ASSEMBLEE NATIONALELe projet de réforme de la justice voté par l'Assemblée

Assemblée: Le projet de réforme de la justice voté par les députés

ASSEMBLEE NATIONALELes oppositions de droite et de gauche, qui ont toutes voté contre, ont déploré une adoption « en catimini »...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Tribunaux engorgés, prisons surpeuplées : l’Assemblée nationale a voté dans la nuit de mardi à mercredi l’ambitieux mais controversé projet de loi sur la justice avec l’ajout d’une réforme par ordonnance du texte fondateur consacré aux mineurs. Le texte a été adopté en première lecture par 88 voix contre 83.

Les oppositions de droite et de gauche, qui ont toutes voté contre, ont déploré l’absence d’un vote solennel à une heure décente pour un texte aussi important, parlant d’une adoption « en catimini ». Le projet de loi avait été voté par le Sénat le 23 octobre dans une version largement réécrite.

Avocats et magistrats dénoncent une justice « déshumanisée »

Députés et Sénateurs vont maintenant tenter de s’accorder sur un texte commun en commission mixte paritaire. A défaut, une nouvelle lecture sera organisée dans les deux chambres avant une adoption définitive à une date encore indéterminée. « Mon ambition est simple : je souhaite que les Français se sentent protégés, écoutés, pris en considération par l’ensemble de notre système judiciaire », avait lancé la Garde des Sceaux Nicole Belloubet à l’ouverture des débats

L’examen du texte d’une soixantaine d’articles entamé le 19 novembre et initialement prévu sur une semaine, aura connu un parcours chaotique, avec des reports pour cause de crise des gilets jaunes et un coup de théâtre orchestré par le gouvernement lui-même. La ministre de la justice a en effet créé la surprise en annonçant, lors des questions au gouvernement et sans en avoir parlé avant, sa volonté d’ajouter à son projet de loi une habilitation de l’Assemblée pour réformer par ordonnance le texte fondateur de la justice des mineurs : l’ordonnance de 1945.

Elle obtiendra ce feu vert de la majorité à l’issue d’un débat houleux où la ministre, sur la défensive, a proposé aux parlementaires une coproduction du futur texte, l’opposition dénonçant un « coup de force » et un « dessaisissement de la représentation nationale. Dans les rues, les tribunaux et jusqu’à l’Assemblée nationale, des avocats ou des magistrats ont manifesté contre le projet de loi, dénonçant une justice « déshumanisée » et « délibérément éloignée du justiciable ». Une nouvelle journée de mobilisation est prévue mercredi à l’appel d’une dizaine d’organisations dont le syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Création de 6.500 emplois et 7.000 places de prison

Le projet de loi comprend une loi de programmation budgétaire qui planifie une augmentation progressive du budget de la justice de 24 %, de 6,7 à 8,3 % milliards d’euros sur cinq ans. Ces moyens supplémentaires permettront la création de plus de 6.500 emplois (1.100 en 2018), la livraison de 7.000 nouvelles places de prison, le lancement de 8.000 autres et la création de 20 centres éducatifs fermés pour mineurs.

La réforme simplifie des procédures civiles comme celle du divorce, donne de nouveau outils aux enquêteurs dans les procédures pénales et simplifie les démarches des victimes avec la possibilité de déposer des plaintes en ligne. Elle acte la future fusion des tribunaux d’instance (TI) et de grande instance (TGI) dans un nouveau « tribunal judiciaire » et favorise la numérisation des procédures.

Parmi les autres mesures phares figure la création d’une nouvelle échelle des peines, qui évite les courtes peines d’emprisonnement mais entend assurer l’exécution effective des autres peines prononcées, la création d’un parquet national antiterroriste et d’un nouveau tribunal criminel.

Débats acharnés

En prison, les libérations sous contrainte, destinées à éviter les sorties sèches facteur de récidives, sont systématisées pour les détenus ayant purgé les deux tiers d’une peine de moins de cinq ans. Pour redonner dignité aux détenus, leurs activités et possibilité de voter ont été renforcées.

Dans l’hémicycle, les mesures ont donné lieu à des débats parfois acharnés. Certains ont dit redouter que la réorganisation des juridictions ne se traduise par la fermeture de sites, d’autres ont mis en balance la dématérialisation des procédures et les risques de fracture numériques, d’autres encore ont dénoncé un recul de la présence et du contrôle des juges.

Face aux inquiétudes, Nicole Belloubet s’est voulue rassurante : « Nous maintiendrons les hommes, les lieux et les compétences », a promis la ministre assurant ne pas méconnaître non plus la question de la fracture numérique : « Pour nous, le numérique ne vient pas se substituer mais s’ajouter à l’accueil physique », a-t-elle dit.