Annecy: Comment les policiers s'exercent pour faire face aux attentats
REPORTAGE•«20 Minutes» a pu suivre des agents de la BAC qui se prêtaient à l'exercice à AnnecyCaroline Girardon
L'essentiel
- Les policiers des commissariats de Haute-Savoie ont participé mardi à un exercice pour intervenir en cas d’attentats.
- Il s’agit de créer des automatismes.
- Depuis les attentats de Paris, les forces de l’ordre ont dû changer de techniques d’intervention.
- « 20 Minutes » a suivi les équipes sur le terrain.
De notre envoyée spéciale à Annecy,
Genou plié sur le sol, Frédéric s’abrite derrière un épais bouclier. Vingt kilos à porter à bout de bras sans flancher. Sur ses tempes, la sueur coule. Le souffle se fait régulier. Le policier porte vingt autres kilos sur les épaules. Concentré, il scrute le fond du couloir duquel s’échappent des cris et des menaces. L’ennemi est là, quelque part, tapi dans l’ombre. Il va falloir ouvrir la voie, protéger les collègues, avancer en rangs serrés sans trop se précipiter. Chaque erreur peut être fatale.
Un terroriste vient d’attaquer un lycée d’Annecy (Haute-Savoie). Deux morts sont à déplorer. Des adolescents ont été blessés. Combien ? Personne ne le sait encore. Trois ont déjà été évacués. Désormais, il faut trouver d’autres potentiels blessés, les mettre en sécurité et confiner l’assaillant en attendant l’intervention du Raid. Mardi, des policiers des commissariats d' Annecy, Annemasse et du Léman se sont prêtés à un exercice grandeur de « tuerie de masse ». Dans la peau des figurants, des élèves en CAP sécurité du lycée professionnel de La Roche.
Créer des automatismes
« L’objectif est de créer des automatismes que l’on n’aura pas à gérer le jour J si un tel scénario doit se produire. On saura comment passer les portes, comment progresser dans un couloir le plus efficacement possible et on n’aura qu’à se concentrer sur le reste de nos missions », explique Jean-Max Fontvielle, formateur aux techniques sécuritaires en intervention au sein de la Sûreté de Haute-Savoie.
« La difficulté dans un cas comme celui-ci est que l’on dispose uniquement d’informations parcellaires. On ne connaît pas les lieux. On doit passer d’une pièce à l’autre, observer tout ce que l’on voit et récolter un maximum d’informations à transmettre aux collègues : le mobilier, la forme de la pièce, le nombre de personnes dedans, détaille-t-il. Ce n’est pas évident, c’est pour cela qu’il faut s’entraîner ».
« Avant, on avait l’espoir d’arriver à négocier »
Les attentats de Paris en novembre 2015 ont considérablement changé la donne et obligé la police à travailler différemment. « Il ne faut pas se voiler la face, ce genre d’attaque est désormais une composante de notre métier », lâche Jean-Max Fontvieille. « On n’a plus affaire à des preneurs d’otage, qui agissaient pour des motifs crapuleux. Avec eux, on pouvait discuter, on avait l’espoir d’arriver à négocier. Aujourd’hui, nous sommes face à des terroristes, qui n’ont qu’un seul but : semer la terreur et faire un maximum de victimes. Ils n’ont pas peur de mourir », observe le commissaire Nicolas Barraut, chef de la circonscription du Léman.
De fait, la police a dû s’adapter et « changer de techniques ». Appelés autrefois pour « sécuriser une situation » avant l’arrivée des forces d’interventions, les agents de la BAC, ou des commissariats doivent désormais « éviter le surattentat ». « La priorité est de limiter le nombre de victimes et mettre fin à l’acte criminel », explique Nicolas Barraut. Ils n’avancent plus en toute discrétion afin de prendre l’ennemi par surprise, comme on leur a longtemps inculqué. « Aujourd’hui, le but est de se faire voir pour détourner l’attention de l’agresseur et éviter ainsi qu’il ne se focalise sur les victimes », poursuit le commissaire.
« C’est parfois difficile de communiquer sur le terrain, quand on n’est pas équipé de micros, qu’on a un casque de 4 kilos sur la tête, qu’il y a du bruit. Pourtant, c’est l’un des enjeux essentiels », analyse Alex à l’issue de l’exercice. « Mais à chaque fois, on progresse », poursuit le jeune homme. « Il n’y a pas de mystère, c’est comme ça que les automatismes viennent naturellement », ajoute Frédéric, agent de la BAC. Son service s’entraîne ainsi une fois par mois. « Le Raid s’exerce quotidiennement. Il n’y a que comme ça que ça paie », conclut-il en souriant.