Strasbourg: «C'est vraiment dur», l'alerte d'une association qui distribue des repas aux plus démunis depuis 24 ans
SOLIDARITE•Aux sans-abri, aux réfugiés ou aux précaires dans le besoin, l'association Abribus propose de l'aide dans son bus et depuis 1995 à Strasbourg (Bas-Rhin). Elle interpelle les pouvoirs publics avec d'autres sur l'hébergementBruno Poussard
L'essentiel
- Depuis 1995, l’association Abribus et son bus réaménagé pour servir des repas aux plus démunis proposent une aide inconditionnelle d’octobre à avril.
- Trois fois par semaine, ses bénévoles s’installent sur deux places de Strasbourg (Bas-Rhin) et accueillent tous ceux qui en ont besoin.
- S’ils aident comme ils peuvent ces sans-abri, réfugiés et précaires, ses membres formulent un constat « d’aide d’hébergement d’urgence saturée ».
Les premiers n’ont pas attendu 19h. A l’arrivée de l’Abribus sur le côté du parvis de la gare de Strasbourg (Bas-Rhin) ce jeudi, la queue ne tarde pas à se former. Avec beaucoup d’hommes, mais aussi des femmes. Certains en groupe, un grand nombre seuls. Et des familles, de l’autre côté de la route. Pendant ce temps, les bénévoles s’activent autour de grandes marmites et quelques tables. A l’intérieur et à l’extérieur de leur bus coloré.
Donné par la Compagnie des transports strasbourgeois, le véhicule retapé afin d’y servir et d’y manger permet de distribuer des repas chauds aux plus démunis. Créée en 1995, Abribus sert ici - puis sur la place de la Bourse, de 20h30 à 21h30 - trois fois par semaine d’octobre à avril. Avec un seul principe : l’accueil inconditionnel. « On ne demande rien, tout le monde peut venir », insiste Gabrielle, 42 ans, et membre depuis quatre ans.
Des repas chauds et une aide inconditionnelle, pour tous
Dans une température déjà bien basse, ils sont une douzaine de bénévoles à aider ce soir-là - sans compter la dizaine qui a passé l’après-midi à cuisiner à Emmaüs, à partir de denrées fournies par la Banque alimentaire ou récupérées lors de tournées. Soupe, boissons chaudes, salades de fruits, petits gâteaux sont servis dehors. Une potée de légumes de saison avec une viande au choix et un toast est aussi proposée à l’intérieur.
Pendant que deux jeunes étudiants en Cité U et en « galère » rendent leur plateau fini, Amine, père d’une famille venue de Libye, ne traîne pas non plus dans le froid avec sa femme et ses trois enfants « car il y a école demain » et qu’il faut retraverser la ville. Comme ce retraité qui a fait 45 minutes à pied pour venir. « Aidez-moi », demande alors un autre homme, plus jeune, dans un anglais hésitant. Un bénévole lui trouve des gants et un bonnet.
Au cœur de l’hiver, nombre de sans-abri réclament des chaussettes, des vestes ou des couvertures, données Emmaüs ou Caritas. Sans téléphone, deux personnes sans domicile fixe aimeraient, eux, joindre le 115, le numéro d’urgence sociale, ce soir. « Mais c’est vraiment dur d’avoir une place en ce moment, souffle Vincent Greiner, responsable de cette tournée. Si on réussit parfois après un certain temps, on n’a souvent pas de réponse du 115. »
Un constat déjà formulé par le passé, mais pas d’amélioration
Malgré le plan grand froid niveau 2, des gens dorment encore dans la rue à Strasbourg, même fin janvier, avec la neige et le grand froid. Face à ce constat (« l’aide d’hébergement d’urgence est encore et toujours saturée »), Abribus a lancé une alerte de mise à l’abri de tous avec les autres associations locales Strasbourg action solidarité et Le bonheur d’un sourire. Toutes trois regrettent « d’emballer la misère, sans pouvoir faire plus ».
« On fait ce constat chaque année, ajoute Vincent Greiner. Et puis le problème reste lié aux températures hivernales alors que la question des sans-abri se pose toute l’année. » Parmi les plus anciens bénévoles d’Abribus, Patrick rêve, lui, qu’il y ait moins de gens à la rue : « Mais d’année en année, il y en a toujours un peu plus. » Chaque jeudi, samedi et dimanche, Abribus sert ainsi entre 170 et 200 repas. A des réfugiés, des SDF et des précaires.