INTERVIEW«Le VIH est encore tabou dans certains collèges et lycées»

Sidaction: «Le VIH est encore tabou dans certains collèges et lycées»

INTERVIEWUn sondage souligne la nécessité d’améliorer l’accès à l’information sur le VIH/sida auprès des élèves. Florence Thune, directrice générale du Sidaction, apporte son éclairage
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le Sidaction démarre ce vendredi et durera jusqu’à dimanche.
  • Selon un sondage Ifop-Bilendi*, 23 % des 15 -24 ans s’estiment mal informés sur le VIH/sida, soit deux fois plus qu’en 2009.
  • Or, selon Santé publique France, en 2017, les moins de 25 ans représentaient 12 % des personnes ayant découvert leur séropositivité.

«N’oublions pas que le virus du sida est toujours là ». Le slogan du Sidaction, qui démarre ce vendredi, pourrait être martelé aux jeunes, car force est de constater qu’ils ne sont pas assez sensibilisés au VIH/sida. Selon un sondage Ifop-Bilendi auprès des 15 -24 ans*, 23 % d’entre eux s’estiment mal informés sur le sujet, soit une augmentation de 12 points par rapport à 2009. Le niveau le plus haut atteint depuis dix ans. Par ailleurs, plus de 20 % des jeunes interrogés déclarent ne pas avoir reçu d’enseignement spécifique sur le sida au collège ou au lycée. Un résultat en hausse de 6 points par rapport à 2018. Pourtant, les collégiens et les lycéens doivent avoir au minimum trois séances d ’éducation à la sexualité par an. Florence Thune, directrice générale du Sidaction, explique à 20 Minutes les raisons de cette carence en informations.

Un élève sur cinq dit ne pas avoir eu d’enseignement spécifique sur le VIH. Comment l’expliquer, alors que des cours d’éducation sexuelle sont prévus dans le second degré ?

Le VIH est encore tabou dans certains collèges et lycées. D’une part, parce que ces cours d’éducation sexuelle ne sont pas réalisés partout**. Certains chefs d’établissement rechignent notamment à les mettre en place car ces dernières années, ces cours ont suscité des critiques de la part de quelques parents. Ces derniers protestant contre le fait qu’on parle de sexualité à leurs enfants à l’école. Et quand ces cours ont lieu, les trois séances de l’année ne sont pas suffisantes pour aborder le consentement sexuel, la première fois, les moyens contraceptifs… et le sida.

Ces cours d’éducation à la sexualité, quand ils existent, sont-ils conçus pour répondre aux attentes des jeunes ?

Pas toujours. Certains jeunes estiment ne pas avoir été pleinement informés sur le sida, car ils n’ont pas pu poser toutes les questions qu’ils auraient voulues pendant ces séances. En effet, dans beaucoup d’établissements, ces séances sont assurées par des professeurs de SVT (Science de la vie et de la terre) et les élèves ont plus de mal à aborder des questions liées à la sexualité avec des adultes qu’ils connaissent. C’est plus facile de l’évoquer avec des intervenants extérieurs. Et certains adultes parlent toujours du sida comme on le faisait dans les années 1980, ils ne sont pas toujours suffisamment informés de l’évolution des traitements.

Mais les n’ont-ils pas l’impression, aussi, que le sida est une maladie qui concerne la génération de leurs parents, mais pas la leur ?

En effet, beaucoup de jeunes estiment qu’ils n’ont aucun risque d’être contaminés un jour par le VIH. Sans doute parce qu’ils entendent moins parler de sida que leurs aînés et que très peu de personnes témoignent de leur vie avec le VIH, par peur d’être stigmatisées. Or, selon Santé Publique France, en 2017, les moins de 25 ans représentaient 12 % des personnes ayant découvert leur séropositivité.

Du coup, ils ont encore beaucoup d’idées reçues sur la maladie…

Oui, selon le sondage, 28 % des jeunes pensent que le VIH peut être transmis en ayant des rapports sexuels protégés avec une personne séropositive, 14 % estiment encore que la pilule contraceptive d’urgence peut empêcher la transmission de virus et 13 % des personnes interrogées pensent encore que le VIH/sida se transmet en buvant dans le verre d’une personne ou par la transpiration.

Quelles solutions existent pour booster l’information sur le sida à l’école ?

Il est d’abord indispensable de renforcer l’éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées, afin qu’elle soit proposée dans tous les établissements et qu’elle soit suffisamment conséquente pour aborder tous les thèmes. Il faut aussi que la manière de communiquer avec les jeunes évolue. Les affiches de prévention du sida doivent parler aux jeunes. Tout d’abord en représentant des couples hétéros, des couples homos, des personnes aux origines différentes… Lors de cours d’éducation à la sexualité, il faut aussi, le plus possible, scinder la classe en deux, pour faire des groupes non mixtes. Cela permet souvent aux élèves de poser leurs questions plus librement.

*Sondage Ifop et Bilendi pour Sidaction réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 26 février 2019 auprès de 1.002 personnes, représentatives de la population française âgée de 15 à 24 ans.

** Selon une enquête Dgesco faite en juin 2018, 86 % établissements du second degré mettent en place de l’éducation à la sexualité. Cela correspond à 89 % des collèges répondants et 78 % des lycées répondants.