Générosité: Pourquoi les dons aux associations ont-il baissé en 2018?
SOLIDARITE•France Générosités, le syndicat des associations et des fondations, table sur une chute des dons de 10 à 15 % pour l’ensemble de l’année 2018…Delphine Bancaud
L'essentiel
- La suppression de l’ISF, la hausse de la CSG, les mouvements sociaux, l’instauration du prélèvement à la source ont eu une incidence sur les collectes des associations et des fondations.
- Conséquences : certains nouveaux programmes n’ont pas pu voir le jour et les structures tentent de diversifier leurs ressources pour limiter la casse.
C’est la mauvaise surprise de 2018. Alors que les associations sont en train de faire les comptes des dons qu’elles ont reçus l’an dernier, elles découvrent au fur et à mesure que le cru n’a pas été bon. « A fin juin, la baisse des dons des 97 associations que nous représentons était de 6,5 %, mais on estime que sur l’ensemble de l’année 2018 elle sera de 10 à 15 % », indique Pierre Siquier, nouveau président de France Générosités.
« Nous tablons sur une baisse de 5 % des dons en 2018 », annonce aussi Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Et même les Restos du Coeur qui est l’une des associations que les Français plébiscitent, anticipe une baisse de 1,5 % des dons sur la même période.
« La hausse de la CSG a joué »
Plusieurs causes expliquent cette chute historique de la générosité des citoyens. « Tout d’abord la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) : « le nombre d’assujettis est passé de près de 300.000 à 150.000. Or, ceux qui payaient l’ISF pouvaient déduire 75 % de leurs dons de leur imposition dans la limite de 50.000 euros. Certains pensent que c’est moins intéressant pour eux de donner maintenant et s’abstiennent. Du coup, les associations ont perdu 150 millions d’euros de dons venant de ces contribuables », analyse Pierre Siquier.
Mais ce n’est pas tout : « La hausse de la CSG a joué. Beaucoup de retraités nous ont écrit dès février 2018 pour nous dire qu’ils ne pourraient plus donner », explique Patrice Blanc, président des Restos du cœur. Et comme les plus de 60 ans représentent dans plusieurs associations la moitié des donateurs, il y a eu du grabuge. « Les mouvements sociaux ont aussi joué négativement. Car à force d’entendre que les Français souffrent, cela finit par influer sur leur ressenti et les gens estiment qu’ils n’ont plus les moyens de donner », explique Jacques Malet, président de Recherches et solidarités.
Pour l’année 2019, l’instauration du prélèvement à la source suscite quelques appréhensions chez les associations : « même si les Français bénéficient toujours de déductions fiscales en donnant à des associations, cela crée un frein psychologique chez certains d’entre eux », prévoit Pierre Siquier. Et pourtant en janvier, les contribuables ayant donné en 2017 toucheront un acompte de 60 % sur leur avantage fiscal.
Certains projets reportés
L’impact de ce recul des dons n’a pas été le même pour toutes les associations et les fondations : «L'Institut Pasteur par exemple, qui a beaucoup de grands donateurs a été très touché, comme plusieurs fondations et associations s’illustrant dans la recherche médicale. Mais certaines associations, comme celles qui soutiennent les animaux par exemple, n’ont pas été trop pénalisées », constate Pierre Siquier. « Toutes les associations qui ont des antennes régionales permettant une proximité avec leurs donateurs s’en sortent mieux », observe aussi Jacques Malet.
Pour celles qui ont pris de plein fouet ce recul, il a fallu faire des choix « Les programmes pluriannuels des associations ont été protégés en priorité, mais certaines d’entre elles ont dû reporter des nouveaux programmes », indique Jacques Malet. « Sur 2019, des nouvelles unités de recherche médicale ne verront pas le jour », complète Pierre Siquier.
Des pistes pour compenser la baisse
Pour sortir la tête de l’eau, les associations et fondations s’activent depuis quelques mois : « Elles communiquent davantage sur ce qu’elles font auprès de leurs donateurs, elles misent plus sur le street marketing pour capter les donateurs plus jeunes. Mais elles ont encore des marges de manœuvre en ce qui concerne le crowdfunding et le développement d’évènements de charity-business », observe Pierre Siquier. « Certaines d’entre elles ont essayé de développer le mécénat », complète Jacques Malet.
Les Restos du cœur sont aussi à la recherche de nouvelles ressources : « On tente de développer les dons en nature pour diminuer nos achats de produits alimentaires. Et d’étoffer nos partenariats avec les entreprises », informe Patrice Blanc. Du côté de la Fondation Abbé-Pierre, on s’active aussi : « Nous avons recherché des sources d’économies de fonctionnement et nous avons communiqué directement sur nos difficultés dans nos appels à dons. Plus que jamais, on sait qu’il faut diversifier nos sources de revenus en misant aussi sur les legs, les partenariats avec les entreprises… », insiste Christophe Robert.