MOBILISATION«Gilets jaunes»: Pourquoi une baisse de la mobilisation?

«Gilets jaunes»: Pourquoi une baisse de la mobilisation à 48 heures de la restitution du «grand débat»?

MOBILISATIONLe calendrier était pourtant porteur
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Les manifestations des « gilets jaunes » ont rassemblé samedi 22.300 personnes dans toute la France.
  • Il s’agit du plus faible niveau de participation depuis le premier samedi de mobilisation, le 17 novembre dernier.
  • Pourtant, il était légitime de penser que les « gilets jaunes » se mobiliseraient en masse afin de faire pression sur le gouvernement, deux jours avant la restitution du grand débat national.
  • Plusieurs raisons sont avancées, de la peur de la répression policière à l'attente de la restitution par Edouard Philippe.

Ils étaient 282.000 lors de « l’acte I », le 17 novembre 2018. Ils n’étaient plus que 23.300, samedi, à battre le pavé dans les grandes villes du pays, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Si, contrairement aux précédentes, les manifestations se sont déroulées sans incidents majeurs, jamais la mobilisation des «gilets jaunes » n’avait été aussi faible depuis le début du mouvement. Les protestataires semblent montrer des signes d’essoufflement alors que le Premier ministre a prévu de présenter pendant trois heures, ce lundi, au Grand palais, à Paris, le compte-rendu du «grand débat national», lancé le 15 janvier dernier.

Comment expliquer une telle baisse ? Pour John Barzman, historien et enseignant-chercheur à l’université du Havre, le gouvernement, qui a pris une salve de mesures pour lutter contre les violences commises le samedi lors des rassemblements de « gilets jaunes », « fait peur, terrorise et intimide » les manifestants. « Cette intimidation provoque la colère mais aussi la baisse du nombre de manifestants. La colère est plus forte mais peut-être que le nombre de gens qui prennent des risques est plus faible », ajoute-t-il. « C’est terrible la répression. »

« Tout le monde retient son souffle »

Il ne s’agit pas « un accident de parcours » mais d’une baisse qui « s’inscrit dans une tendance », estime pour sa part le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof. « On aurait pu également penser naturellement que les gilets jaunes allaient montrer qu’ils sont toujours là afin de faire pression » sur le gouvernement, deux jours avant la restitution du «grand débat». Mais selon lui, les personnes mobilisées sont « dans l’attente des mots que pourraient prononcer Edouard Philippe » et des annonces que fera Emmanuel Macron, mi-avril. « Tout le monde retient son souffle », analyse-t-il.

L’enjeu, pour le Premier ministre, est de réussir à convaincre les « gilets jaunes » - et plus généralement les Français - que cette restitution est « sincère » et « honnête », analyse Bruno Cautrès. Qu’il s’agit bien de « la restitution, toute la restitution, rien que la restitution ». Pour cela, il va devoir détailler la « méthode » employée pour y aboutir, indiquer « les moyens mis en œuvre pour archiver, pour analyser » la parole de ceux qui ont participé au «grand débat». « Garantir » que « rien n’a été caché », que tout est « transparent ».

« C’est un débat minuscule »

Il existe malgré tout un sérieux risque que les « gilets jaunes » aient le sentiment qu’il ne s’agit pas « de la restitution de ce qu’ils pensent », remarque le chercheur au CNRS et au Cevipof. Il souligne en effet que « les personnes qui ont participé au débat national n’ont pas forcément le même profil et la même sociologie que les gilets jaunes ». Ces derniers pourraient ainsi se remobiliser de plus belle s’ils avaient le sentiment « que des thèmes dont ils sont les porteurs ne sont pas considérés comme prioritaires par le Premier ministre ».

Mais pour John Barzman, les « gilets jaunes » n’ont pas grand-chose à attendre du «grand débat». « On appelle ça "grand débat" alors que c’est un débat minuscule qui n’apportera rien », avance-t-il.

« « Il a été structuré pour interdire certaines revendications : par exemple on ne peut pas être pour la baisse des impôts sans être pour l’élimination de services publics. Or, l’immense majorité des « gilets jaunes » veulent une baisse des impôts pour les pauvres, une augmentation pour les riches avec le rétablissement de l’ISF, et plus de services publics. Ils veulent l’école, ils veulent l’hôpital, les trains, les autobus… » »

L’historien et enseignant-chercheur est même persuadé que « la mobilisation est profonde et forte » et qu’elle « va continuer durant longtemps » car elle est en train de se «structurer ». D’autant, assure-t-il, que les « gilets jaunes » disposent d’un « soutien massif » de la population. Selon un sondage Elabe paru après les graves violences survenues sur les Champs-Élysées lors de l’acte 18 à Paris, 53 % des sondés soutiennent ou ont de la sympathie pour le mouvement. Soit une baisse de 8 points par rapport au 13 mars. La balle est dans le camp du gouvernement.