Décès dans un Ehpad: Comment la nourriture servie en maison de retraite est-elle contrôlée?
INTOXICATION•Cinq pensionnaires d’une maison de retraite de Lherm, en Haute-Garonne, sont morts dans la nuit de dimanche à lundi, victimes d’une probable intoxication alimentaireHélène Sergent
L'essentiel
- Les cuisines de l’Ehpad où sont décédées cinq personnes âgées ont été placées sous scellés dès dimanche soir à 23h30.
- L'alimentation servie en Ehpad doit être conforme aux normes vétérinaires et sanitaires.
Cinq personnes âgées de 76 à 95 ans sont mortes ce week-end d’une probable intoxication alimentaire. Toutes résidaient dans le même Ehpad privé « La Chêneraie » à Lherm, en Haute-Garonne. Dans le même temps, seize autres résidents ont été hospitalisés dans la nuit a fait savoir l’agence régionale de santé (ARS). Tous « auraient été victimes d’une intoxication alimentaire dans la soirée du 31 mars après le dîner », selon la préfecture.
« Les repas-témoins ont été mis sous séquestre et conservés dans l’attente de l’intervention de la direction départementale de la protection des populations », a fait savoir l’ARS. Le parquet a également demandé la mise sous scellés des cuisines. Soumis à de nombreuses normes, nationales et européennes, le secteur fait habituellement l’objet de contrôles stricts en matière de sécurité alimentaire.
Quelles normes sanitaires doivent respecter les Ehpad en matière d’alimentation ?
Comme tout établissement proposant un service de restauration collective, un Ehpad est soumis à une réglementation stricte. Une norme, appelée démarche « HACCP » (« Hazard Analysis Critical Control Point »), traduite en français par « analyse des risques et maîtrise des points critiques » encadre l’élaboration, la distribution et le conditionnement de la nourriture. « Cette norme vise à prévenir les risques sanitaires qui peuvent intervenir dans le cadre d’une distribution alimentaire. Ça porte à la fois sur les denrées alimentaires mais également sur la prévention des risques pour les salariés », détaille Romain Gizolme, directeur de l’association AD-PA qui regroupe les directeurs de services à domicile et d’établissements pour personnes âgées.
Concrètement, cela se traduit par des consignes strictes à respecter : « Tout ce qui est produit chaud doit être préparé au-delà de 63 °C par exemple. A l’inverse, pour le froid, les conservations doivent se faire à moins de 3 °C », poursuit le professionnel. Pour assurer une traçabilité, les Ehpad doivent également conserver les étiquettes des produits frais préemballés entre deux et huit semaines ou le numéro de lot des marchandises livrées pour les fruits et légumes.
A quelles fréquences doivent s’effectuer les contrôles sanitaires ?
Chaque année, les services sanitaires et vétérinaires de l’Etat réalisent un contrôle sanitaire de ces établissements. Mais certains établissements choisissent également de mandater des organismes externes pour réaliser des contrôles plus fréquents. « Notre secteur est en contact avec un public particulièrement vulnérable. Dans le cadre de leur politique “qualité”, certains directeurs estiment qu’il est préférable de fixer plusieurs contrôles au lieu de se contenter du contrôle annuel obligatoire », ajoute le directeur de l’AD-PA.
En parallèle, les salariés des Ehpad doivent suivre, chaque année, une nouvelle formation dans le cadre de la maîtrise de cette fameuse démarche HACCP. « Un cuisinier qui exerce depuis quinze ans, est formé obligatoirement tous les ans, il ne peut y déroger », assure Romain Gizolme.
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Dans un communiqué publié ce lundi matin, le groupe Korian, propriétaire de l’établissement touché en Haute-Garonne, a annoncé que l’établissement avait fait l’objet d’un contrôle le 12 février dernier. « L’établissement (…) produit les repas sur place avec ses propres équipes de cuisine. Le dernier contrôle réglementaire d’hygiène périodique, réalisé par un bureau d’étude externe, avait eu lieu le 12 février 2019. Les résultats de ce contrôle étaient conformes ».
L’optimisation du coût des repas dans les Ehpad a-t-elle une incidence sur la qualité de l’alimentation ?
Dans un reportage diffusé le 20 septembre 2018 dans l’émission Envoyé Spécial sur France 2, des documents internes d’une maison de retraite privée faisaient état des coûts journaliers des repas. La direction générale des établissements cités dans l’enquête imposait un budget quotidien de 4,22 euros par résident pour la nourriture.
Une optimisation des coûts qui peut avoir une incidence sur la qualité des produits servis aux personnes âgées ? « Cela peut. Evidemment, si vous achetez un saumon de Norvège sauvage pêché à la ligne, les coûts seront plus élevés que pour un saumon d’élevage. Mais ça n’a pas d’incidence sur la qualité sanitaire des aliments, les normes restent les mêmes », assure Romain Gizolme.