Préservatifs équitables et vegan, lubrifiants bio... Le sexe passe à l'heure écolo
GREEN•L'offre de produits dédiés au plaisir des adultes et qui sont plus respectueux de la santé et de l'environnement est en plein essor...Anissa Boumediene
L'essentiel
- Dans les boutiques dédiées au plaisir des adultes, l'offre de produits respectueux de la santé et de la planète se développe rapidement.
- Préservatifs, vegan, lubrifiants bio et autres bougies de massages végétales se sont fait une place dans les boutiques et dans les chambres de couples séduits par ces produits plus vertueux.
- Un succès qui s'explique par la prise de conscience globale liée aux questions environnementales mais aussi de santé, et par le fait que de plus en plus de Français se soucient de la qualité des produits qu'ils utilisent dans leur vie intime.
Des préservatifs vegan, des lubrifiants bio, des sex-toys à énergie solaire : en parcourant les rayons du Passage du désir, le « love store » parisien spécialisé dans les produits dédiés au plaisir des adultes, on découvre que désormais, les écolos peuvent satisfaire leurs envies coquines tout en respectant leurs convictions et en préservant leur santé.
Des préservatifs équitables et vegan
En flânant dans le love store, on trouve un lubrifiant vegan. « Il ne contient aucune substance d’origine animale, pas d’allantoïne, d’acide hyaluronique ou de collagène animal, assure Alice, qui conseille la clientèle au Passage du désir. Toutes ces substances peuvent soit être fabriquées de synthèse, soit se trouver dans des végétaux ». Alors que l’on connaissait les préservatifs parfumés, taille mini, taille maxi, quelques mètres plus loin, on découvre leur version vegan, pour satisfaire ceux qui refusent d’utiliser tout produit issu de l’exploitation animale. « Ils sont en caoutchouc naturel, et ne contiennent pas de poudre de caséine, une protéine animale qui entre dans la composition des préservatifs classiques, explique Alice. Ce produit, qui au départ était de niche commence à se démocratiser, observe la jeune femme. Avant, on n’en trouvait que sur Internet et c’était cher. Aujourd’hui, la demande explose ».
D’autant que se faire du bien fait aussi du bien aux autres puisque ces préservatifs vegan sont aussi équitables. Ainsi, quelque part à l’autre bout du monde, en Inde, « les 180 salariés qui travaillent le caoutchouc naturel entrant dans la composition de ces préservatifs perçoivent un salaire décent, qui assure leur subsistance et celle de leur famille, ce système alimente une caisse de retraite et une gestion durable des arbres à caoutchouc, c’est très vertueux », se réjouit Alice.
Du bio pour prendre soin de sa santé sexuelle
« Il y a une vraie demande de la clientèle d’avoir le choix, de pouvoir trouver des produits qui participent à leur plaisir sexuel, mais aussi à leur santé sexuelle, observe la vendeuse. Longtemps, l’intimité n’a pas été un sujet de préoccupations, aussi parce que le tabou était très fort. Donc si une femme essayait un lubrifiant qui lui causait des brûlures ou des irritations, elle n’osait pas en parler, considérant qu’il est normal d’avoir parfois mal durant les rapports sexuels. Il y avait un vide, avec des produits plein de substances chimiques, pouvant causer irritations et allergies ». Mais ça, c’était avant.
Désormais, une large gamme de lubrifiants bio a fait son apparition, « et représente plus de la moitié des lubrifiants que l’on propose dans nos boutiques», souligne Patrick Pruvot, fondateur du Passage du désir. «En me lançant, j’ai été choqué de voir le faible niveau des normes sanitaires en vigueur pour les sex-toys et cosmétiques sexuels. Aujourd’hui, les phtalates sont interdits dans les stylos Bic, mais si nous les avons bannis de nos sex-toys, aucune loi n’interdit de fabriquer des jouets pour adultes bourrés de phtalates, aux effets perturbateurs endocriniens », poursuit-il.
