Péages urbains: Quelles villes sont favorables à cette nouvelle taxe?
CIRCULATION•Si le gouvernement prévoit de donner la possibilité aux villes de 100.000 habitants de se doter d’un péage urbain dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, peu de villes semblent vouloir se porter volontaires à un an et demi des municipales…G.V avec régions
L'essentiel
- Les villes de 100.000 habitants pourraient mettre en place un péage urbain.
- L’objectif est de « limiter la circulation automobile et lutter contre la pollution et les nuisances environnementales ».
- Parmi les plus grandes villes de France, peu sont pour l’instant preneuses.
Les automobilistes vont-ils devoir payer pour pénétrer au cœur des grandes villes françaises ? C’est en tout cas une mesure envisagée par le gouvernement qui dans le cadre de l’avant-projet de loi d’orientation des mobilités, prévoit de donner la possibilité aux villes de plus de 100.000 habitants d’installer un péage urbain. Décongestionner les centres-villes, diminuer la pollution, l’idée semble généreuse… Pourtant, jusqu’ici, alors que cela est rendu possible par les lois Grenelle de 2007, aucune ville ne s’est portée volontaire. Petit tour en revue des villes qui pourraient se risquer (ou pas) à mettre en place un péage urbain.
Les villes qui pourraient l’envisager mais…
Elle se prononçait contre, affirmant ne pas vouloir « un péage qui interdise aux habitants de la banlieue de rentrer dans Paris ». Mais finalement, l’entourage de la maire de Paris, Anne Hidalgo, a laissé entendre dans Les Echos que le péage urbain n’est plus une hypothèse à exclure, mais à l’échelle du Grand Paris… La maire de la capitale serait prête à discuter d’un péage « intelligent » avec des compensations comme ce qui se pratique aux Pays Bas. Mais aussi que les recettes du péage puissent financer le passage à la gratuité des transports en commun.
La Métropole européenne de Lille (MEL) qui se veut précurseure en la matière s’est déjà fortement penchée sur la question. Sans s’être définitivement prononcée pour ou contre le péage urbain tel que proposé dans l’avant-projet de loi, la MEL souhaite rester sur son projet de péage inversé, ou péage positif. L’idée est de rétribuer financièrement les automobilistes qui cesseraient d’utiliser leurs voitures sur les principaux axes d’accès à la métropole aux heures de pointe. « L’expérimentation de ce système, sur le même modèle que ce qui se fait à Rotterdam, sera lancée dès que la loi sera votée », a confirmé la métropole.
Un essai “presque” transformé à Montpellier, enfin presque… Le maire et président de la métropole Philippe Saurel (divers gauche), est l’un des rares à se dire favorable au projet d’un péage urbain, « mais il n’a aucun intérêt d’être appliqué à Montpellier. Le cœur de ville est piéton sur 103 hectares, l’Ecusson ne souffre pas de la pollution, il est épargné par un flot important et régulier de véhicules, précise l’élu. Je préfère mettre en place la ZFE, la zone à faibles émissions. »
Des villes pas convaincues
A la mairie de Toulouse, on explique comme à Paris que les péages urbains seraient discriminatoires pour les habitants de la banlieue et qu’il est préférable d’inciter les gens à prendre les transports en commun. L’adjoint à la mobilié, Jean Michel Lattes, évoque encore des raisons techniques, de faisabilité. « Toulouse n’a pas d’entrée de ville comme Londres ou de portes comme Paris. Il y aurait une porosité du territoire, affirme-t-il. Si l’on veut que cela marche, il faut que ce soit étanche et ce serait très dur techniquement à mettre en place. »
A Strasbourg, le maire Roland Ries s’interroge sur les résistances des villes françaises face ce projet alors que depuis 2010 le Grenelle 2 permet son expérimentation : « Il n’y a rien de complètement nouveau, le péage existe déjà aujourd’hui, vous ne pouvez pas aller en ville avec votre voiture sans payer votre stationnement, en voirie, ou dans un parking, relève le maire. Si le péage de zone, de périmètre, fonctionne très bien dans d’autres pays européens, l’obstacle est en France psychologique et fait peur aux Français. Les populations ne sont pas prêtes à ça. » Autre interrogation du maire de Strasbourg, la temporalité de cette annonce : « A mon sens, rien ne se fera avant les élections municipales de 2020. Je ne vois pas un maire ou un président d’agglomération, face à des réticences aussi fortes, mettre en œuvre cet élargissement d’une loi existante. Je ne sais pas pourquoi on sort ça maintenant. »
On botte également en touche à Nantes, mais pour d’autres raisons : « Cela ne figure pas dans notre projet de plan de déplacements urbains [PDU], qui sera arrêté en décembre 2018. » Nantes Métropole préfère « agir sur d’autres leviers pour réduire la part de la voiture, comme le covoiturage, l’autopartage, le développement des transports collectifs et du vélo, l’extension des parkings-relais. »
Sous le soleil de Nice, la proposition du gouvernement ne déchaîne pas d’enthousiasme non plus : « La question ne se pose pas aujourd’hui, a fait savoir la ville, puisque la livraison partielle et à venir des lignes Ouest Est et 3 du tramway permettront de supprimer 800 bus et de réduire selon les études de 20 % la circulation automobile. » L’occasion également de rappeler au gouvernement sa demande d’interdiction de circulation des poids lourds sur la promenade des Anglais ou bien encore « la suppression du péage autoroutier de Saint-Isidore qui paradoxalement envoie des camions en cœur de ville », selon la mairie.
« Rennes n’est pas Paris », lance la maire socialiste Nathalie Appéré qui rappelle que « la solution [du péage urbain] n’était pas envisagée, pas même le système de circulation différenciée mis en place dans la capitale française ». Depuis le 1er octobre, rappelle la maire, la ville a mis en place la vignette Crit'Air et la métropole réfléchit à valoriser le covoiturage, et espère mettre en place des voies dédiées sur les axes pénétrants.
A Bordeaux aussi, on déteste les comparaisons. « Bordeaux n’est pas Milan », souligne l’adjoint au maire Jean-Louis David, qui indique être plutôt méfiant à l’égard du système du péage urbain. « Nous sommes plutôt à la recherche de solutions à l’intérieur même de la ville pour dépolluer. Nous sommes engagés dans une politique de mobilité qui se déroule au fur et à mesure. L’organisation du stationnement payant résident intraboulevard a déjà permis de réduire de 10 à 15 % le nombre de véhicules “stagnants” ».
La mesure inscrite dans le projet de loi mobilité et défendue par Elisabeth Borne, ministre des Transports, devrait être présentée en Conseil des ministres en novembre prochain…