Comment le gouvernement a-t-il choisi l’emplacement des 15.000 futures places de prison?
DÉTENTION•Nicole Belloubet, la ministre de la Justice a dévoilé, ce jeudi, la carte des 15.000 nouvelles places de prison qui sortiront de terre d’ici 2027…Vincent Vantighem
L'essentiel
- Le gouvernement compte bâtir 15.000 places de prison d’ici 2027.
- Le but premier est évidemment de diminuer la surpopulation carcérale.
- Des maires se battent pour accueillir une prison en vue d'obtenir des dotations.
Cent vingt places à Orléans (Loiret). Autant à Colmar (Haut-Rhin). Quatre-vingt-dix au Mans (Sarthe). Une dizaine à Wallis-et-Futuna… Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, va annoncer, ce jeudi après-midi lors d’un déplacement à Draguignan (Var), les emplacements des 15.000 places de prison que le gouvernement entend bâtir d’ici à 2027.
Annoncé par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, ce plan pour l’administration pénitentiaire est prévu en deux temps : une première phase de construction de 7.000 places livrées d’ici à 2022 et une seconde qui verra 8.000 places supplémentaires sortir de terre avant 2027. Le tout pour la modique somme de 1,7 milliard d’euros qui seront mobilisés avant la fin du quinquennat.
4.750 places prévues rien qu’en région parisienne
Vanté par la Chancellerie depuis des mois, le programme vise - comme tous les précédents préparés par des gouvernements de tous bords depuis plusieurs décennies - à réduire la surpopulation carcérale* en redonnant « du sens à la peine » de prison. Adossé pour cela à une politique pénale axée sur les alternatives à l’enfermement, il doit permettre de faire baisser de 8.000 le nombre de détenus, à terme, selon les études d’impact du gouvernement.
Pour cela, les lieux cochés sur la carte de France répondent à plusieurs logiques. D’abord, ils sont situés dans des secteurs où le manque de places est criant (4.750 places sont ainsi prévues rien qu’en région parisienne, par exemple). Ensuite, ils sont répartis selon les publics hébergés : les détenus les plus dangereux seront dans des endroits isolés, ceux bénéficiant des Structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) en centre-ville afin de favoriser leur réinsertion.
A la recherche de foncier disponible pour bâtir
Il faut aussi que le gouvernement trouve du foncier pour bâtir ces nouvelles prisons. Par exemple, l’un des terrains choisis en Ile-de-France a finalement été exclu du dispositif quand les études ont révélé qu’il était situé, en partie, en… zone inondable. La Chancellerie va donc prochainement se rabattre sur un terrain situé sur une autre ville, au grand dam de ses élus.
« Au final, les villes qui sont choisies sont en colère et celles qui ne sont pas choisies le sont aussi », se désespère une source au sein de la Chancellerie. Car, à côté des maires qui ne veulent pas voir de délinquants sur leurs terres, se trouvent aussi des édiles qui militent pour les héberger. Comme Eric Houlley, le maire (PS) de Lure (Haute-Saône), dont la ville n’a pas été retenue et qui ne décolère pas depuis deux jours.
Quand les détenus gonflent les dotations de l’Etat
« Tout était calé. Et finalement, au dernier rendez-vous, on nous a dit que c’était cuit sans explication, déplore-t-il. Ce sont vraiment des technocrates qui ne passent jamais le périphérique… » La critique est facile. Mais la colère compréhensible lorsqu’on sait ce que peut apporter une prison dans une ville en perte d’activité.
« En vingt ans, nous avons fermé le commissariat, le TGI et un bureau de poste. On a perdu 1.500 habitants, poursuit l’élu. La prison aurait représenté pour nous une centaine d’emplois directs. Et donc un regain d’activité évident… » Sans parler des dotations de l’état calculées en fonction du nombre d’habitants que viennent naturellement gonfler les chiffres des détenus. Environ 280 euros par an et par habitant…
Pour le maire, il ne reste plus finalement qu’à espérer qu’un autre président plus bâtisseur que Macron prenne sa succession à l’Elysée, en 2022. Lors de la dernière campagne, seuls Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan proposaient de construire plus de places de prison (40.000) que l’actuel locataire de l’Elysée. François Fillon, lui, en voulait 16.000 quand Benoît Hamon n’en proposait… pas une de plus.
* Au 1er septembre, les prisons françaises abritaient 70.164 détenus pour 59.875 places, soit un taux d’occupation de 117,2 %).