Grand débat national: Les enfants aussi ont eu droit de suggérer leurs idées
REPORTAGE•Ce mercredi, à la Cité des sciences, Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la Protection de l’enfance, et Brigitte Macron ont échangé avec une centaine d'enfantsOihana Gabriel
L'essentiel
- Les consultations du Grand débat national prennent fin ce vendredi, à charge maintenant au gouvernement de faire le tri et dégager quelques idées pour nourrir des réformes.
- Parmi les nombreuses contributions, celles d’une centaine d’enfants réunis autour du secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance ce mercredi après-midi pour le Grand débat des enfants.
- Transition écologique, citoyenneté, solidarité et violences étaient au menu de cette rencontre à laquelle a participé en coup de vent Brigitte Macron.
Ce mercredi, Agathe, Gaëlle, Adam ne sont pas venus à la Cité des enfants pour tester le studio TV ou visiter l’exposition. Mais pour échanger et expliquer à Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance et à Brigitte Macron, comment ils espèrent voir évoluer la France. Une centaine d’enfants de 7 à 14 ans, triés sur le volet et venus de toute la France, avaient rendez-vous à la Cité des Sciences pour le seul débat national des enfants. Une fois n’est pas coutume, deux jours avant la fin du Grand débat national, le gouvernement a souhaité donner la parole aux plus jeunes. « Tout va être souscrit et reversé au même titre que les milliers de contributions du grand débat national », assure le ministre.
Passage de la première dame en coup de vent
Transition écologique au menu bien sûr, mais aussi citoyenneté, solidarité et violences scolaires… Dès 14h, les enfants, certains arborant fièrement leur écharpe d’élu au conseil municipal, s’installent et s’organisent autour de quatre ateliers thématiques pour préparer les interventions. Mais finalement, les mêmes interrogations s’entendent en écho dans les divers groupes. Notamment l’égalité entre hommes et femmes et le cyberharcèlement. Le ministre et la première dame font le tour des ateliers, suivis par une horde de caméras. « Le harcèlement, ça peut se vivre partout, sur Internet aussi, souligne Antony, un garçon venu de Taverny. Je me mets à la place des victimes, ce n’est pas facile, voilà pourquoi il ne faut pas hésiter à en parler. » Brigitte Macron acquiesce : « C’est le sujet sur lequel je suis le plus interpellée, le harcèlement concerne énormément d’enfants et d’adolescents. Il est important qu’on se batte tous ensemble. »
Sourire et exigence
« L’avantage de cette période, c’est qu’on dialogue et je pense qu’il faut que ça continue », assure Brigitte Macron. Après cette mise en bouche et opération communication, les enfants se restaurent et reprennent des forces avant le fameux débat. Devant le buffet, Salomé, 9 ans, ne boude pas son plaisir. « C’est une chance de pouvoir partager avec des enfants de toute la France mes idées, sourit la petite fille venue de Schiltigheim (Alsace). Areslain, 14 ans, costard et lunettes rouges, prend très au sérieux sa mission… mais assume son exigence. « J’aimerais demander au ministre pourquoi la France ne fait pas comme la Suisse où les transports publics sont électriques, où les camions n’ont pas le droit de traverser le pays. J’espère qu’il va nous écouter et que ça va servir à quelque chose. »
« Vous m’avez enthousiasmé, je vais parler au Président qui était avec vous en pensée, lance la Première dame. Allez-y il n’y a pas de frein, vous pouvez lui dire ce que vous avez sur le cœur et lui, va faire. » Car Brigitte Macron a fait le déplacement… mais ne peut rester pour participer au débat. « Je ne suis pas là pour convaincre que ce que fait Emmanuel Macron et Adrien Taquet c’est super, mais pour écouter vos coups de gueule et vos rêves, promet le ministre. On débat beaucoup en ce moment en France, on parle beaucoup de votre avenir, je me suis dit et si on leur demandait leur avis ? »
