REPORTAGEUn avocat explique aux collégiens les dangers des réseaux sociaux

Journée du droit dans les collèges: «Tes publications d’aujourd’hui sur les réseaux, tu ne maîtrises pas leur impact pour toi demain»

REPORTAGE«20 Minutes» a suivi l’intervention d’un avocat auprès des collégiens ce jeudi…
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • La première Journée du droit dans les collèges organisée ce jeudi par le Conseil national des barreaux et le ministère de l’Education nationale avait pour thème les réseaux sociaux.
  • L’occasion pour les élèves de 5e du collège Henri-Matisse de Paris de se familiariser avec les notions de liberté d’expression, de droit à l’image, de diffamation, d’injure, les droits d’auteur…
  • Une prise de conscience salvatrice pour prévenir les cas de cyberharcèlement.

Ce jeudi matin, ils ne traînent pas les pieds pour aller en cours. Les élèves de 5e du collège Henri-Matisse, situé dans le 20e arrondissement de Paris, sont motivés par le programme du jour. Car leur établissement participe à la premièreJournée du droit dans les collèges organisée par le Conseil national des barreaux et le ministère de l’Education nationale. Et le sujet du jour à de quoi les intéresser puisqu’il aborde les droits sur les réseaux sociaux.

Pour ce début de matinée, leur prof sera Didier Okpo, avocat fiscaliste. Costume élégant, favoris soignés et verbe haut, il capte tout de suite l’attention des élèves. « Qui utilise les réseaux sociaux ? », interroge-t-il. La majorité des élèves lèvent la main, en évoquant surtout Snapchat et Instagram. Etant donné leur jeune âge (11 ou 12 ans), l’avocat reste perplexe. « Savez-vous que pour s’inscrire sur ces réseaux il faut au minimum avoir 13 ans ? Vous avez violé les conditions d’utilisation », tient-il à spécifier, ce qui n’a pas l’air de traumatiser les élèves. La plupart d’entre eux expliquent d’ailleurs que leurs parents ne contrôlent pas leurs activités sur ces réseaux. « Sur Snapchat, je fais parfois connaissance avec des inconnus », témoigne ainsi une élève. Fort de ce constat, Didier Okpo comprend que sa mission du jour sera utile : « Je vais vous apprendre à vous protéger et à protéger les autres sur les réseaux sociaux », promet-il.

« Imagine que tu deviennes célèbre et que l’on utilise certaines images contre toi ? »

Une protection qui commence par une prise de conscience. « Quand vous publiez une photo sur Snapchat, le destinataire du message ne la voit que 10 secondes et elle s’efface. Mais savez-vous qu’en vous inscrivant sur le réseau, vous avez accordé une licence perpétuelle à Snapchat ? Ça veut dire que le réseau a le droit d’utiliser tout ce qui a été publié sur votre compte et de vendre des informations vous concernant à une autre entreprise. Ça ne vous effraie pas ? », interroge-t-il. « Non, tant que je publie des photos qui ne me nuisent pas », rétorque une élève. « Mais tes publications d’aujourd’hui sur les réseaux, tu ne maîtrises pas leur impact pour toi demain. Imagine que tu deviennes célèbre et que l’on utilise certaines images contre toi ? », lui répond-il. « Et n’oubliez pas que les destinataires de vos messages peuvent aussi les enregistrer et les faire circuler. Une blague faite dans un petit cercle peut prendre des proportions démesurées », complète Sandrine Donnefoi, la prof de physique chimie qui assiste à la séance.

Une mise en garde qui suscite des discussions chez les élèves. Beaucoup d’entre eux posent des questions et parlent de leurs expériences sur les réseaux sociaux. Les voilà désormais prêts à prendre un petit cours de droit. L’avocat les interroge sur le concept de liberté d’expression. « Quelles sont les limites de ce droit fondamental ? », questionne-t-il. « On n’a pas le droit de publier des images violentes », déclare une élève. « Ni d’insulter quelqu’un ou de publier sa photo s’il ne veut pas », indique un autre. L’occasion pour Didier Okpo de définir le droit à l’image, la diffamation, l’injure, les droits d’auteur…

« Je pense que je vais encore plus faire attention sur les réseaux »

Mais rien de telle qu’une mise en situation pour assimiler pleinement ces notions. « Séparez-vous en deux groupes, vous allez jouer les avocats », invite Didier Okpo, avant de lire une histoire. Dans celle-ci, Tom prend une photo de Lucas en train de se changer dans un vestiaire de son équipe de foot et la publie sur Facebook sans l’accord de ce dernier. Chaque groupe doit préparer la défense des deux parties. Les avocats de Tom se lancent : « Tom a pris une photo de son équipe de foot car il en était fier. Et il pensait qu’il pouvait la publier dans le cadre de la liberté d’expression », déclare un élève. « Mais Tom a commis une atteinte à la vie privée de Tom en le photographiant dans les vestiaires et il n’a pas respecté son droit à l’image », rétorque une autre avocate en herbe. Preuve que les élèves ont retenu quelque chose de la leçon du jour. Un autre cas pratique leur permet de réviser les notions de diffamation et d’injure.

La sonnerie de fin de cours retentit. Les deux heures de cette séance de droit sont passées à toute vitesse. « J’ai adoré, surtout les mises en situations. Ça va me servir à alerter certaines de mes amies qui dévoilent trop de leur vie privée sur Snapchat », confie Rose. « J’ai appris plein de choses qui me seront utiles. Je pense que je vais encore plus faire attention sur les réseaux », déclare une autre de ses camarades. Et les élèves ne sont pas les seuls gagnants de la matinée : « moi aussi je suis très présent sur les réseaux sociaux et parfois je suis suivi par des mineurs à ma grande surprise. Ça m’a semblé important de leur transmettre des informations sur leurs droits et leurs devoirs sur Internet », explique Didier Okpo. Même enthousiasme chez Philippe Del Medico, le principal du collège : « Cette journée du droit correspond bien à une problématique de l’époque. L’an dernier, le collège a connu deux affaires de cyberharcèlement. Sensibiliser les jeunes en amont permet de prévenir ce genre de dérive », affirme-t-il.