VIDEO. «Gilets jaunes»: La violence envers les journalistes est «inquiétante pour la démocratie»
MEDIAS•Depuis le début du mouvement, plusieurs journalistes ont témoigné d'agressions...Nicolas Bonzom
L'essentiel
- Plusieurs journalistes ont témoigné d’agressions depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », notamment des équipes de BFM TV et de C News.
- Pour Virginie Sassoon, docteure en sciences de l’information et de la communication à l’Institut français de presse, cette violence est « inquiétante pour la démocratie ».
- A Montpellier, le mouvement #Payetonjournaliste a été lancé sur Facebook, pour tenter de renouer le dialogue entre les journalistes et des citoyens.
Avec le mouvement des « gilets jaunes », le rejet du pouvoir politique s’accompagne d’une défiance envers les médias. Une rupture entre la presse et les citoyens, qui s’est traduite par de multiples agressions ces derniers jours. Des journalistes de C News et de BFM TV ont été violentés par plusieurs dizaines de manifestants, samedi à Toulouse.
« Plusieurs personnes ont commencé à me donner des coups de pied et me pousser afin de me faire chuter », a rapporté dans sa plainte Jean-Luc Thomas, qui couvrait la manifestation toulousaine pour C News. Le même jour, un journaliste de Midi Libre a essuyé des coups « dans la tête et dans le dos », alors que des centaines de « gilets jaunes » s’étaient donné rendez-vous devant les locaux du quotidien, à Béziers.
« J’ai cru que j’allais fondre en larmes, mais j’ai tenu »
Le 18 novembre, c’est une journaliste montpelliéraine qui a été prise à partie par des manifestants. Céline a été violemment insultée par une centaine de personnes, deux individus lui ont craché dessus, alors qu’elle réalisait un reportage pour BFM TV. « Je me suis sentie humiliée pour la première fois de ma vie, témoigne-t-elle. Un mauvais moment, très mauvais moment. J’ai cru que j’allais fondre en larmes, mais j’ai tenu. »
Pour Virginie Sassoon, enseignante et docteure en sciences de l’information et de la communication à l’Institut français de presse, cette violence grandissante est « inquiétante pour la démocratie ». « La violence envers les journalistes n’est pas née avec le mouvement des gilets jaunes, indique l’enseignante. Cette rupture de confiance intervient dans un climat de défiance général à l’égard de l’autorité politique, mais aussi des scientifiques, de la médecine, de l’école… Et des médias. Avec l’avènement des réseaux sociaux, les citoyens s’informent de manière très fragmentée, et ceux qui pensent que l’information est manipulée trouvent des sources pour confirmer qu’ils ont raison. Mais il y a une prise de conscience des journalistes, qui sont nombreux à se mobiliser, notamment auprès des jeunes, pour expliquer leur métier. »
« Renouer le lien » entre les citoyens et les journalistes
Tenter de retisser un lien entre les citoyens et les médias est au cœur de #Payetoiunjournaliste. Ce mouvement, né à Montpellier, a été créé par huit journalistes. Sur la page Facebook du collectif, internautes et journalistes tentent de débattre sur cette défiance à l’égard des médias. Même si ce n’est pas toujours facile.
« Cela faisait plusieurs mois que l’on réfléchissait à une action pour renouer ce lien, indique Coralie Pierre, pigiste, l’une des journalistes à l’initiative du mouvement. L’actualité a fait qu’il a fallu que l’on agisse vite. Nous avons souhaité ouvrir le groupe au public, pour tenter de déconstruire les préjugés, même si l’on savait que l’on s’exposait à un travail important de modération. Parmi les critiques qui reviennent le plus souvent, l’idée que les journalistes seraient déconnectés de la réalité du terrain, ou qu’ils diffuseraient mal l’information, que le pouvoir politique nous soufflerait ce qu’il faut écrire, ou les images qu’il faut tourner. Nous tentons de faire preuve de pédagogie. »
Mise à jour : Dimanche soir, le directeur de l’information de la chaîne Via Occitanie a décidé de suspendre pour 24 heures la couverture de l’actualité autour des « gilets jaunes ». « Nous ferons le point lundi pour arrêter une décision mais nous ne pourrons pas continuer à rendre compte de l’actualité de ce mouvement si la sécurité des journalistes n’est pas garantie », indique Jean Brun, sur Twitter.