Violences sur les Champs-Elysées: «Ils auraient pu me cramer, j’ai eu de la chance»
REPORTAGE•80 enseignes auraient été touchées, dont une vingtaine pillées ou victimes de départs d'incendie samedi sur les Champs-Elysées, selon les commerçants de la célèbre avenueT.L.G.
L'essentiel
- L’avenue des Champs-Elysées porte un peu partout ce dimanche les stigmates des affrontements de l’acte 18 des « gilets jaunes ».
- 80 enseignes auraient été touchées, dont une vingtaine pillées ou victimes de départs d’incendie, selon les commerçants de la célèbre avenue.
- « Que fait la police », s’interrogent certains riverains.
«Tu vas bientôt ouvrir ? Fais attention à tes cartes postales, il y a du vent ». José sourit à la blague de son ami, car à quelques mètres de là, son kiosque à journaux est en cendres. Après plusieurs semaines d’accalmie, l’acte 18 des « gilets jaunes » a donné lieu à de nombreux affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, et à toutes sortes de dégradations sur les Champs-Elysées
« J’ai fermé à temps, car ils ont commencé à détériorer le kiosque juste après mon départ. Ils auraient pu me cramer, j’ai eu de la chance », souffle José, kiosquier depuis 14 ans sur la célèbre avenue. « Il y avait de tout, des ultras habillés en noir, mais aussi des gilets jaunes. Ils sont arrivés par une rue adjacente et ont dû être mal fouillés car ils avaient tout ce qu’il fallait pour mettre le feu. Je suis là pour faire des photos, pour l’assurance. Mais j’ai tout perdu, je suis au chômage maintenant », dit-il, tirant sur son cigare.
« Pendant ce temps-là, le président fait du ski et Castaner sort en boîte de nuit »
Une moto brûlée, des pavés descellés, des vitrines de magasins brisées… L’avenue porte, un peu partout, les stigmates des violences. Devant la luxueuse brasserie du Fouquet’s, incendiée partiellement samedi, une poignée d’hommes s’attelle aux réparations. « Ça a pris feu sur la toile, au-dessus, ce n’est pas la fin du monde », relativise l’un d’eux. Les touristes, eux, photographient les façades vandalisées. Certains osent même le selfie devant des agents de sécurité dépités.
Un petit groupe d’habitants du quartier discute sous le soleil. « Je suis sorti vers 10 heures, et j’ai vu que les casseurs étaient déjà là, en bas de l’avenue Mac-Mahon, tous habillés en noir. On veut discréditer le mouvement des "gilets jaunes". On se demande si c’est pas orchestré, on a l’impression que la police a laissé faire », assure un retraité, reprenant certaines critiques émises par le syndicat UNSA Police. « C’est effarant car pendant ce temps-là, le président fait du ski et Castaner sort en boîte de nuit », ironise une autre.
« Que fait la police ? »
Selon le Comité Champs-Elysées, association de promotion de l’avenue, 80 enseignes auraient été touchées lors de la manifestation de samedi. Une vingtaine aurait subi pillages ou départs d’incendie. L’odeur de brûlé est d’ailleurs toujours présente à quelques enjambées, avenue Franklin Roosevelt. C’est là qu’un important incendie s’est déclaré à la mi-journée dans une banque, puis aux appartements du dessus, obligeant les pompiers à intervenir et à évacuer les habitants.
« C’était vers 13 heures, on ne voyait pas grand-chose car il y avait un nuage noir dans la rue, à cause d’une voiture cramée. Il y avait beaucoup de gens habillés en noir, on entendait des cris », raconte Nathalie, qui observait depuis sa fenêtre, à quelques numéros d’ici. « J’ai pensé aux gens dans l’immeuble, je me suis dit, "ça aurait pu être moi et mes enfants". J’ai l’impression qu’on nous fait payer le fait d’habiter dans l’une des plus belles rues du monde. Que fait la police ? »
Les autorités ont indiqué samedi soir que 237 personnes avaient été interpellées en marge des rassemblements parisiens et 200 manifestants placés en gardes à vue. Pas suffisant pour l’opposition, qui dénonçait ce dimanche le « laxisme sécuritaire » de l’exécutif.