VIANDARDRiche ou pauvre? Femme ou homme? Qui mange de la viande aujourd'hui?

Riche ou pauvre? Femme ou homme? Qui mange de la viande aujourd'hui?

VIANDARDDécriée ou adulée ? La viande a clairement un statut à part dans la société française…
Laure Gamaury

Laure Gamaury

L'essentiel

  • 20 Minutes s’est penché sur le rôle social de la viande dans la société française. Hommes-femmes, jeunes-âgés, aisés-pauvres… La viande n’est pas consommée de la même façon par tous.
  • Mais l’importance de la bidoche dans la culture française lui octroie une place à part.

Vous aussi, vous salivez à l’idée d’une planche de charcuterie entre amis ? Et bien, vous faites partie des 99 % de la population française qui consomme encore de la viande en 2018. Véganisme, végétarisme et autres termes en « isme » ? Oui, les habitudes alimentaires des Français ont évolué mais la barbaque n’a toujours pas fui votre assiette.

« Aujourd’hui, ce sont les plus riches qui consomment le moins de viande. Manger de la viande est toujours une distinction sociale, c’est un produit noble qui coûte cher », affirme Gabriel Tavoularis, directeur d’études et de recherche au Credoc, qui supervise notamment l’enquête sur Les comportements et consommations alimentaires des Français, réalisée tous les trois ans. La dernière édition montre clairement que la consommation de viande en France dans la population adulte est en baisse depuis dix ans, de l’ordre de 12 %.

La viande est-elle encore aujourd’hui l’apanage des hommes ?

« Pour les hommes, il y a encore l’association viande = force et muscles, assure Raphaël Gruman, diététicien-nutritionniste à Paris. Chez les hommes et les jeunes en particulier, il y a une forte consommation de viande car c’est très rassasiant. Pour les gens qui ont un fort appétit, la viande a des vertus sur l’effet de satiété. »

Un constat également acté par l’étude menée par Gabriel Tavoularis : « Il y a une vraie transformation sur la tranche d’âge des 18-24 ans, où la consommation de viande a dépassé tous les niveaux des plus âgés ». La cause ? La consommation en nette hausse des plats cuisinés. « Ils en sont très friands et consomment donc des produits carnés en plus petite quantité que leurs aînés mais de façon bien plus régulière », poursuit Gabriel Tavoularis.

Et ce phénomène de consommation de plats préparés est générationnel pour le chercheur, qui pense que « cette tendance va s’installer dans le temps ». Et les femmes dans tout ça ? Si la tendance à la baisse de consommation de viande s’applique à toute la société française, « les femmes paraissent plus réceptives », pour Raphael Gruman.

« Sur la consommation de viande, il y a des différences entre les deux sexes qui ont toujours existé, assure Gabriel Tavoularis. Il y a une dimension culturelle symbolique forte. » »

Est-ce du à l’écologie ? A la santé ? A un ras-le-bol après le régime Dukan, gourou de l’hyper-protéiné au début des années 2000 ?

Quels choix selon les CSP ?

Cette « dimension culturelle symbolique forte » se retrouve également au niveau des catégories de population. « La viande a longtemps été un signe de réussite et de distinction sociale, et c’est toujours le cas aujourd’hui », analyse le chercheur. Si globalement la consommation de viande est en baisse dans toutes les catégories sociales, c’est chez les ouvriers qu’elle est la plus importante. Pour eux, la « question économique est centrale alors que chez les CSP +, on parle de flexitarisme ». Pour les scientifiques, le flexitarisme n’inclut pas le motif économique, uniquement des volontés écologique, sanitaire, et plus globalement d’hygiène de vie.

C’est également en raison de cette prise de conscience « plus philosophique que physiologique » pour Raphaël Gruman, que les Français sont de plus en plus préoccupés par l’origine et la traçabilité. « Il y a encore trois ou quatre ans, les principales questions de mes patients portaient sur l’intérêt du bio, savoir s’il y avait de réels bienfaits ou si c’était un effet de mode. » Aujourd’hui, le nutritionniste affirme qu’avec l’émergence des vegan et des végétariens notamment, les préoccupations se portent sur des considérations plutôt écologiques.

Lier consommation de viande et pollution ? « Oui, c’est un message qu’on entend de plus en plus, constate Gabriel Tavoularis. Et qui laisse des traces particulièrement chez les plus éduqués. Le bien-être animal commence également à émerger dans les préoccupations des Français. »

La culture culinaire française

La réputation d’amateurs de « bidoche » des Français est-elle pour autant galvaudée ? Pour Asma, gérante d’une brasserie parisienne, « hommes comme femmes commandent de la viande, et ils en redemandent car tous nos plats sont certifiés maison et nous nous servons dans des filières courtes et locales ». Gabriel Tavoularis abonde dans ce sens : « La culture française met particulièrement la viande à l’honneur dans les plats traditionnels ». Ce sont donc les habitudes alimentaires qui ont changé : on consomme moins mais mieux. Un phénomène pas spécifique à la viande mais à l’alimentation en général.

Raphaël Gruman assure d’ailleurs inclure la viande dans tous les régimes alimentaires qu’il préconise, sauf demande express : « La viande n’est pas mauvaise en soi. Elle apporte des nutriments essentiels, du fer, qui sont plus compliqués à retrouver ailleurs. L’important est de varier et de modérer. » Modération, également le maître mot pour les « viandards » que nous sommes ?