VIDEO. «Gilets jaunes»: Le gouvernement montre les muscles et donne des gages aux forces de l'ordre
MAINTIEN DE L'ORDRE•Alors que les Champs-Elysées ont été saccagés samedi lors d’une manifestation des « gilets jaunes », Edouard Philippe a présenté ce lundi plusieurs mesures de fermeté, saluées dans l’ensemble par les forces de l’ordreThibaut Chevillard
L'essentiel
- Des violences ont émaillé les dernières manifestations des « gilets jaunes », notamment sur les Champs-Elysées, à Paris.
- Samedi, le dispositif de maintien de l’ordre mis en place a été très critiqué pour son inefficacité.
- Le Premier ministre a réagi ce lundi en annonçant une salve de mesures, saluées dans leur ensemble par les policiers et gendarmes interrogés par « 20 Minutes ».
Mobilisées chaque samedi depuis le 17 novembre, confrontées à des manifestants de plus en plus violents, les forces de l’ordre attendaient une réponse forte de la part du gouvernement. Deux jours après que les Champs-Elysées ont été saccagés par des groupes de casseurs, le Premier ministre a présenté ce lundi une salve de mesures destinées à mettre fin à ces destructions devenues hebdomadaires. Alors que le dispositif mis en place samedi par les autorités a été critiqué pour son inefficacité, ces annonces ont dans l’ensemble été saluées par les syndicats de police ainsi que par des gradés de la gendarmerie.
Edouard Philippe lui-même le reconnaît. « La conduite des opérations a connu des dysfonctionnements dans certains quartiers. » Les forces de l’ordre, dit-il, ont notamment manqué de « mobilité » et de « réactivité » pour affronter les « émeutiers ». Selon Johann Cavallero, délégué national du syndicat Alliance, douze compagnies de CRS avaient pour mission, samedi, de protéger le palais de l’Elysée. « On a reproduit les erreurs commises lors de la manifestation du 1er décembre », s’emporte-t-il. Ces policiers rompus aux techniques du maintien de l’ordre auraient dû « être utilisés en première ligne », contrairement aux policiers des compagnies d’intervention ou d’autres services.
Le Préfet de police remplacé
Alors que les images des Champs-Elysées ravagés par les casseurs ont fait le tour du monde, l’exécutif a tapé du poing sur la table. Le premier à en payer les conséquences a été le préfet de police, Michel Delpuech. « Il était le patron et donc responsable de ces dysfonctionnements », explique Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative police. Il sera remplacé dès mercredi par Didier Lallement, actuel préfet de la région Nouvelle Aquitaine, passé par le secrétariat général du ministère de l’Intérieur entre 2012 et 2014. « Un signe fort », estime l’Unsa police dans un communiqué. Il faut dire que la réputation de ce haut fonctionnaire le précède. « Il y en a certains qui vont se réveiller avec lui », prédit un officier de la gendarmerie.
Les autres mesures annoncées par le Premier ministre ont pour objectif de « renforcer la fermeté de notre doctrine de maintien de l’ordre », selon ses propres mots. Il souhaite en particulier que les manifestations des «gilets jaunes » soient interdites dans certains quartiers de Bordeaux, Toulouse et Paris - notamment les Champs-Elysées - lorsque des « éléments ultras » auront été identifiés. « Il faut faire attention que les violences ne se déportent pas ailleurs », met en garde Rocco Contento, secrétaire départemental Paris du syndicat Unité SGP Police FO.
Le chef du gouvernement souhaite en outre accorder « une plus grande autonomie aux forces sur le terrain qui doivent être, à Paris, placées sous un commandement unifié et doté d’une large capacité d’initiative ». Jusqu’à présent, les CRS et les gendarmes mobiles n’étaient pas associés en amont à la conception du dispositif qui était imaginé par la DOPC (direction de l’ordre public et de la circulation) de la Préfecture de police. Alors que sur le terrain, les informations avaient du mal à circuler, cette mesure devrait permettre « une meilleure coordination entre les troupes », estime Rocco Contento.
Les autres mesures annoncées par Edouard Philippe - transformation des détachements d’action rapide en « unités anticasseurs », utilisation de drones et produits marquants, présence renforcée d’officiers de police judiciaire au « plus près des unités de terrain » - « vont dans le bon sens », estime Rocco Contento d’Unité SGP Police FO. « Elles répondent en grande partie à nos attentes et à nos demandes », complète Denis Jacob d’Alternative police. Toutefois, pour Johann Cavallero d’Alliance, « l’essentiel n’y est pas ». Le syndicaliste aurait notamment voulu que la participation à une manifestation interdite devienne un délit et ne soit pas punie d’une simple contravention, même s’il est prévu d’en augmenter le montant.
« Il faut arrêter l’angélisme »
« Derrière, il faut aussi une réponse pénale ferme », poursuit Johann Cavallero. Une fois n’est pas coutume, certains policiers reprochent à la justice de ne pas punir suffisamment les auteurs de violences qu’ils interpellent. Dans un communiqué, le syndicat Synergie officiers va jusqu’à dénoncer « l’angélisme, parfois même la connivence idéologique de magistrats qui répugnent à sanctionner et à neutraliser des graines d’assassins sous couvert de leur fraîcheur militante contre le capitalisme ».
De manière générale, les policiers et gendarmes interrogées par 20 Minutes attendent de voir comment ces mesures vont être appliquées sur le terrain, à l’instar de Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa Police. Une chose est sûre : les forces de l’ordre, exténuées par 18 semaines de mobilisation, en ont assez d’être violemment prises à partie par les manifestants. « Il faut arrêter l’angélisme, arrêter d’accepter l’inacceptable », souligne-t-il. « Les collègues en ont marre, ils veulent y aller maintenant », abonde Denis Jacob. L’acte XIX des « gilets jaunes », prévu ce samedi, fera donc figure de test pour ce nouveau dispositif.