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La reconstruction de Jonathan, élève harcelé qui s'est immolé par le feu

VIDEO. Harcèlement scolaire: Comment Jonathan, qui s'est immolé par le feu à 16 ans, se reconstruit pas à pas

PORTRAITLe téléfilm « Le jour où j’ai brûlé mon cœur » diffusé ce lundi à 21 h sur TF1 raconte l’histoire de ce jeune homme qui a voulu se suicider pour échapper à ses harceleurs…
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Lorsque l’on rencontre Jonathan Destin, impossible de ne pas être bouleversé et de ne pas en tirer une leçon de vie. Car, à 23 ans, le jeune homme possède une maturité et une force de vie impressionnante. La vie, il a pourtant tenté de s’en défaire lorsqu’il avait 16 ans. Harcelé à l’école pendant six ans, il a tenté de se suicider en s’immolant par le feu. Son histoire fait l’objet d’un téléfilm, Le jour où j’ai brûlé mon cœur, qui sera diffusé ce lundi à 21 h, sur TF1.

Depuis quelques jours, Jonathan enchaîne les interviews. Mais, la veille de notre rencontre, il était à l’hôpital en raison d’une blessure qui aurait pu lui causer une infection. Car sa santé est encore fragile, plus de six ans après le drame. Pas de quoi entamer son envie de raconter son histoire. « Parler, c’est ma thérapie, ma manière de me reconstruire », affirme-t-il, avant de reprendre le fil de son récit. « J’ai été harcelé de 10 à 16 ans. En CM2, c’étaient des petites insultes, mais en 6e, elles sont devenues plus méchantes. On me disait que j’étais trop gros, que je ne servais à rien. Des élèves se mettaient en cercle autour de moi et me rouaient de coups, sous les applaudissements. Je redoutais particulièrement les cours de sport. Car je ne voulais pas me déshabiller dans les vestiaires de peur d’être traité de "gros porc". A ces agressions s’est ajouté le racket quand j’étais au lycée. Tous les jours, des élèves me volaient les 5 euros que ma mère me donnait pour déjeuner. Résultat : j’allais en classe l’après-midi sans avoir rien avalé », se souvient-il.

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« Je n’osais pas en parler, de peur des représailles »

Difficile, même six ans après, de comprendre les motivations de ses bourreaux de l’époque. Car la bêtise et la cruauté ne s’expliquent pas. « Je suis sans doute devenu leur victime car j’étais trop timide et que je ne répliquais pas quand ils m’insultaient. Ils ont vu que j’étais une proie facile », tente-t-il d’analyser.

Une détresse à côté de laquelle les différentes équipes pédagogiques sont passées : « Certains profs faisaient semblant de ne pas se rendre compte de ce que je vivais, car ils avaient peur des élèves harceleurs. D’autres n’ont rien su, car je n’osais pas en parler, de peur des représailles. Et plusieurs fois, quand je tentais de me défendre contre les coups, j’ai même écopé d’heures de colle », évoque-t-il douloureusement. Impossible aussi de trouver du soutien chez certains camarades : « Quand j’avais un ami, les harceleurs lui interdisaient de me parler, sous peine de subir le même sort que moi. Du coup, il me laissait tomber. » Et le harcèlement continuait aussi dans le car scolaire.

« Lorsque j’ai vu les flammes et ressenti la douleur, j’ai regretté instantanément mon geste »

Ces humiliations quotidiennes ont eu des répercussions sur la scolarité de Jonathan : « la plupart du temps, je n’écoutais pas les profs en classe, car je ne pensais qu’à contourner les obstacles. Et le fait que je sois dyslexique n’a rien arrangé. » Jonathan a redoublé sa 5e, a été inscrit dans un collège privé, mais rien n'y a fait. Le harcèlement a perduré, comme une maladie chronique incurable. « Quand j’arrivais chez moi le soir après la classe, je m’enfermais dans ma chambre pour pleurer. Je pensais à me foutre en l’air », poursuit le jeune homme.

Une idée noire qu’il a décidé de mettre à exécution le 8 février 2011 en s’aspergeant d’essence avant d’allumer un briquet. « Lorsque j’ai vu les flammes et ressenti la douleur, j’ai regretté instantanément mon geste. J’ai pensé à ma famille et je me suis jeté à l’eau, mais mes muscles ayant fondu, j’étais en train de me noyer », confie-t-il.

« Je me suis convaincu que si j’avais survécu, il fallait que je me batte »

Sauvé par un passant, Jonathan a été placé dans le coma artificiel pendant deux mois et demi. « Mais j’entendais tout ce que mes parents me disaient. Leurs mots d’amour m’ont incité à lutter. Je me suis convaincu que si j’avais survécu, il fallait que je me batte », déclare-t-il. Et le combat a été long puisque Jonathan est resté un an et demi à l’hôpital : « C’était comme une renaissance. J’ai réappris à marcher, à boire, à manger grâce à l’aide des infirmiers, des médecins et de ma famille », décrit-il. Jonathan a aussi subi une vingtaine d’opérations et a reçu une aide psychologique.

Sa reconstruction est aussi passée par la participation à un livre en 2013 qui racontait son histoire. « C’était une libération et le moyen d’exprimer à mes parents ce que je leur avais jamais dit », indique-t-il. Cette même année, Jonathan a aussi témoigné dans deux collèges. « Mais me tenir dans une salle de classe m’a rappelé trop de mauvais souvenirs. Cela a provoqué une crise d’angoisse chez moi », se souvient-il.

« Chaque jour, j’avance »

Aujourd’hui, Jonathan se sent plus armé pour faire face à ce passé douloureux, même s’il est parfois stressé lorsqu’il croise des groupes d’adolescents dans la rue. Et le téléfilm Le jour où j’ai brûlé mon cœur lui permet encore d’avancer. « Je l’ai vu deux fois. La première fois, j’étais en larmes, la deuxième, j’ai davantage perçu l’utilité de raconter mon histoire », explique-t-il. Car, malgré ce qu’il a vécu, l’espoir ne le quitte pas : « Les profs sont désormais mieux formés pour faire face au harcèlement scolaire. Et on parle beaucoup plus de ce fléau dans les médias. »

Il espère aussi que la diffusion du téléfilm touchera ses anciens harceleurs, dont il n’a jamais reçu aucun signe après le drame. « Ce serait très fort si l’un d’eux me recontactait. D’autant que je n’éprouve pas de haine à leur encontre. On est parfois idiot lorsque l’on est adolescent, mais on peut changer ensuite », déclare-t-il. Quoi qu’il en soit, Jonathan compte poursuivre son ascension vers une vie meilleure. « Je m’apprête à faire une remise à niveau en français et en maths pour m’inscrire dans une formation en informatique », annonce-t-il. Passionné de cuisine, amateur de pétanque, il est aussi remonté à vélo récemment : « Chaque jour, j’avance », souligne-t-il en souriant.