INTERVIEW«On parle de Strasbourg comme on a parlé de Lunel ou de Trèbes...»

Attentat à Strasbourg: Pourquoi il faut «relativiser» l’idée selon laquelle l'Alsace est un foyer terroriste

INTERVIEWJournaliste à France 24 et auteur de « L’État islamique, le fait accompli », Wassim Nasr revient sur la situation de Strasbourg (Bas-Rhin) après l’attentat qui a fait trois morts, mardi…
Illustrations, hommages et marché de Noël vide à Strasbourg, deux jours après la fusillade au marché de Noël. Le 13 décembre 2018.
Illustrations, hommages et marché de Noël vide à Strasbourg, deux jours après la fusillade au marché de Noël. Le 13 décembre 2018. - G. Varela / 20 Minutes
Vincent Vantighem

Vincent Vantighem

L'essentiel

  • Un homme a tué au moins trois personnes à Strasbourg, mardi soir.
  • Selon le procureur de Paris, il avait des motivations terroristes.
  • « 20 Minutes » a interviewé Wassim Nasr sur la situation de Strasbourg.

Après avoir été la cible d’un projet d’attentat dans les années 2000 et le point de départ d’une filière d’acheminement de djihadistes en Syrie en 2013, Strasbourg a connu l’horreur du terrorisme, mardi soir, quand Cherif Chekkat a ouvert le feu dans la rue, tuant trois personnes et en blessant 13 autres. Pour autant, parler de la cité alsacienne comme l’un des foyers du terrorisme serait un raccourci. Journaliste et spécialiste de Daesh, Wassim Nasr explique pourquoi à 20 Minutes

Doit-on considérer Strasbourg comme l’un des foyers du terrorisme en France, après l’attentat qui a coûté la vie à, au moins, trois personnes ?

J’ai tendance à relativiser. On parle aujourd’hui de Strasbourg comme on a parlé dans le passé de Lunel (Hérault), de Trappes (Yvelines) ou encore de Cannes (Alpes-Maritimes). Autant de lieux qui ont abrité des foyers terroristes. Mais je ne crois pas qu’il faille retenir la réalité géographique. Ce qui compte, à mon sens, c’est le réseau humain.

A Nice par exemple, le foyer était organisé autour de la personnalité d’Omar Diaby. Peut-être que l’attentat de mardi n’est que l’acte de Cherif Chekkat. Et il l’a peut-être perpétré à Strasbourg parce qu’il était de Strasbourg. Il aurait fait de même s’il avait été d'Orléans…

Pourtant Strasbourg a souvent été visé par le terrorisme ? Il y avait déjà eu un projet d’attentat contre le marché de Noël, notamment…

Oui, on se souvient de ce projet du GSPC [Groupe salafiste pour la prédication et le combat] contre le marché de Noël au début des années 2000. Et puis il y a surtout la filière de Strasbourg dans lequel on a notamment retrouvé l’un des frères de Foued Mohammed-Agad, l’un des terroristes du Bataclan.

Je pense qu’on est plutôt sur des profils qui diffusent leur idéologie dans un petit groupe qui se trouve autour d’eux. Mais ils auraient sans doute agi de la même manière s’ils étaient dans une autre ville.

La proximité de la frontière avec l’Allemagne ne peut-elle pas jouer un rôle ?

A mon sens, c’est surtout un avantage pour les terroristes. Ils peuvent se dire qu’ils vont commettre leurs actes dans un pays avant de prendre la fuite de l’autre côté de la frontière. Une frontière, cela complique forcément un peu le travail des forces de l’ordre.

Mais la frontière n’a pas empêché la bande qui visait le marché de Noël de se faire arrêter au début des années 2000. Et n’oublions pas, avec la fin des frontières, que le terroriste du marché de Noël de Berlin a fini par se faire abattre à Milan (Italie) après être passé par la France.