Age de Jeanne Calment: Arles défend sa légendaire centenaire... «On n'a aucun doute!»
REPORTAGE•Les habitants de la cité natale de la «doyenne de l'humanité» réagissent aux accusations de deux chercheurs russes, qui assurent que Jeanne Calment a usurpé l'identité de sa mère...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- Les chercheurs russes Nicolaï Zak et Valeri Novosselov affirment que Jeanne Calment a usurpé l'identité de sa mère et serait morte à 99 ans, et non 122 ans.
- Une théorie « absurde » selon la médecin qui a soigné Jeanne Calment à la fin de sa vie.
- « On a vérifié toutes les dates », affirme aussi la directrice des archives communales d'Arles.
«Ne bougez pas, le carton est juste là ! » Aux archives municipales d’Arles, le dossier Jeanne Calment est en tête de gondole. Il a été consulté récemment, par un certain « Nicolas Zak ». Nicolaï Zak, en fait, un mathématicien russe qui conteste la longévité de Jeanne Calment. Il a contacté les archives arlésiennes fin octobre.
« On lui a envoyé de la documentation par mail », se souvient Sylvie Rébuttini, directrice des archives municipales. A son retour de vacances, la fonctionnaire a découvert avec effarement les conclusions du scientifique russe : « Ici, ça ne fait aucun doute que Jeanne Calment est bien morte à 122 ans. De nombreux chercheurs ont authentifié son âge, une généalogiste est même remontée jusqu’au XVIIe siècle et a conclu que les Calment étaient très résistants aux épidémies et aux maladies ! »
« On vérifiait que toutes les dates collaient »
Sylvie Rébuttini se souvient aussi des nombreux contrôles administratifs effectués avant la mort de la « supercentenaire » : « On vérifiait que toutes les dates collaient : acte de naissance, de mariage, recensements… Car à l’époque, il arrivait qu’un nouveau-né meure et, qu’une dizaine d’années plus tard, les parents donnent les mêmes prénoms à un nouvel enfant ! »
Ces contrôles ont permis d’établir que le certificat de naissance établi « en l’an mil huit cent septante-cinq » est bien celui de la dame de 122 ans qui a passé la fin de sa vie à la maison de retraite du Lac. Catherine Levreau, désormais responsable du pôle gériatrie du centre hospitalier d’Arles, « a eu la chance de rencontrer ce phénomène ». Auprès de 20 Minutes, la médecin revient sur les conclusions des chercheurs russes. « Pas vraiment sérieuses », selon elle :
« L’idée de ce montage où elle se serait fait passer pour sa mère est absurde, scabreuse même ! La famille Calment était très connue. Ils étaient commerçants, allaient à la messe tous les dimanches… Il aurait fallu que toute la ville d’Arles soit complice. Par ailleurs, les chercheurs évoquent des “incohérences” dans la forme de son visage… Il est évident que les traits du visage s’affaissent en vieillissant ! » »
Magali, une quinquagénaire qui a rencontré Jeanne Calment au début des années 1990, a effectivement le souvenir « d’une dame qui semblait vraiment très, très vieille. » Agacée par ces accusations, Magali s’emporte : « Je ne comprends pas pourquoi des scientifiques russes s’amusent à salir la mémoire d’une dame qui n’a jamais embêté personne, qui vivait tranquille ici, à Arles ! »
La plus grande commune de France s’enorgueillit de la longévité de « sa » centenaire légendaire. « J’ai souvent des gens qui viennent me demander où elle est enterrée », sourit Nathalie, gardienne du cimetière de Trinquetaille. Elle non plus ne croit « pas une seconde à la théorie des Russes ». Et elle espère, surtout, qu’aucun scientifique ne viendra exhumer le corps de Jeanne Calment pour des tests ADN.
Dans le cimetière balayé par le mistral, un homme vient fleurir la tombe de sa mère. Il s’arrête quelques secondes pour discuter et lève la voix, à son tour : « Jeanne Calment, c’est notre symbole. Notre légende, même… Alors ça me ferait mal d’apprendre que c’est un mythe. »