Réforme du lycée: La disparition des maths du tronc commun dès la 1re, ça va changer quoi?
EDUCATION•A l’occasion de la semaine des mathématiques, « 20 Minutes » s’interroge sur les conséquences de la réforme du lycée concernant cette disciplineDelphine Bancaud
L'essentiel
- La réforme du lycée fait disparaître les filières S, ES et L et les maths ne feront plus partie du tronc commun à partir de la classe de 1re. Et ce dès l’an prochain.
- Certains profs de maths craignent que les élèves qui ne choisiront pas la spécialité maths soient pénalisés ensuite, lorsqu’ils feront le choix de leurs études supérieures.
- Quant à ceux qui choisiront la spécialité mathématiques, elle va être très exigeante. Ce qui va leur demander un fort investissement.
C’est une petite révolution qui fait beaucoup parler dans les lycées. Aujourd’hui, les élèves de la filière S ont 4 heures de maths en 1re, ceux de la filière ES 3 heures et ceux de la série L ont 3 heures de maths s’ils choisissent l’option (rien pour les autres).Avec la réforme du lycée, les maths ne seront plus obligatoires.
En effet, dès l’an prochain, les maths vont disparaître du tronc commun enseigné à tous les élèves dès la classe de 1re et ne seront plus proposés que sous forme de spécialité. Les élèves de la voie générale qui ne la choisiront pas auront néanmoins 2 heures d’enseignement scientifique en 1re et en terminale, mais qui abordera la physique chimie, les sciences de la vie et de la Terre, le numérique et seulement quelques notions de maths.
En finir avec la domination de la filière S
Pour justifier ce choix, le ministre de l’Education, a expliqué qu’il voulait permettre des parcours plus personnalisés aux lycéens et casser le monopole de la bientôt défunte filière S : « On ne veut plus avoir de jeune optant pour la filière S juste parce que celle-ci est plus prestigieuse alors même qu’il n’a aucune envie d’emprunter une carrière scientifique », a-t-il ainsi expliqué au Monde. Un avis partagé par Bertrand Galliot, professeur de maths : « Cela va soulager beaucoup d’élèves qui étaient dégoûtés des maths et permettre aux passionnés d’en faire à haute dose, puisqu’ils pourront faire 9 heures de maths par semaine en terminale (en choisissant la spécialité maths et une option maths en plus) contre 8 heures aujourd’hui », estime-t-il.
Mais d’autres voix se font entendre pour dénoncer ce changement surtout dicté, selon elles, par des considérations pragmatiques : « Depuis des années, il y a une forte pénurie de profs de maths. Le fait de rendre cette matière non obligatoire va permettre de résoudre en partie le problème », estime ainsi Sylvain Col, professeur de maths à Montpellier.
Certains élèves seront-ils pénalisés?
Le fait que les maths puissent ne pas faire partie du tronc commun fait aussi beaucoup tiquer les détracteurs de la réforme du lycée : « toutes les études internationales montrent que le niveau général des Français en maths n’est pas bon. Et cette réforme va priver beaucoup de lycéens de savoirs élémentaires dans cette discipline », déplore ainsi Sylvain Col. Même son de cloche chez Rodriguo Arenas, le coprésident de la FCPE : « Les maths permettent aux élèves d’acquérir une forme de rationalité qui est essentielle à leur construction mentale », insiste-t-il.
Une autre question se pose : le fait de ne pas choisir la spécialité maths pourrait-il fermer des portes aux élèves lorsqu’ils feront leur choix d’orientation dans le supérieur ? C’est ce que craint Bertrand Galliot : « un élève qui aura choisi physique et chimie en spécialités, pourra-t-il entrer en médecine ? », interroge-t-il. « Cette crainte d’être bloqué dans leur choix d’études va sans doute pousser beaucoup de jeunes à choisir la spécialité maths par sécurité. Ce qui va à l’encontre de l’esprit de la réforme », ajoute Rodriguo Arenas. «J’imagine aussi que les universités devront mettre en place des modules de remise à niveau en maths pour permettre à certains élèves de rattraper ce qu’ils n’ont pas vu au lycée», complète Sylvain Col.
Pour les élèves qui choisiront la spécialité maths, d’autres questions se posent. Car les nouveaux programmes, appliqués l’an prochain, s’annoncent particulièrement exigeants pour cette matière, et prévoient l’apprentissage d’un grand nombre de notions. «Le ministère a clairement choisi de remuscler le bac, le niveau demandé en maths sera plus élevé. Il faut d’ailleurs s’attendre à des résultats plus faibles à l’examen pour certains élèves», prévoit Bertrand Galliot. «Cela poussera peut-être certaines familles à financer des cours particuliers à leurs enfants pour qu’ils soient au niveau», ajoute Rodriguo Arenas. De quoi stresser davantage les élèves de 1re alors qu'ils sont en pleine réflexion dans le choix de leurs spécialités...