Plan internats: «Cohabiter avec d’autres élèves, ça apprend à vivre en société»
REPORTAGE•Alors que le ministre de l’Education annonce ce lundi son plan pour « L’internat du XXIe siècle », « 20 Minutes » a été à la rencontre des internes du lycée André-Malraux à Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-MarneDelphine Bancaud
L'essentiel
- Jean-Michel Blanquer présente ce lundi son plan internats.
- Alors que le ministère souhaite en faire un véritable « outil pédagogique », 20 Minutes s’est invité dans le quotidien de plusieurs élèves scolarisés en internat.
- Un environnement très cadré, mais qui donne des « amis pour la vie », expliquent les adolescents.
Comme tous les soirs de la semaine, ils voient leurs camarades de lycée rentrer chez eux. Mais pour Illias, Clara, Jason, Théo et Ambre, pas question de changer de décor, car tous sont internes au lycée André-Malraux à Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne. Ce mardi soir à 18 heures, ils traversent donc le beau parc pour regagner le bâtiment où ils passent leurs soirées.
L’internat accueille 180 élèves (lycéens et élèves de BTS) qui ont choisi cette formule, le plus souvent parce qu’ils habitaient trop loin de l’établissement, à l’instar de Jason : « je suis en filière arts appliqués, qui n’est pas dispensée dans tous les lycées. Alors quand je me suis inscrit ici, l’internat s’est imposé de lui-même, car j’habite à une heure du lycée », explique-t-il. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer va d’ailleurs dévoiler ce lundi matin un plan pour développer et dynamiser les internats en France, tant la demande est forte.
Une vie très cadrée à laquelle il faut s’habituer
Si l’on pourrait croire que la perspective de devenir interne effraie les adolescents, pour Ambre, 17 ans, Il n’en a rien été : « L’an dernier, avant de devenir interne, j’enviais même les internes. Car je trouvais qu’ils formaient une communauté particulière au sein du lycée. On voyait qu’ils partageaient une réelle intimité. Du coup, j’ai eu envie de vivre la même chose qu’eux ». Pour Théo, les premiers jours à l’internat ont été plus difficiles. « Certains de nos internes pleurent même au début. C’est parfois la première fois qu’ils se séparent de leurs parents », explique Gaëlle Dumarçay, l’une des CPE. « Plusieurs élèves sont un peu angoissés en début d’année. Alors je suis là pour les écouter et je leur apprends à faire des exercices de respiration pour décharger le stress », explique Martine Vorin, l’infirmière de l’internat.
A leur arrivée, les élèves doivent aussi s’habituer à une vie très cadrée. Car si entre 18 heures et 18h45, ils bénéficient d’un peu de temps libre, ils doivent ensuite se diriger vers le réfectoire pour dîner (entre 18h45 et 19h30). Il y règne une ambiance chaleureuse. Les élèves partagent leur repas en petits groupes et les rires fusent. « La nourriture est assez bonne et on a le choix entre beaucoup d’entrées », commente Clara, interne depuis la seconde et élève de terminale.
« Il y a plein d’activités proposées à l’internat : foot, basket, salle informatique, sophrologie… »
Rares sont les élèves qui dînent seuls : « Même si on ne s’entend pas avec tout le monde, on n’isole personne. C’est un lieu de vie communautaire, donc les disputes se dissipent très vite et on est solidaires », explique Ambre. « Moi, je rassure toujours ceux qui vont mal. Ça m’a rendu altruiste de vivre en communauté », ajoute Clara. Leurs plateaux débarrassés, les élèves se dirigent en salle d’études pour une heure de travail obligatoire, jusqu’à 20h45.
Un moment qui n’enthousiasme pas les foules. « Le devoir nous appelle », souffle un interne, « je n’ai pas envie de travailler », râle un autre. Mais Jason, en terminale, reconnaît que c’est utile : « L’étude, ça me permet de travailler de manière plus encadrée et de bénéficier d’une assistance pédagogique. D’ailleurs, mes résultats scolaires s’en ressentent », estime-t-il. Dans la salle d’étude, le silence règne, chacun est à sa tâche, sous l’œil bienveillant d’un assistant d’éducation. « C’est la lutte pour leur faire lâcher leurs portables pendant cette heure-là », sourit Laure Trembaly, une autre CPE. Illias, lui, n’aura pas d’étude ce soir. Il s’est inscrit au foot. « Il y a plein d’activités proposées à l’internat : foot, basket, salle informatique, sophrologie… C’est super ! », commente-t-il avant d’aller shooter dans le ballon. « On organise aussi des sorties au cinéma, au Stade de France et même de brefs séjours au Futuroscope de Poitiers. L’internat, ce n’est pas la prison », ironise Laure Tremblay.
« Le fait de cohabiter avec d’autres élèves, ça apprend à vivre en société »
Et le bien-être des adolescents est toujours au cœur des préoccupations de l’équipe éducative : « On ne les considère pas que comme des élèves, on les écoute vraiment. D’ailleurs, certains m’appellent maman », s’amuse Gaëlle Dumarçay. Des ateliers « papoter » sont aussi organisés tous les quinze jours par une éducatrice, afin que les élèves évoquent des sujets qui leur tiennent à cœur : les relations amoureuses, les addictions…
Il est 21 heures et les élèves sont appelés à regagner leurs chambres et à passer à la douche. Les filles occupent les deux premiers étages, les garçons, les deux suivants, sous l’œil d’un assistant d'éducation à chaque étage. Dans les chambres, il règne un joyeux bazar. Et les murs reflètent la passion des ados pour les mangas ou pour les stars du moment. « La première année d’internat, ils ne choisissent pas leurs trois camarades de chambrée. Mais s’il y a des inimitiés, on se débrouille pour les changer », explique Gaëlle Dumarçay. « Je ne connaissais pas mes camarades de chambre avant. Mais le fait de cohabiter avec d’autres élèves, ça apprend à vivre en société. Ça forme pour la vie future et je me vois bien vivre en colocation plus tard », confie Ambre.
« C’est contraignant de me coucher à la même heure tous les soirs »
A 22h30, c’est l’extinction des feux. « C’est contraignant de me coucher à la même heure tous les soirs, car j’ai 18 ans et je dois suivre les mêmes règles que des internes qui en ont 15 », déplore Clara. Mais cet emploi du temps un peu strict ne déplaît pas à Théo : « j’ai pris l’habitude de me coucher tôt et ça me rend plus performant dans la journée », commente-il.
Les internes le restent généralement entre trois et cinq ans (s’ils font un BTS après le bac). Un pan de vie important pour eux. Et quand ils quittent l’internat, ce n’est pas sans nostalgie. « Certains reviennent nous voir lors des journées portes ouvertes de l’établissement. Ils nous disent qu’on leur manque », s’émeut Gaëlle Dumarçay. « Quand je partirai, l’ambiance de l’internat me manquera, mais pas les règles. Et je garderai des amis pour la vie », renchérit Clara, qui part se coucher.