SECURITE ROUTIEREPourquoi le gouvernement juge la limitation à 80 km/h efficace

80 km/h: Pourquoi le gouvernement estime-t-il que la mesure est efficace?

SECURITE ROUTIERESix mois après l’entrée en vigueur du très controversé abaissement à 80 km/h, le gouvernement a défendu sa mesure, pourtant très décriée par une partie de l’opinion…
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Depuis juillet, 116 vies ont été épargnées sur les routes secondaires où la limitation de vitesse a été abaissée à 80 km/h, a annoncé le Premier ministre.
  • Une analyse contestée par certaines voix, qui sont opposées à la mesure depuis le début.
  • L’avenir de la limitation de vitesse à 80 km/h reste en suspens, car elle sera discutée au cours du grand débat national.

Des chiffres qui ont réjoui le gouvernement. Six mois après sa mise en œuvre, un premier bilan de l’abaissement à 80 km/h des routes secondaires à double sens sans séparateur central a été dévoilé ce lundi par le Premier ministre. Selon lui, 116 vies ont été épargnées grâce cette mesure, depuis le 1er juillet dernier, puisqu’elles l’ont été sur le réseau routier concerné.

« Nous avons observé 44 millions de passagers entre juin et novembre 2018. Et nous avons constaté que l’entrée en vigueur de cette mesure a fait baisser la vitesse moyenne des véhicules. Or, toutes les études mondiales font une corrélation entre la vitesse et les accidents », a expliqué ce lundi après midi, Emmanuel Barbe, le délégué interministériel à la Sécurité routière. Il affirme même que 60 vies supplémentaires auraient pu être épargnées en novembre et décembre si les radars n’avaient pas été détériorés pendant la crise des « gilets jaunes ».

Des avis discordants

D’après lui, dès le dimanche 1er juillet, une baisse de la vitesse de 3,9 km/h a été constatée sur ces routes pour les véhicules légers. Et les conducteurs de poids lourds ont aussi levé le pied puisque leur vitesse a baissé de 1,8 km/h. Ce qui laisserait penser que la peur d’être flashé a eu une réelle incidence sur les comportements. Une interprétation que Jean-Paul Dufrègne, député communiste de l’Allier, trouve un peu hâtive : « C’est totalement prématuré au bout de six mois de dire que la baisse de la mortalité sur ces routes est liée aux 80 km/h. Tout comme on ne peut pas affirmer que le bilan serait différent si ces routes étaient restées limitées à 90 km/h », déclare-t-il à 20 Minutes.

Pierre Chasseray, le délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, se montre encore plus critique : « Ces chiffres ne sont ni plus ni moins qu’une manipulation pour nous vendre les 80 km/h. Si cette mesure sauvait 400 vies, on devrait être bien en dessous du niveau de 2013. On aurait au moins 200 vies épargnées. Or, on est au même score qu’il y a cinq ans quand les routes étaient à 90 km/h. Par ailleurs, la baisse de la mortalité routière avait déjà démarré avant le 1er juillet. D’autre part, quand il y a une tension sur les prix du carburant, cela se traduit par une baisse de l’accidentalité. Tout bonnement parce que les conducteurs roulent plus doucement pour économiser l’essence ou réduisent leurs déplacements », affirme-t-il à 20 Minutes.

Pas beaucoup d’incidences sur le temps de parcours

Mais pour Emmanuel Barbe, ces arguments ne tiennent pas : « Au deuxième semestre 2018, seule la mortalité des routes hors agglomérations* baisse. La mortalité des autres routes monte », précise-t-il.

Pour montrer que l’efficacité de la limitation à 80 km/h, le gouvernement a aussi voulu démontrer qu’elle n’entraînait pas forcément beaucoup de contraintes pour les conducteurs. La mesure étant accusée de leur faire perdre du temps, Emmanuel Barbe a nuancé fortement cette affirmation : « D’après notre étude, la mesure a conduit à un gain de temps pour 34 % des conducteurs, à une perte de temps d’une seconde par km pour 37 % des itinéraires et à une perte de temps supérieur à 2 secondes par km pour 12 % des véhicules. Cela ne m’a pas surpris car on l’avait déjà observé cette tendance lorsque la vitesse avait été baissée sur le périphérique parisien », indique-t-il.

Encore loin des objectifs

Quant à ceux qui estiment qu’avec les 80 km/h, les voitures sont collées par les camions, le délégué interministériel affirme qu’il n’en est rien : « Il n’y a pas eu d’effet de peloton depuis la mise en place de la mesure sur ces routes. Les interdistances entre poids lourds et voitures n’ont pas changé », martèle-t-il.

Reste que si le gouvernement se targue de ces résultats du passage aux 80 km/h qu’il juge encourageants, il est encore loin de l’objectif qu’il s’était fixé avec cette mesure : épargner entre 300 et 400 vies sur ces routes par an. Pour l’association Prévention routière, « il est essentiel de laisser le temps (à la mesure) de produire pleinement ses effets ».

Mais l’incertitude demeure sur la suite qui sera donnée à cette mesure. Le Premier ministre a jugé « légitime de discuter du sujet » dans le grand débat national. « Mais il serait fou d’abaisser le niveau d’ambition », a-t-il estimé. Les conseils départementaux pourraient au final décider eux-mêmes de limiter la vitesse à 80 km/h sur certaines routes et de la fixer à 90 km/h sur d’autres.

* Les routes hors agglomérations sont les departementales, les nationales ou communales.