Education prioritaire: Et si on supprimait les REP et les REP + comme le suggère la Cour des Comptes?
EDUCATION•Les sages de la rue Cambon préconisent de revoir le mode d’affectation des moyens aux établissements…Delphine Bancaud
L'essentiel
- La politique d’éducation prioritaire a été conçue pour aider les établissements situés dans des zones socialement défavorisées, mais elle ne touche que 30 % des élèves en difficulté.
- La Cour des comptes propose donc de supprimer les étiquettes REP et REP + et de revoir les mécanismes d’affectation des moyens aux établissements, afin de pouvoir toucher plus d’élèves défavorisés.
- Une idée qui sera forcément étudiée par Pierre Mathiot et Sabine Azéma auxquels Jean-Michel Blanquer a confié un rapport sur les « politiques éducatives et les territoires ».
Ça fait 40 ans que la politique d’éducation prioritaire est déployée, mais force est de constater que les inégalités scolaires sont toujours aussi criantes en France, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes paru ce mercredi.
Depuis 2006, l’objectif affiché était de « réduire à moins de 10 % les écarts de niveau entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et les autres », a rappelé Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes. Mais cet objectif n’a jamais été atteint car au collège, les écarts de performance en mathématiques et en français restent de l’ordre de 20 % à 30 % selon les disciplines et les années. Et tout ça pour un montant non négligeable, la politique d’éducation prioritaire ayant coûté 1, 7 milliard d’euros en 2017.
Un système qui laisse des élèves défavorisés sur la route
Autre souci : le système actuel qui dispatche les établissements des zones socialement défavorisées dans deux cases, les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP +), ne permet de toucher que « 30 % des élèves défavorisés », indique Didier Migaud. Les autres 70 % sont scolarisés dans des établissements hors éducation prioritaire, qui ne bénéficient pas de moyens supplémentaires pour baisser les effectifs des classes, pour obtenir des personnels éducatifs supplémentaires, ou pour mieux rémunérer les enseignants travaillant pourtant dans des conditions difficiles. D’ailleurs, certains établissements qui accueillent beaucoup d’élèves défavorisés ne sont pas estampillés REP car ils sont juste en dessous du seuil fixé pour cela. Ce qui paraît assez injuste.
« La labellisation des établissements dans un réseau d’éducation prioritaire, a, en outre, des effets pervers, les familles étant souvent tentées de mettre en place des stratégies d’évitement », souligne Didier Migaud. C’est-à-dire d’inscrire leurs enfants dans le privé pour qu’ils ne soient pas en REP ou en REP +. Ce qui a réduit encore la mixité sociale dans ces établissements.
Moduler les dotations à chaque établissement
Pourtant, il serait tout à fait possible de rendre plus efficace cet effort de l’Etat pour réduire les écarts de résultats scolaires liés aux origines sociales, selon la Cour des comptes. Et comme toujours, les Sages ne font pas dans la dentelle et proposent un remède de cheval. Pour elle, il faudrait tout simplement supprimer la labellisation des établissements en REP ou REP + et allouer différemment les moyens aux établissements. La Cour des comptes suggère que « les établissements soient classés en neuf catégories », explique Loïc Robert, conseiller référendaire à la Cour des comptes. « L’idée serait de prendre en compte l’indice des difficultés sociales et scolaires de l’établissement pour paramétrer ensuite sa dotation de moyens en fonction de son besoin d’aide » explique André Barbé, président de section à la Cour des comptes. En résumé, plus l’établissement aurait d’élèves défavorisés et en difficulté, plus son établissement aurait de moyens, quel que soit son lieu d’implantation.
Outre le fait que ce système permettrait d’aider plus d’établissements accueillants des élèves défavorisés, il permettrait aussi à l’éducation prioritaire d’être moins stigmatisée et donc d’éviter les tentatives des familles pour y échapper. Une idée qui intéressera forcément le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, qui a justement confié un rapport sur les « politiques éducatives et les territoires » à Pierre Mathiot et Sabine Azéma, dont les conclusions sont attendues pour la fin de l’année. Mais Marc Douaire, le président de l’OZP (Observatoire des zones prioritaires), imagine mal que le ministre décide de supprimer les REP et les REP + : « Supprimer la labellisation des établissements reviendrait à détruire l’éducation prioritaire. Car un établissement accueillant un public en difficulté aurait son allocation de moyens pour un an, avec le risque qu’elle soit moindre l’année d’après. Cela ne lui permettrait pas de monter des projets pédagogiques dans la durée, de garantir des classes à effectif réduit d’une année sur l’autre, d’attribuer la même prime aux enseignants chaque année… », estime-t-il.