Immeubles effondrés à Marseille: Quatre mois après, quel avenir pour la rue d'Aubagne?
URBANISME•Quatre mois après l’effondrement d’immeubles rue d’Aubagne, la ville de Marseille annonce vouloir acquérir sept immeubles de cet artère pour « concevoir un nouveau projet urbanistique »Mathilde Ceilles
L'essentiel
- Les immeubles rue d’Aubagne se sont effondrés il y a quatre mois à Marseille.
- Désormais se pose la question de l’avenir du quartier.
- La ville promet un nouveau projet urbanistique.
Le vide est toujours là, béant, entre les deux immeubles, comme une fraîche cicatrice d’un mal qui ronge encore aujourd’hui le quartier de Noailles à Marseille. Voilà quatre mois que plusieurs immeubles délabrés de la rue d’Aubagne se sont effondrés, emportant avec eux les huit personnes présentes en ces murs au moment du drame. Dans cette rue populaire, les immeubles décrépis sont loin de constituer une exception.
« Parmi les 33 bâtiments du périmètre de la rue d’Aubagne examinés par les experts, dix ont été notifiés d’un arrêté de péril grave et imminent », indique la mairie de Marseille dans un communiqué de presse envoyé tard dans la soirée vendredi. La ville a annoncé vouloir acquérir rue d’Aubagne sept des dix immeubles, situés à quelques encablures de là où sont morts les huit Marseillais début novembre.
« Un nouveau projet urbanistique »
L’acquisition de ces sept immeubles se fera via « des procédures à l’amiable et, si nécessaire, des expropriations dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique », souligne la ville. Ces bâtiments seront « rénovés si possible », ou « déconstruits, en fonction des diagnostics des experts », mais ils « présentent des pathologies trop importantes pour être laissés à la responsabilité de propriétaires privés », insiste le communiqué de la ville.
« Notre objectif à long terme est de concevoir un nouveau projet urbanistique pour la rue d’Aubagne, qui s’inscrira pleinement dans l’esprit et l’environnement du quartier et intégrera de nombreux logements sociaux », a affirmé Jean-Claude Gaudin, cité dans ce communiqué.
Peur d’une gentrification
Une annonce qui en inquiète certains et pose, quelques mois après le drame, la question de l’avenir de ce quartier populaire. Les contours de ce projet demeurent en effet très flous. « Lors de notre toute première assemblée, quelques jours après les effondrements, l’une des premières questions des gens était : qu’est-ce que tout cela va devenir ?, se souvient Kévin Vacher, cofondateur du collectif du 5 Novembre Noailles en colère. Les habitants ne veulent pas d’un quartier aux mains des spéculateurs et promoteurs. "
La crainte de voir une « gentrification » du quartier dans le sillage des rénovations est telle qu’elle est parvenue aux oreilles du ministre du Logement, Julien Denormandie. « Marseille est une ville populaire qui doit rester populaire », s’est-il engagé lors de sa dernière visite dans la cité phocéenne.
Des logements sociaux
« On doit arrêter de fabriquer une ville sans ses habitants, peste Benoît Payan, chef de file des socialistes au conseil municipal. La rue d’Aubagne est un endroit abandonné depuis 1995, où 95 % de la population est éligible à un logement social mais où l’on trouve seulement 5 % de logements sociaux, parce qu’on a décidé de rien faire. On ne peut pas construire une ville qui fait du fric sans s’occuper des plus fragiles. On annonce un nouveau projet urbanistique, mais à quel moment va-t-on consulter les habitants ? »
« Plusieurs options sont étudiées, affirme Sabine Bernasconi, maire LR du 1er et 7e arrondissements où se trouve la rue d’Aubagne. Je souhaite redonner le plus vite possible à cette rue une vie normale. Les immeubles acquis par les collectivités dans cette rue pourront servir à construire des logements sociaux. J’ai une volonté que Noailles conserve son âme de quartier populaire. Il n’y a pas de risque de gentrification, car il n’y a dans cette histoire aucun promoteur ! »
Quid des immeubles effondrés ?
« Il faut voir quel type de logement social, rappelle Patrick Lacoste de l’association Un centre-ville pour tous. A La Joliette, ils peinent à trouver des locataires car les prix sont trop chers pour la population du quartier ! » Et de lancer : « il faut donner aux habitants de ces immeubles qui vont être achetés le droit de les réintégrer. Un peu plus de 10 % de ces occupants sont propriétaires. Il va falloir leur trouver une solution pour se reloger, et je ne sais pas sous quelle garantie… »
Reste enfin à trancher une épineuse question : que mettre à la place des immeubles effondrés ? « Il ne me semble pas envisageable de construire par-dessus, estime Sabine Bernasconi. Il faut faire quelque chose pour rappeler la nécessité de la vigilance, sans non plus sanctuariser. » Contactée, l’adjointe en charge de l’urbanisme à la ville de Marseille n’a pas donné suite à nos sollicitations.