Pourtant, cette offre de produits pour adultes plus vertueux répond à une demande grandissante. « Il y a une vraie attente de nos clients concernant les produits "cosmétiques", confirme Quentin Bentz, directeur général de LELO France, l’un des leaders du secteur des sex-toys. Ils sont très vigilants à ce que des produits comme les lubrifiants, en contact direct avec les muqueuses, ne contiennent pas de substances nocives. Il y a cette considération liée à la santé qui est de plus en plus forte ». Pour Patrick Pruvost, « il faut libérer la vie sexuelle de ses freins et de ses tabous. Je pense que la "dé-tabouïsation" de la sexualité passera aussi par la prise en considération de la santé sexuelle et du bien-être intime. Aujourd’hui, ces produits ont de plus en plus de succès, mais vous ne trouverez pas de lubrifiants bio en parapharmacie ». « Ni en épicerie bio, parce que ce sont des produits à connotation sexuelle alors on ne les trouve que dans des boutiques spécialisées », renchérit Alice.
« Les marques répondent ici aux attentes d’une cible, essentiellement des femmes jeunes, citadines, avec un niveau de vie élevé, une cible sensible aux aspects bio et vegan, analyse Elisabeth Tissier-Desbordes, professeure émérite à l’ESCP Europe, spécialiste des questions liées au marketing et au comportement des consommateurs. Pour les consommatrices, ces considérations s’inscrivent dans ce contexte de prise de conscience autour de la qualité des produits liés à la santé sexuelle et intime. Après le scandale des tampons contenant des résidus de pesticides, les femmes sont dans ce souci de vigilance sur ce qu’elles mettent dans leur corps, poursuit-elle. Et les marques se positionnent pour satisfaire cette cible et ses demandes, dans la volonté d’être au plus près des tendances. On n’est pas ici dans une logique de récupération écologique, mais dans une approche pragmatique : le bio est l’un des rares marchés en augmentation, donc les marques ont tout intérêt à investir ce secteur ».
Une prise de conscience globale
Désormais, les consommateurs sont « dans une démarche globale, une volonté de consommer différemment, d’être plus sensibles au bien-être, aux problématiques écologistes, éthiques et de santé, constate la vendeuse du Passage du désir. La mise en pratique de ces considérations a démarré avec l’alimentation, puis les cosmétiques et gagne aujourd’hui les produits liés à la vie sexuelle. Au même titre que l’on mange bio, on veut du bio dans notre intimité ».
En proposant des gammes bio, vegan, équitables et écolos, « les marques créent une nouvelle demande, puisque ces produits n’existaient pas il y a quelques années, mais cela répond aux aspirations globales des clientes soucieuses de leur santé, de la planète et de l’autre, décrypte Elisabeth Tissier-Desbordes. C’est du gagnant-gagnant pour tout le monde, à condition pour les clients que les gammes de prix ne soient pas trop chères, sinon ils ne sautent pas le pas ». « Ici, une boîte de dix préservatifs vegan et équitables coûte 9,90 euros, contre un peu plus de huit euros pour une boîte de 12 préservatifs d’une marque leader du marché, répond Alice. On reste sur des écarts de prix très modérés, voire des prix similaires ou inférieurs, comme c’est le cas pour les lubrifiants bio ».
Mais le plaisir dans tout ça ? « Si on ne propose que des produits vertueux qui n’ont rien d’attrayant, qui semblent tristes et fades, ça ne prend pas, relève Alice. On vient là pour son plaisir, donc il faut aussi que l’on propose des choses amusantes et ludiques ! » Ainsi, le lubrifiant bio se décline ici en versions aromatisées, parfum fraise ou cerise, et s’accompagne d’une huile de massage, bio elle aussi, parfumée à l’amande ou au chocolat. « C’est bio et comestible, ajoute Alice, comme ça, on peut se croquer sans se soucier de la composition du produit, il n’y a qu’à prendre son pied ».