Attentat à Strasbourg: L’itinéraire de Cherif Chekatt, délinquant multirécidiviste devenu terroriste
TERRORISME•Abattu jeudi soir, ce délinquant multirécidiviste suspecté d'avoir tué trois personnes mardi était suivi par la DGSI depuis sa sortie de prison en 2015…Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Le suspect n°1 de l’attentat de Strasbourg a été abattu par une brigade de la BST jeudi soir
- C'est un délinquant au lourd passé judiciaire.
- Sa radicalisation avait été détectée lors d’un passage en détention, entre 2013 et 2015.
- Cherif Chekatt était depuis suivi par la DGSI et faisait l’objet d’une fiche S.
Pourquoi ce délinquant multirécidiviste s’est-il mué en terroriste ? Avant de devenir l’homme le plus recherché de France, celui qui est suspecté d’avoir semé la mort mardi à Strasbourg, était simplement connu des services de police pour faire partie « d’une petite bande de droit commun », explique une source proche du dossier. Tombé enfant dans la délinquance, Cherif Chekatt, 29 ans, a été condamné à 27 reprises, essentiellement pour des affaires de violences, de vols ou de destructions. En France, Suisse en mais aussi en Allemagne où il a été incarcéré durant plus d’un an. De ce côté-ci du Rhin, il a effectué deux peines de prison de deux ans chacune.
Lors de son dernier passage en détention, de 2013 à 2015, l’administration pénitentiaire avait repéré ce prisonnier radicalisé qui faisait preuve de prosélytisme et l’avait signalé aux services de renseignement. A la sortie, le natif de Strasbourg est inscrit au FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) et est suivi dans ses déplacements grâce à une fiche S, émise en mai 2016. Cherif Chekatt est également discrètement surveillé par des agents de la DGSI, tout comme son entourage. Un suivi « qui n’a jamais vraiment été levé », relève un bon connaisseur du dossier.
« Bas du spectre »
Et qui n’a jamais révélé de velléité de passage à l’acte. Cherif Chekatt était même considéré comme faisant partie du « bas du spectre ». Un de ses frères, Sami, fait également l’objet d’une fiche S. Mais aucun membre de la fratrie ne représentait, aux yeux des autorités, un quelconque danger. Changement cet automne de stratégie. Selon nos informations, dans le cadre du GED (groupe d’évaluation départemental) de la radicalisation du Bas-Rhin, piloté par le préfet, tous les éléments en possession des services ont été partagés afin de faire aboutir une procédure judiciaire en droit commun qui le visait.
a« La poursuite pour des faits de droit commun des individus radicalisés constitue un axe de travail privilégié de services », analyse une source sécuritaire, contactée par 20 Minutes. Avant l’attaque de mardi, Cherif Chekatt était recherché par les gendarmes dans une affaire de tentative d’homicide sur fond de vol à main armée, datant du mois d’août dernier. Lorsque les militaires et les agents de la DGSI se sont présentés, mardi matin, à son domicile pour l’arrêter, le suspect était absent. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont retrouvé une grenade défensive, une arme 22 Long Rifle chargée, des munitions et quatre couteaux. Ses complices, eux, ont été interpellés.
Absence de revendication
Toujours selon nos informations, sur les six individus du groupe ciblés mardi matin, deux sont également fichés S pour radicalisation. Quelques heures plus tard, Cherif Chekatt s’emparait d’une arme de calibre 8 mm et d’un couteau et s’en prenait au hasard aux passants, à proximité du marché de Noël de Strasbourg. Un passage à l’acte que les autorités ont toujours du mal à comprendre. L’arme utilisée est assez ancienne. Ce qui fait dire aux enquêteurs de la Sdat (sous-direction anti-terroriste) et de la DGSI qu’il ne disposait pas forcément des réseaux lui permettant de se procurer une arme plus sophistiquée, comme une kalachnikov.
D’autre part, les investigations n’ont, pour l’instant, pas permis de mettre à jour des liens avec des individus présents en Irak ou en Syrie. Pourtant, les autorités n’ont aucun doute sur la nature terroriste de son passage à l’acte. Déjà, parce que des témoins l’ont entendu crier « Allahou Akbar », comme l’a indiqué le procureur de la République de Paris, Rémi Heitz. Mais aussi parce qu’il a affirmé au chauffeur de taxi, qui l’a déposé le 11 décembre au soir dans le quartier du Neudorf, avoir agi pour venger ses « frères » musulmans, tués en Syrie. Enfin, jeudi soir, Daesh a revendiqué l’attaque, qualifiant Chekatt de « soldat de l’état islamique ». Quelques minutes seulement après sa mort.
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