EPIDEMIELes 4 questions soulevées par l'affaire des bébés nés sans bras

Bébés nés sans bras: Les quatre questions soulevées par l'affaire

EPIDEMIEEntre 2009 et 2014, huit bébés sont nés sans bras ou sans main autour d’une même zone géographique dans l’Ain, selon un rapport du registre des malformations congénitales de Rhône-Alpes (Remera)…
H.S avec AFP

H.S avec AFP

L'essentiel

  • Après la médiatisation de plusieurs cas groupés de bébés nés sans bras ou sans main dans l’Ain, en Bretagne et en Loire-Atlantique, Santé publique France a réfuté début octobre un éventuel « excès de cas par rapport à la moyenne nationale » sans fournir d’explications sur les causes de ces malformations.
  • « On ne peut pas se satisfaire de dire qu’on n’a pas trouvé de causes, c’est insupportable », a indiqué quelques jours plus tard la ministre de la Santé.
  • Mardi, l’agence Santé Publique France a finalement révélé l’existence de onze cas suspects supplémentaires suspects dans l’Ain entre 2000 et 2014 d’après des données hospitalières.

«Scandale d’état » ou phénomène inexpliqué ? Depuis un mois, le spectre d’un scandale sanitaire plane au-dessus des autorités suite aux révélations d’un rapport du registre des malformations congénitales de Rhône-Alpes (Remera). Entre 2009 et 2014, huit bébés sont nés sans bras ou sans main autour d’une même zone géographique de l’Ain.

Un temps démonté par l’agence en charge de « la surveillance de l’état de santé des populations » et de « veille des risques sanitaires » - Santé Publique France - ces résultats sont désormais pris au sérieux par le ministère de la Santé. Ces dernières semaines, de nombreuses déclarations et rebondissements ont jeté le trouble sur la réalité de ce phénomène pour l’heure inexpliqué. Et de nombreuses questions persistent. 20Minutes fait le point.

  • Pourquoi les révélations du Remera inquiètent les autorités ?

Il aura fallu attendre plusieurs mois pour que le sujet interpelle les services de l’Etat. Resté un temps confidentiel, le rapport du Remera (registre des malformations congénitales de Rhône-Alpes) faisant état d’un « excès » de cas de bébés sans bras ou sans main dans l’Ain, attire l’attention des médias à la fin du mois de septembre. A l’époque, cette structure chargée de collecter des données dans la région recense sept cas de bébés nés entre 2009 et 2014 et souffrant d’agénésie des membres supérieurs.

Le relais médiatique pousse Santé Publique France à réagir le 4 octobre dernier. Trois rapports sont publiés par l’agence qui relève des excès de cas en Bretagne et en Loire-Atlantique mais démonte les conclusions sur l’Ain. « L’analyse statistique ne met pas en évidence un excès de cas par rapport à la moyenne nationale », écrit l’agence sans fournir de réponse sur les causes éventuelles de ce phénomène. «Insupportable» rétorque la ministre de la Santé le 21 octobre qui annonce dans la foulée le lancement d’une nouvelle enquête dans plusieurs départements avec l’Anses et Santé publique France. Ce mercredi, le directeur général de l’agence sanitaire a finalement indiqué que les recherches porteraient sur « la France entière » avec publication des résultats dans trois mois.

  • Comment s’organise la surveillance des anomalies congénitales ?

Aujourd’hui, six registres suivent en France six territoires sur cette question des malformations congénitales. En clair, seulement 19 % des naissances sont étudiées. Et les statistiques concernent uniquement les naissances et non les interruptions médicales de grossesse, données pourtant importantes si l’on imagine qu’une partie de ces malformations sont dépistées lors des échographies.

Ce qui laisse entrevoir la possibilité que d’autres excès de ces anomalies congénitales soient passés sous les radars de cette surveillance très partielle. Une anomalie pour Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement : « Il faudrait des registres départementaux ou régionaux si on veut progresser sur les liens de causalités entre environnement et maladies congénitales. On manque cruellement de données indépendantes et de véritable suivi en la matière ».

  • Pourquoi le rôle joué par Santé Publique France fait débat ?

A l’origine de l’alerte, la responsable du Remera, Emmanuelle Amar dénonce un procédé « indigne » de l’agence Santé Publique France. « Alors qu’elle a échoué dans sa mission de veille sanitaire, on confie à cette instance une enquête nationale au lieu de se pencher sur les dysfonctionnements qui ont pu conduire à cette situation », s’étonne-t-elle. « Il y a selon moi un conflit d’intérêts, ajoute Corinne Lepage, qui nous dit que cette étude n’aura pas pour objectif de dédouaner l’agence ? ».

Plus problématique encore selon Emmanuelle Amar, l’usage des données publiées mardi soir par l’agence. Sur la base des données hospitalières (PMSI) Santé Publique France a annoncé l’identification de « onze nouveaux cas » entre 2000 et 2008, sept cas suspects et entre 2009 et 2014, quatre cas suspects supplémentaires. « Ce n’est pas rigoureux d’un point de vue scientifique, aucune étude sérieuse ne se base uniquement sur les données du PMSI ! ».

  • Quelles peuvent être les causes de la maladie ?

« Les premières investigations n’ont malheureusement pas permis d’identifier une exposition commune qui pourrait être à l’origine de ces malformations graves », relève Santé publique France. Selon un rapport sur les anomalies congénitales remis à l’agence, « il est établi que certains produits d’origine alimentaire, les médicaments, les substances à effet récréatif -dont l’alcool et le tabac- et les toxiques présents dans l’environnement ont un effet potentiellement délétère chez l’enfant à naître en cas d’exposition au cours de la grossesse ».

« Tous les médecins sont pratiquement certains que l’environnement toxique des femmes est susceptible d’entraîner chez certains fœtus comme une agression des zones en développement », ajoute-t-il. Ce cas de malformation, qui touche seulement un membre, généralement amputé sous le coude au tiers de l’avant-bras, n’est pas d’origine génétique, d’où les interrogations sur de possibles causes environnementales. L’Anses et Santé Publique France ont désormais trois mois pour apporter leurs réponses.