«Gilets jaunes»: Pourquoi les péages sont particulièrement ciblés
SYMBOLE•Le sociologue Vincenzo Susca détaille la symbolique du péage et les raisons pour lesquelles ils sont particulièrement visés…Jérôme Diesnis
De nombreux péages vandalisés au fil de l’autoroute A 9, d’autres incendiés comme à Narbonne et Bessan, à proximité d’Agde… Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », les barrières de péage sont particulièrement ciblées.
Dans le cadre de l’incendie du péage de Bessan, quarante et une personnes ont été interpellées mardi… Une violence dont une partie des « gilets jaunes » s’était désolidarisée, évoquant l’intrusion de casseurs étrangers au mouvement initié le 17 novembre.
« Un symbole qui contient plusieurs symboles »
« Les péages autoroutiers sont un symbole qui contient plusieurs symboles », souligne Vincenzo Susca, directeur du département de sociologie de l’université Paul Valéry à Montpellier. Le plus évident d’abord. Celui qui touche au portefeuille et à l’identité même de l’entreprise concessionnaire de l’autoroute A 9, la multinationale Vinci. « Auparavant, les autoroutes étaient moins chères et propriété de l’Etat. C’est un champ de bataille, car il s’agit de privatisation qui va coûter au plus faible », explique le sociologue.
En 2014, un rapport de l’autorité de la concurrence avait mis en évidence « la rentabilité exceptionnelle » des sociétés concessionnaires, l’importance des dividendes versés aux actionnaires et l’augmentation des tarifs de 20 % en dix ans…
Selon le sociologue, la barrière de péage est également une frontière entre deux mondes. « Occuper une barrière de péage, cela indique l’envie de poser un obstacle entre le besoin de mouvement et sa réalisation. Il s’agit d’une frontière physique liée à la crise économique. Un péage contribue à creuser la distance entre le centre névralgique de la culture, de l’économie et du pouvoir, et la périphérie. »
Barricades haussmanniennes
Vincenzo Susca y voit un parallèle avec l’histoire. « On pourrait presque le voir comme une forme de barricade contemporaine. A l’époque haussmannienne, les barricades existaient en ville sur les boulevards. Aujourd’hui, étant donné la révolte des marges, les péages sont de nouvelles frontières entre le centre et ce qui n’est plus une banlieue, mais la campagne. »