Alsace: Tags anti-migrants et croix gammées à Schiltigheim, un acte raciste de plus cette année
FAITS DIVERS•Une résidence sociale de la Fondation Vincent de Paul a été victime de tags racistes ce mercredi à Schiltigheim (Bas-Rhin). De tels actes se multiplient en Alsace cette année...Bruno Poussard
L'essentiel
- Une résidence sociale d’aide au logement et aux réfugiés de la Fondation Vincent de Paul a été victime de tags racistes ce mercredi à Schiltigheim (Bas-Rhin).
- Ces croix gammées et une inscription vite enlevées sur ses murs interviennent après d’autres tags anti-migrants similaires en Alsace cette année.
- Que signifie la recrudescence actuelle de ces tags dans la partie nord de l’Alsace ?
Des croix gammées et une phrase : « Dehors les migrants, des morts ? » Ces tags en noir ont été découverts par des employés de la Fondation Vincent de Paul ce mercredi matin. Dans la rue de la brasserie Heineken à Schiltigheim (Bas-Rhin) 24 heures plus tard, la résidence sociale Saint Charles n’en garde plus aucune trace. Le nettoyage s’est fini tôt.
Composé de 35 appartements d’aide au logement (pour des personnes et familles en difficulté), le bâtiment ciblé héberge les bureaux d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile de la Fondation - impliquée dans le secteur hospitalier, la solidarité, auprès des personnes âgées, des enfants. A Schiltigheim, le site compte aussi une maison de retraite.
Mais ses pensionnaires n’ont quasiment rien vu des tags racistes et néonazis, surtout dans un passage face à une église. Certains employés, par contre, reconnaissent leur « choc », en préparant un week-end de collecte de dons. « C’est inadmissible, réagit la direction de la maison de retraite. On ne peut que condamner. C’est vraiment gratuit. »
Pas les premiers tags racistes en Alsace cette année
Après s’être rapprochée de la municipalité et de la police, la Fondation a déposé plainte. Les faits ont ensuite été dénoncés, par la mairie de Schiltigheim en tête. Mais ces tags ressemblent à d’autres, récents, dans le département. Derniers en date, les inscriptions antisémites et racistes sur tous les murs de la maison du maire de Brumath.
Liste non-exhaustive des cibles ces derniers mois : la mairie de Zoebersdorf en octobre, la mairie et un bâtiment périscolaire à Mollkirch en septembre, à Thal-Marmoutier où sont accueillis des réfugiés (et sur la mairie-école de Haegen, village voisin) fin juin, la mairie d'Elsenheim et le club sportif de Muttersholtz, quelques semaines plus tôt.
Des manifestations racistes ou xénophobes qui ne sont pas nouvelles en Alsace. Entre faits de violences, profanations et tags, l’année 2004 en a par exemple connu un grand nombre du nord au sud de la région. Lors d’une table ronde à ce sujet en 2006, le président de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (Oriv) datait leur début, ici, en « 1992 ».
L’Alsace néanmoins pas plus raciste qu’ailleurs ?
« C’est un danger en Alsace et partout en France », commente Tonio Gomez, du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici 67. Avec une extrême droite implantée en zones rurales, l’Alsace serait-elle plus raciste ? Par le passé, le politologue Philippe Breton répondait en nuance sur France Bleu : « Le racisme, c’est la croyance qu’il existe des races, et que certaines sont supérieures. La xénophobie, c’est la peur de l’autre. »
Selon lui, là où le racisme serait en voie de « disparition », la xénophobie, presque « mécaniquement » de retour lors de crises, serait en revanche plus présente dans une région « frileuse » envers les « autres ». D’autres explications sont avancées pour la recrudescence actuelle de ces tags qui ciblent peut-être plus les migrants ces derniers temps dans la partie nord de l’Alsace.
« Il y a un tel ras-le-bol que les gens se lâchent, répond Murielle Maffessoli, directrice de l’Oriv. On est dans une période où des personnes s’autorisent un certain nombre de choses. Quand les gens considèrent que c’est de la faute des migrants, c’est le besoin d’un bouc émissaire qui joue. Dans ce contexte, comment travailler sur ce qui est commun et pas ce qui sépare les gens ? »
Un lien entre tags et néonazis en Allemagne ou en Italie ?
En Allemagne, comme en Italie ou en Hongrie, des manifestations anti-migrants et des néonazis ont fait aussi parler d’eux ces derniers mois. Tonio Gomez y voit un lien autour avec ces actes locaux autour des migrations : « Alors que l’Europe forteresse ne protège pas les migrants qui fuient la guerre et la misère, les groupuscules fascistes réapparaissent avec une haine de ce qui peut être différent d’eux. »
« Ces actes racistes, anti-migrants, antisémites ou islamophobes en Alsace réapparaissent après l’implantation à Strasbourg du Bastion social, embraye le membre du collectif antiraciste bas-rhinois. Il y a de la part ces groupuscules une volonté de fomenter la haine en profitant de la crise sociale. » Pour ce militant d’un accueil « digne » des réfugiés, pas question de l’ignorer.