En Guyane, six détenus dans 11 m2: Le cri d'alarme de la contrôleure des prisons
SOCIAL•Pour Adeline Hazan, les dysfonctionnements actuels résultent en partie « d’un manque de personnel » et d’une direction manquant d’autorité20 Minutes avec AFP
Insalubrité, climat de « violence extrême » et jusqu’à six détenus entassés dans 11 m2 : la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) s’alarme dans un rapport publié ce jeudi des conditions « inhumaines » de détention à la prison de Remire-Montjoly, l’unique de Guyane. Le constat dressé après une visite du centre pénitentiaire du 1er au 12 octobre fait apparaître « un nombre important de dysfonctionnements graves », en violation des droits fondamentaux des personnes incarcérées, écrit la contrôleure générale Adeline Hazan.
Elle adresse par conséquent des « recommandations en urgence » à la garde des Sceaux Nicole Belloubet et à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, rendues publiques ce jeudi.
Surpopulation carcérale
Depuis 2008, date à laquelle les premiers dysfonctionnements ont été relevés, « la situation s’est encore dégradée », déplore la contrôleure générale, qui demande la « rénovation en urgence » de l’établissement ouvert en avril 1998. Elle fixe comme « priorité » l’enrayement de la surpopulation carcérale.
Si celle-ci a diminué en deux ans, passant de 907 détenus en décembre 2016 à 736 lors du contrôle, la situation reste préoccupante, avec un taux moyen d’occupation de 125 %. Ce surpeuplement commence « dès les quartiers des arrivants, dont les cellules ont été doublées », avec parfois des matelas installés au sol.
Deux à trois détenus dans des cellules de 10 m2
Dans la maison d’arrêt des hommes, deux à trois détenus cohabitent dans des cellules individuelles de 10 m2. Six personnes vivent dans les cellules doubles de 22 m2, réduites à 11 m2 une fois « déduite l’emprise des lits, des toilettes et de la table », pointe Adeline Hazan.
Au 20 décembre, « 17 cellules sont occupées par 6 ou 7 personnes détenues », précise dans sa réponse la garde des Sceaux, qui promet de mettre « tout en œuvre » pour les réaffecter dans d’autres quartiers du centre pénitentiaire. Pour désengorger la prison de Remire-Montjoly, la ministre de la Justice rappelle le projet de lancement « cette année » de la construction d’une maison d’arrêt de 500 places à Saint-Laurent-du-Maroni, dans le nord-ouest de la Guyane.
Des douches « à la vue de tous »
Autre « traitement inhumain » selon la CGLPL : au quartier des femmes, deux mères sont détenues avec leur nourrisson, en cellule ordinaire, faute de places suffisantes à la nurserie.
La surpopulation pèse également sur la salubrité, les travaux de rénovation ne pouvant être réalisés que cellule par cellule. Dans celles-ci, les moisissures ont altéré les sanitaires et l’état des douches est tel que les détenus « préfèrent se laver avec une bassine d’eau froide » quand ils ne sont pas contraints de se doucher à l’extérieur dans les cours de promenade, « à la vue de tous », souligne la contrôleure.
Malgré le climat tropical guyanais, les détenus ne peuvent acquérir de réfrigérateur et les aliments en décomposition attirent « rats, cafards et autres insectes ». La CGLPL demande la mise en œuvre « immédiate » de mesures de dératisation et d’éloignement de plusieurs dizaines de milliers d’hirondelles, peuplant la prison depuis 2000 selon le ministère et transmettant une fièvre pouvant « être fatale en l’absence de traitement adéquat ».
Le manque de personnel pointé du doigt
L’établissement souffre d’un « climat de violence extrême », qui s’est caractérisé par 156 faits de violences graves entre détenus en 2018, selon la garde des Sceaux. Toutes les bagarres ne sont pas recensées par le personnel « débordé » et des détenus ont dit aux contrôleurs « craindre pour leur vie », note la CGLPL.
Elle demande que cessent les nombreuses « fouilles aléatoires » non proportionnées, les placements en quartier disciplinaire « infondés » et les sédations de force en réponse à des situations de violences.
Pour Adeline Hazan, les dysfonctionnements actuels résultent en partie « d’un manque de personnel » et d’une direction manquant d’autorité. Treize surveillants doivent arriver en mai au centre pénitentiaire de Guyane pour combler les vacances de postes, lui a répondu la garde des Sceaux.