Trottinettes, monoroues, gyropodes… Quelle place faire sur la voirie à ces nouveaux engins électriques?
MOBILITE•Les ventes explosent et paradoxalement les engins de déplacements personnels électriques n’existent pas dans le Code de la route. La ministre des Transports veut y remédier...Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- La future loi d’orientation des mobilités devrait enfin établir un cadre réglementaire précis à l’utilisation en ville des engins de déplacements personnels (EDP) électriques.
- Les trottinettes, gyropodes, e-skate, monoroues entrent dans cette catégorie en plein essor en France ces dernières années mais malgré tout non encore définie dans le Code de la route.
- Ce cadre réglementaire est demandé de tous, y compris bien souvent les usagers de ces EDP électriques qui, défini nulle part, finissent en mal-aimés de la route.
C’est une question épineuse qui se pose de plus en plus à mesure que les ventes explosent…. Comment gérer les engins de déplacement personnels (EDP) électriques ? Ces trottinettes, e-skates, monoroues, gyropodes et autres hoverboards qui essaiment tantôt sur la route, tantôt sur les pistes cyclables, tantôt sur les trottoirs.
C’est bien tout le problème. Ces véhicules sont dans l’air du temps, offrant des nouvelles solutions de mobilités douces alternatives à la voiture. Pas question donc de les interdire, a rappelé mardi encore Elisabeth Borne à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement.
Ne plus laisser ces engins circuler sur le trottoir
« Mais nous ne pouvons pas laisser des engins circulant à 20 ou 30 Km/h mettre en danger la sécurité des piétons sur les trottoirs », a poursuivi la ministre des Transports. « Ces EDP électriques n’ont pas non plus de catégories dans le Code de la route, si bien qu’ils n’ont pas le droit théoriquement de circuler sur les pistes et voies cyclables ou les zones à 30 km/h, poursuit Fabrice Furlan, président de la Fédération des professionnels de la micromobilité (FP2M) qui réunit des fabricants de ces nouveaux engins.
Reste la chaussée, au milieu des scooters, voitures et autres camions… Loupé. « Un règlement européen impose que tout véhicule motorisé allant sur la chaussée doit être immatriculé, reprend Fabrice Furlan. Or, et c’est tout le paradoxe, un autre règlement européen empêche d’immatriculer ces mêmes EDP. »
Faute de lieux de pratique clairement définis, les EDP électriques sont alors seulement tolérés à ce jour. « Nous pouvons rouler sur les trottoirs à condition de ne pas dépasser les 6 km/h, et sur les pistes cyclables à condition de rester en dessous des 25 km/h », résume Frédéric Lacoste, président de Wheelers 33, une association d’usagers de roues électriques.
Une question à régler dans la loi d’orientation des mobilités ?
Ces derniers mois, Elisabeth Borne a promis de s’atteler à ce flou juridique via la Loi d’orientation des mobilités qui doit être présentée en conseil des ministres à l’automne. « Nous allons créer une nouvelle catégorie de véhicules dans le Code de la route, précise déjà Elisabeth Borne. Ces engins pourront circuler sur les pistes ou sur les bandes cyclables ou dans les zones à 30 km/h (…), mais plus sur les trottoirs où la sécurité des piétons doit être assurée.
Ce cadre juridique précis est demandé de tous, y compris les utilisateurs de ces nouveaux engins électriques. « Rien que pour des questions d’assurance », glisse Frédéric Lacoste. Et puis à être défini nulle part, on finit mal aimé de tous. Les associations de piétons sont ainsi vent debout contre ces nouveaux engins qu’elles souhaitent bannir des trottoirs. Le point de vue des cyclistes n’est pas toujours plus amical. « Nos adhérents nous remontent des cas d’accidents, indique Charles Maguin, président de Paris en Selle association parisienne d’usagers de la bicyclette. Des trottinettes électriques qui se faufilent entre les vélos par exemple ou qui passent subitement de la chaussée à la piste cyclable pour remonter les embouteillages. » Plus que ces zigzags, c’est la vitesse que pointe surtout Charles Maguin : « certains de ces EDP électriques sont équipés de moteurs qui leur permettent de dépasser largement les 25 km/h et d’approcher même bien plus les 40 km/h. »
Comme le vélo il y a quinze ans ?
Fabrice Furlan fait alors le parallèle avec l’explosion de la pratique du vélo dans les villes il y a une quinzaine d’années avec l’arrivée notamment du Vélib' à Paris. « Déjà, il avait fallu revoir le partage de la voirie et les cyclistes avaient dû jouer des coudes pour se faire une place, évoque-t-il. Les EDP électriques en sont là aujourd’hui. »
Qui leur tendra la main ? Les cyclistes justement ? C’est visiblement avec eux qu’Elisabeth Borne souhaiterait voir les EDP électriques cohabiter à l’avenir. « On a du mal à se dire qu’on s’est battu de longues années pour obtenir des pistes cyclables qui seront envahies par des engins motorisés », commence Charles Manguin. Nous aurions préféré développer des modes de déplacement actifs, meilleurs pour la santé. » Mais le président de Paris en Selle concède tout de même que la cohabitation est envisageable. « A condition de s’inspirer des Pays-Bas, précise-t-il. Le pays a fait une distinction entre les EDP dont l’assistance électrique stoppe au-delà des 25 km/h et les engins dont les moteurs permettent d’aller bien plus vite. Seule la première catégorie est autorisée sur les pistes cyclables. »
« Compléter le cadre juridique par une norme »
Elisabeth Borne n’a pas évoqué cette distinction. Mais Charles Maguin a de bonnes chances d’être entendu. « La définition d’un cadre réglementaire est une première étape, précise Fabrice Furlan. En parallèle, une norme est en cours d’élaboration depuis plusieurs années et devrait être publiée en 2019. » Elle permettra d’homologuer les EDP électriques autorisés pour les déplacements urbains suivant un cahier des charges précis. Parmi les contraintes techniques, il y aura celle d’une vitesse maximum de 25 km/h. » Cette norme devrait aussi rendre obligatoire le double freinage sur ces EDP électriques et même exiger des performances de freinage. Les véhicules ne répondant pas à cette norme ne pourront être utilisés que dans un cadre privé.