Des mesures concrètes pour les SDF
Pour lancer le dialogue, Adrien Taquet invite le porte-parole du groupe qui a travaillé sur la solidarité et s’arme de son petit carnet d’écolier. « Je propose qu’on se tutoie. Mais faites comme tu veux ! » Adam, 16 ans, venu du 19e arrondissement, prend le micro : « En tant que futur citoyen, c’est un sujet qui me tient beaucoup à cœur : mieux s’occuper des SDF. » Et l’adolescent de lister des solutions : « Il faut créer des lieux pour qu’ils puissent se doucher, dormir sous un toit, se réinsérer, faire des sensibilisations avec des pancartes dans le métro, dès le collège, avoir des témoignages de SDF qui sont des personnes comme nous, donner plus de subventions aux associations d’aide aux SDF. »
Sceptique, Adam attend des actions concrètes. « Moi et la politique, ça fait dix. Mais quand dans mon association Cafézoïde, de défense des droits de l’Homme et de l’enfant on m’a parlé de ce Grand débat national, je me suis dit pourquoi pas ? J’espère sortir content et être fier d’avoir participé à un mieux-être des SDF. »
« Et vous, vous triez ? »
Et bien sûr, la question de l’écologie s’invite dans la discussion. Comment se passer du plastique ? Et protéger les abeilles ? Par quoi on remplace Google qui pollue beaucoup ? « Et vous, vous triez ? » interroge, taquin, le ministre devant l’assemblée disposée en rond. « Quand je vous écoute, j’hallucine un peu : moi, à votre âge, les questions de couches d’ozone ça me dépassait un peu. Vous êtes la première génération à avoir à ce point conscience de la menace qui pèse sur nous et ça me donne confiance en vous », s’enthousiasme Adrien Taquet.
Harcèlement et égalité
Quand arrive le sujet des violences, beaucoup d’entre eux regrettent le manque d’écoute des adultes. « Moi j’ai été harcelée à 11 ans et ma maîtresse ne m’a pas écoutée, j’ai eu l’impression que je n’avais pas été entendu alors à quoi bon ? », dévoile une petite fille. « Il faut sensibiliser les enfants avant le collège parce que le harcèlement ça commence dès le plus jeune âge et c’est là que les enfants ne sont pas forcément conscients de ce qu’ils disent », réagit Adam.
« Normalement, les enseignants ont été formés, il y a une journée de sensibilisation, qu’est-ce qu’il faudrait de plus ?, interroge le ministre. Est-ce que parler à ses copains, on a mis en place dans certaines écoles des ambassadeurs, ça vous semble une bonne idée ? » Certains pensent qu’un numéro vert serait plus utile, d’autres estiment que les délégués jouent ce rôle de confidents. Yvann, 9 ans, justement, nous explique son rôle de médiateur dans son école primaire. « Quand il y a une bagarre après un match de foot par exemple, j’interviens pour dialoguer et résoudre les problèmes. »
« Est-ce qu’on peut changer de thème ? », demande un enfant malicieux. « Tu t’ennuies ? C’est ma collaboratrice qui t’a proposé des bonbons pour que je me dépêche ? », rétorque le ministre. Mais Antony veut en remettre une couche sur les violences faites aux femmes. « On critique jamais les garçons sur leurs habits », regrette le garçon de Taverny. Beaucoup de mains se lèvent. Maëlys, 15 ans, témoigne : « quand on passe devant un groupe de mecs, on a peur de recevoir des remarques désobligeantes, pendant toute notre jeunesse et ça pèse dans l’estime des femmes. » Applaudissements.
« Je ne sais pas si le racisme fait partie du harcèlement mais je voulais dire qu’il faut arrêter de se moquer de la couleur de peau des autres », renchérit Allan. Maëlys, 10 ans, venue des Mureaux, clôt le débat : « On se demande pourquoi on ne sensibilise pas plus les enfants et plus tôt aux différentes inégalités ? » « Je vais échanger avec le ministre de l’Education nationale pour voir si on peut faire mieux. » Et Adrien Taquet se proposer une suite : « L’exercice qu’on va faire là, on pourrait le répéter. J’aimerais avoir un petit groupe d’enfants auxquels soumettre des idées, si l’exercice vous a plu, on se reverra par la suite. »