FAKE OFFDes hôpitaux fichent-ils les «gilets jaunes» blessés venus aux urgences?

«Gilets jaunes»: Des hôpitaux fichent-ils les manifestants blessés venus aux urgences?

FAKE OFFPriscillia Ludosky, l’une des figures des « gilets jaunes », dénonce le « fichage » des manifestants blessés reçus aux urgences de certains hôpitaux
Alexis Orsini

Alexis Orsini

L'essentiel

  • Selon un post Facebook viral de Priscilla Ludosky, l’une des figures des « gilets jaunes », plusieurs services d’urgence ficheraient les blessés qui ont manifesté.
  • Elle a notamment partagé la photo d’un tableau comportant la mention « manif » pour certaines personnes prises en charge.
  • Un médecin urgentiste indique à 20 Minutes qu’il s’agit d’une procédure standard si elle relève de son dossier administratif, tout en évoquant les soupçons des manifestants et du personnel médical autour d’un fichage de ce type.

En cas de blessure subie lors d’une manifestation, les « gilets jaunes » qui préfèrent éviter d’être identifiés comme tels auraient tout intérêt à éviter de se rendre aux urgences pour se faire soigner, à en croire un post Facebook viral.

Publié par l’une des figures du mouvement, Priscillia Ludosky, il montre un bout de tableau dans lequel figure, pour certains patients, au sein de la colonne « observations », la mention « manif ». « FICHAGE DES BLESSÉS [Un] hôpital parisien demande à son personnel de signifier sur les fiches de renseignement si la personne arrivée aux urgences vient suite à une manif. La suite arrive… Car d’autres villes sont concernées avec des instructions plus précises… », affirme le post.

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Cette inquiétude fait écho à celle de nombreux manifestants, qui s’inquiètent depuis plusieurs mois d’une telle dérive potentielle.

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Si Priscillia Ludosky n’a pas donné suite à nos sollicitations sur l’origine et la nature exacte du document, un médecin urgentiste indique à 20 Minutes : « Quand une personne arrive aux urgences, on crée un dossier administratif, qui comporte notamment les motifs de son arrivée, comme un accident par exemple. Si cette information est notée sur son dossier administratif, c’est la procédure normale, il n’y a pas de fichage. »

Il s’inquiète en revanche de potentiels abus : « Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que d’une manière générale, de la part des manifestants comme du personnel soignant, il y a une forte suspicion sur le fait que le ministère de l’Intérieur veuille récupérer l’identité des manifestants [soignés aux urgences]. C’est notamment pour ça que certains “gilets jaunes” font appel à des street medics et préfèrent être soignés chez eux, de peur d’être fichés dans un hôpital proche de la manifestation ou d’être arrêtés en sortant. »

Ce médecin urgentiste cite notamment un antécédent remarqué, mis en place un mois après le début de la mobilisation des « gilets jaunes » : « Lors de la manifestation du 8 décembre, du fait des risques potentiels, le SIVIC a été activé. C’est une procédure prévue en cas d’attentat ou d’évènement grave comme un accident d’avion, qui permet de répondre aux proches demandant des nouvelles des victimes. Le milieu urgentiste s’en était ému puisque ces données sont accessibles par le ministère de l’Intérieur, et il avait obtenu un recul [de la Direction générale de la santé] : depuis, il n’a plus été utilisé. »

« Je ne demanderai jamais aux soignants de ficher les malades qui arrivent »

Début février, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’était défendue de toute dérive sur Europe 1 : « Je ne demanderai jamais aux soignants de ficher les malades qui arrivent. Un médecin qui soigne un malade, et notamment un urgentiste, y va pour une blessure. Il va connaître sa blessure mais ne va pas identifier si c’est un membre des forces de l’ordre, un “gilet jaune”, ou même un passant qui a couru et s’est blessé. Et heureusement ! »

Quant à l’inquiétude de certains internautes selon laquelle un patient identifié comme manifestant se verrait priver de la prise en charge de ses frais de santé, la Fédération française de l’assurance (FFA) indique à 20 Minutes : « Dans tous les cas, les personnes blessées sont prises en charge par la Sécurité sociale pour les soins à l’hôpital et en ville ; en fonction de la gravité des blessures, les soins peuvent être pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie obligatoire [AMO]. »

« Pour les garanties prévoyance [en cas d’incapacité, invalidité, décès, perte d’emploi, de salaire…] : les victimes sont couvertes par une indemnisation du régime de base de la Sécurité sociale […]. L’indemnisation complémentaire par l’assureur – indemnités journalières, rentes, perte d’emploi, perte de salaire – dépend des garanties souscrites » nuance-t-elle.

Une méfiance « légitimée »

Si « aucun élément ne permet de confirmer ce type de suivi depuis le déclenchement du SIVIC, selon le médecin urgentiste interrogé, il déplore une « suspicion forte sur le partage de ces informations, comme sur la porosité forte entre certaines directions hospitalières et le ministère de l’Intérieur en la matière. »

Une méfiance que le professionnel estime « légitimée » par des exemples récents, comme l’Autorité régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur qui avait demandé aux hôpitaux psychiatriques de faire signer à ses patients en situation irrégulière une obligation de quitter le territoire, pour qu’elle la transmette ensuite elle-même à la préfecture. Deux syndicats de psychiatrie avaient notamment affirmé, dans un communiqué commun, qu'« être aux ordres de l’Intérieur ne [faisait] pas partie des vœux de la psychiatrie publique ».

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