PAUVRETE«Il me reste 70 à 80 euros pour vivre», confie Lucette, qui a connu la rue

Montpellier: «Chaque mois, il me reste 70 à 80 euros pour vivre», confie Lucette, qui a connu la rue

PAUVRETELe rapport publié ce jeudi par le Secours catholique montre une pauvreté féminine et vieillissante. « 20 Minutes » a rencontré une Montpelliéraine que l'isolement a brisé...
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

Des femmes, « des cheveux grisonnants ». C’est, selon le rapport d’activité publié ce jeudi par le Secours catholique, le visage de la pauvreté qui pousse chaque jour les portes de l’association : 60 % des Français accueillis dans ses locaux en 2017 sont des femmes et 25 % ont 45 à 54 ans, 22 % ont 55 ans et plus.

En moyenne, ils vivent avec 540 euros par mois, soit 486 euros en dessous du seuil de pauvreté. En Occitanie, le revenu moyen grimpe à 665 euros, mais 15 % ont moins de 200 euros pour subsister. 20 Minutes a rencontré Lucette, 66 ans. Cette Montpelliéraine vit avec 770 euros par mois de retraite « après avoir travaillé quarante ans ».

« L’orphelinat, c’est lourd comme début dans la vie »

Ancienne infirmière, elle a connu l’orphelinat jusqu’à son quatrième anniversaire, puis le bonheur et la rue. « C’est quand j’ai grandi que j’ai appris que j’avais été placée dans un orphelinat, confie la sexagénaire. Cela m’a pas mal déstabilisée. C’est lourd, comme début dans la vie. Puis j’ai été placée dans une famille d’accueil jusqu’à mes 23 ans. »

En Lorraine, Lucette décroche son diplôme d’infirmière puis descend à Montpellier avec son mari et sa petite fille. « Nous en avions marre du temps de Nancy, sourit-elle. Le premier jour, j’avais un appartement et un travail. Aujourd’hui, je ne suis pas sûre que ce soit courant ! » Les années passent, l’infirmière mène une vie des plus heureuses dans le Sud. « Tout allait bien. Puis, en quatre ans, j’ai perdu deux compagnons, victimes d’un AVC et d’un cancer. » Loin de ses enfants, Lucette se retrouve seule.

« Je n’avais même pas dix euros pour mettre de l’essence »

Pour tuer le temps, on lui suggère d’aller au casino, à Palavas-les-Flots. « On m’a dit que ça allait me changer les idées, que j’allais rencontrer du monde, reprend-elle. J’ai dépensé, dépensé. J’avais des crédits, je continuais à dépenser. Jusqu’au jour où je n’ai plus eu un sou. Même pas dix euros pour mettre de l’essence dans ma voiture. C’est de ma faute. » La Montpelliéraine se retrouve à la rue, en 2014. Elle connaît les galères d’hébergement, les petits-déjeuners et les douches dans les accueils de jour.

« Quand j’avais ma fille au téléphone, elle me demandait si tout allait bien. Au début, je lui disais : "Pas de soucis, ma fille, tout va bien !" Un jour, je me suis dit qu’il fallait que je lui en parle. Elle m’a dit : "Tu es SDF ? Mais comment en es-tu arrivée là ?" Elle ne comprenait pas. » Aujourd’hui, Lucette a tant bien que mal réussi à sortir la tête hors de l’eau. Mais, sur les 770 euros qui tombent chaque mois, plus de 400 partent dans le loyer de son appartement, le reste à l’électricité, au téléphone et aux assurances. « Il me reste 70 à 80 euros maximum pour vivre, note-t-elle. Mais c’est comme ça, il faut faire avec. »

« On voit bien que la précarité dans la petite enfance ressort au moment où il y a de l’isolement, confie Isabelle Adam, déléguée départementale du Secours catholique. Même avec une formation et un métier qui peuvent paraître porteurs, on peut être amené à basculer. » Lucette est aujourd’hui bénévole et se bouge pour les autres, auprès de l’association : « Dès que je peux aider, j’y vais, je vais à droite, à gauche ! »