CENTENAIREL'amour par correspondance d'Yvonne et Maurice pendant la guerre

11-Novembre: L'amour par correspondance d'Yvonne et Maurice publié par leurs petits-enfants

CENTENAIREPatrice Retour et son cousin Hervé Graffe ont retrouvé des courriers émouvants échangés par leurs aïeuls pendant la Première Guerre mondiale...
Patrice Retour et son cousin Hervé Graffe posent avec une peinture de leur grand-père Maurice retour mort en 1915 durant la Première Guerre mondiale.
Patrice Retour et son cousin Hervé Graffe posent avec une peinture de leur grand-père Maurice retour mort en 1915 durant la Première Guerre mondiale.  - L.Venance/AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

«Mon adoré Maurice, te reverrai-je ? » C’est par ces mots simples qu’Yvonne Retour entame en 1914 une correspondance de guerre d’une rare intensité, qui a bouleversé 100 ans plus tard les descendants de ce Normand et cette Bretonne fous amoureux l’un de l’autre. « Ma chère petite femme (…) On m’appelle, je t’embrasse de toute mon âme et de toute ma tendresse », lui écrit Maurice, dans ce qui sera son dernier courrier avant d’être tué au combat, le 27 septembre 1915.

Le soldat de 26 ans laisse un fils de deux ans et une épouse enceinte de trois mois qui confiera à la famille : « Je suis brisée, il me semble que je n’ai plus de cœur tant il est broyé dans ses fibres les plus intimes ». Fidèle à la promesse faite à Maurice, Yvonne ne se remariera jamais et affrontera seule « l’horrible devoir de vivre » jusqu’à ses 80 ans.

Plus de 500 courriers retranscrits

Ce n’est qu’après son décès, puis celui des enfants du couple en 1987 et 1998, qu’une nouvelle génération découvrira, au hasard d’un déménagement, l’intégralité de cette correspondance empreinte de douleur et de poésie. Dans une boîte ayant appartenu à sa grand-mère, Patrice Retour trouve les lettres de Maurice. Mais à la grande surprise de ce Nantais, qui entreprend de retranscrire plus de 500 courriers, l’aïeule n’avait jamais parlé de ses réponses enflammées. « Un de nos regrets, c’est de ne pas l’avoir fait parler, mais on n’imaginait pas le feu incroyable » contenu dans ces lettres, raconte Patrice Retour.

Son travail de mémoire conduira à la publication d’une grande partie des lettres dans un ouvrage de l’historienne Clémentine Vidal-Naquet (Correspondances conjugales 1914-1918), qui a lui-même inspiré des lectures publiques et un spectacle au festival d’Avignon. Avec son cousin Hervé Graffe, Patrice Retour a ensuite produit en 2018 un DVD.

Sujets du quotidien, complicité, horreur de la guerre

Les lettres du couple dépassent le cercle familial car elles permettent de « découvrir la guerre beaucoup mieux qu’un reportage ou un cours d’histoire, parce que vous êtes à la fois au front et à l’arrière », estime Patrice Retour.

Entre deux mots doux, les époux abordent tous les sujets du quotidien : leur usine de La Ferté-Macé (Orne), les besoins du soldat - « le chocolat est toujours recommandé en grosses tablettes »-, l’éducation de leur fils. « Hier soir, je vois Michel baisser le nez, rougir et ne plus bouger, le pauvre chéri a fait un léger petit besoin dans sa culotte, il était si honteux que je n’ai pas eu le courage de le gronder », raconte Yvonne à son mari avide d’anecdotes sur le bambin qu’il ne voit pas grandir.

L’humour, la foi catholique, la complicité mais aussi la sensualité égrainent leurs lettres qui se font souvent terriblement sombres. Maurice avoue qu’il « pleure seul le soir », raconte qu’il « sent pourrir les cadavres » et décrit l’atrocité des combats. « Je vois le sang qui coulait de leurs têtes, l’un d’eux avait des éclats dans la tête et déraisonnait en parlant comme s’il avait eu de la bouillie dans la bouche ».

« Il sera fier de son ancêtre si vaillant et humble »

Si Yvonne Retour a préféré de son vivant préserver l’intimité de ses écrits, elle semblait avoir conscience de leur portée. Ainsi, le 12 février 1915, elle s’adresse à son « amour chéri » en se projetant dans le futur. « Dans quelque 100 ans, lorsqu’un petit Maurice Retour, industriel à La Ferté ira consulter les papiers de la famille, il sera fier de son ancêtre qui était si vaillant et toujours si humble pendant la guerre 1914-1915…, mais quelques-unes des lettres que je t’ai écrites seront supprimées, car hum ; hum… elles sont parfois bien tendres et amoureuses ! »