«Gilets jaunes»: Attention à ces détournements d'images de manifestants violentés
FAKE OFF•Certaines images d'affrontements entre « gilets jaunes » et forces de l'ordre qui circulent sur les réseaux sociaux sont sorties de leur contexte...Alexis Orsini
L'essentiel
- Une manifestante au crâne ensanglanté, une autre interpellée brusquement par la police : sur Facebook, des images virales suscitent l’indignation de nombreux internautes.
- Elles auraient été prises, à l’instar d’autres photos, lors la mobilisation des « gilets jaunes », selon la description qui les accompagne.
- Si certaines images authentiques circulent, celles-ci datent de plusieurs années… ou ont été prises dans un autre pays.
Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », les photos et vidéos d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre circulent massivement sur les réseaux sociaux, qu’elles soient tirées de rassemblements en province ou des dégradations commises sur les Champs-Elysées le 24 novembre.
Certaines images sont toutefois devenues virales alors qu’elles ont eu lieu à une date bien antérieure à ce mouvement de protestation, ou même alors qu’elles ont été prises dans un autre pays. Retour sur les détournements les plus partagés.
FAKE OFF
Plus de 33.000 partages, près de 8.000 commentaires. Sur Facebook, la photo d’une dame d’un certain âge, au crâne ensanglanté aussi rouge que son manteau, cumule les messages d’indignation face aux violences policières.
« Quand je vois cette respectable citoyenne âgée qui se prend un coup de matraque sur le crâne par un jeune et fort CRS, je me dis "il est urgent de se battre pour nos droits". Celui qui frappe une personne âgée sans défense sur ordre de Macron 1er n’a que mon mépris, je ne le respecte pas, je ne lui obéirais pas. Car ceci n’est pas la justice. Ceci est la barbarie », indique la légende de ce post mis en ligne le 19 novembre, peu après la première journée de mobilisation des « gilets jaunes ».
aCette photo, bien qu’authentique, date en réalité… du 1er mai 2016. Dans un post Facebook, son auteur, le photographe Gaelic, expliquait le jour même le contexte de ce cliché immortalisé sur le boulevard Diderot, à Paris, à l’occasion de la fête du Travail : « Une petite colonne de policiers en civil [attend les manifestants] à la sortie du peloton. Les forces de l’ordre, faisant preuve de discernement, mesurant l’exceptionnelle dangerosité de cette “casseuse”, ont su proposer une riposte proportionnée par l’apposition maîtrisée d’une matraque à l’arrière du crâne. C’est son mari qui m’a interpellé pour témoigner. »
Contacté par 20 Minutes, Gaelic précise : « Je n’ai pas vu le coup mais je n’ai aucun doute sur sa véracité, ce n’est pas une mise en scène. » Et le photographe d’ajouter : « Je fais des photos de manifestations depuis plus de 20 ans, mes images ont dû être détournées une centaine de fois, sans que ce soit forcément malveillant ou devienne aussi viral. […] Je trouve ça consternant qu’on partage la photo détournée sans même chercher son origine… J’ai fait un signalement à Facebook mais elle reste en ligne. »
Un détournement de la « Mamie Platane » de Poitiers
aLa séquence est brève (1'47") mais impressionnante : plusieurs policiers saisissent une dame âgée, la plaquent au sol, puis la transportent un peu plus loin avant de la menotter, sous les cris d’un témoin : « C’est ça la violence ! France 3, vous allez le passer ça ! […] Vous êtes en train de violenter [cette dame] devant son fils ! »
La légende de cette vidéo mise en ligne sur Facebook prétend la contextualiser : « Ils s’acharnent sur une Mamie de 72 ans […] Macron lui, il passe à la télé faire le beau, annoncer du vent et pendant ce temps il donne l’ordre de matraquer les innocents, les gilets jaunes, les grands pères et grands mères… MACRON EST VIOLENT COMME BENALLA […] Source : France 3 »
Or, si cette scène a bien été filmée par Francis Tabuteau, journaliste de France 3, elle date en réalité du 15 février 2016… et montre une habitante de Poitiers, Katia Lipovoï, lors d’une manifestation contre l’abattage de 98 platanes dans un quartier de la ville, comme le rapportait la chaîne à l’époque.
La séquence intégrale (de 2 minutes 47) montre cette dame de 74 ans franchir l’une des barrières du dispositif de sécurité mis en place par les forces de l’ordre, puis frapper le policier qui commence à la saisir seul, avant d’être épaulé par ses collègues.
Plusieurs commentaires laissés en réponse au post Facebook signalent d’ailleurs le détournement de cette séquence qui a valu à Katia Lipovoï le surnom de « Mamie Platane ». Et pour cause : en 2016, la vidéo avait été visionnée plus de 7 millions de fois, suscitant l’indignation de nombreux internautes. Un an plus tard, France 3 avait de nouveau rencontré la manifestante : l’occasion d’apprendre qu’elle avait depuis contribué à l’élaboration d’une charte sur la présence d’arbres en ville.
Des manifestations en Espagne… mélangées à de vraies images des « gilets jaunes »
« Les Merdias et le gouvernement de MaXicon vous ont caché les images des manifestants pacifiques tabassés par les CRS », affirme un post Facebook compilant sept photos différentes, qui montrent des manifestants molestés ou en sang. Parmi celles-ci, les deux clichés d’un « gilet jaune » aux mains d’un CRS sont authentiques : elles ont été photographiées par Fred Tanneau, journaliste à l’AFP, le 17 novembre à Quimper (et l’une d’entre elles a notamment été utilisée sur 20 Minutes).
La capture d’écran titrée « Coup de flashball dans la tête HONTEUX », montrant un jeune « gilet jaune » au visage ensanglanté provient elle aussi de Quimper : elle est tirée d’une vidéo filmée le 17 novembre, dont nos confrères de CheckNews ont vérifié l’authenticité.
En revanche, les deux jeunes femmes au visage ensanglanté n’ont aucun lien avec les « gilets jaunes », puisqu’elles ont été photographiées en Espagne. La première, qui porte un foulard autour du cou, participait à une manifestation de mineurs à Madrid, le 11 juillet 2012. Et le visage de la seconde était devenu un symbole du référendum sur l’indépendance catalane en 2017.
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