronique sélectionne le breuvage en fonction d’une gamme du prix (25 à 100 euros) et de la couleur (rouge ou blanc) demandées par le client. « C’est un jeu, mais surtout un défi chaque jour pour chaque table, s’amuse-t-elle. Il ne faut pas décevoir les gens, ne négliger personne. »
Et ne comptez pas sur Véronique pour réaliser des accords mets/vins trop classiques, trop attendus. « Il y a tellement de combinaisons possibles. » Entre 200 et 300 références, dont une grande majorité de bio, sont compilées dans le resto. « Tout est dans son cerveau », lance, fièrement, le chef cuisto. Pas mal pour quelqu’un qui n’a jamais fait d’étude d’œnologie…
Vive le muscadet !
La bouteille arrive sur la table dissimulée dans une housse cousue par les petites mains de Véronique. Objectif : surprendre agréablement le client, qui ne pourra ôter la housse qu’au milieu ou à la fin du repas pour enfin découvrir d’où vient le nectar. Tout au long de l’année, Véronique et Christophe écument les différents salons et rendent visite à de nombreux vignerons pour sélectionner leurs bouteilles. « On peut goûter jusqu’à 100 vins par jour », observe la lauréate. « Oui, je vous rassure, on recrache chaque verre… », s’esclaffe-t-elle.
Véronique a ses petits péchés mignons. Non, pas le bordeaux. Une petite dizaine de bouteilles se battent en duel derrière le bar. Le minimum. « Un client, un jour, nous avait fait tout un pataquès car on n’en avait pas… » Poing levé, Véronique s’affirme comme une ambassadrice du muscadet. « Quand tu as goûté des bons muscadets, tu ne peux plus t’en passer. » Elle regrette les préjugés souvent négatifs qui escortent ce vin de la région, même si la tendance s’inverse de plus en plus. « Cela fait dix ans que je rame pour que les clients aiment ça et ça commence à vraiment porter ses fruits. Le muscadet, ça passe avec tout, de l’entrée en passant par le plat de résistance (poisson ou viande blanche) au dessert. Je vous assure. » Avec autant de… bouteille, on a tendance à croire Véronique.