VIDEO. Arrestation de Redoine Faïd: Le récit de la traque de l'homme le plus recherché de France
ARRESTATION•Le braqueur a été interpellé, ce mardi matin, dans sa ville natale de Creil, dans l’Oise, après 93 jours de cavale…Caroline Politi avec Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Redoine Faïd a été interpellé cette nuit à Creil, dans sa ville natale, après 93 jours de cavale. Six autres personnes, dont son frère et deux neveux, ont également été arrêtés.
- Il doit être présenté dans l'après-midi à un juge d'instruction.
- L'enquête, minutieuse, s'est appuyée sur la téléphonie et l'ADN pour identifier les complices du braqueur.
Fin de cavale pour l’homme le plus recherché de France. Dans la nuit de mardi à mercredi, peu après 4 heures du matin, Redoine Faïd a été interpellé dans sa ville natale de Creil, dans l’Oise. Le braqueur multirécidiviste se trouvait dans l’appartement d’une jeune femme avec son frère aîné Rachid et un neveu. Un second neveu du malfrat a été interpellé dans la ville voisine de Villiers-Saint-Paul. Deux autres hommes, soupçonnés d’être des complices, ont été arrêtés à 6 heures du matin dans l’Oise. « Cette arrestation constitue un objectif majeur pour nous, pour la police et pour la justice, compte tenu du profil et des antécédents de Redoine Faïd », s’est félicité le procureur de la République de Paris, François Molins, lors d’une conférence de presse.
L’opération d’envergure menée à Creil par près de 120 policiers de l’Office central de lutte contre le crime organisé, de la brigade nationale de recherche des fugitifs, des brigades de recherche et d’intervention et des fonctionnaires de la PJ de Versailles s’est déroulée sans violence, malgré la découverte de deux armes chargées, un revolver et un pistolet de type Uzi. Les quatre individus visés par des mandats d’arrêts et placés en rétention judiciaire seront présentés à un juge d’instruction dans l’après-midi. Les trois autres interpellés ont été placés en garde à vue, précise une source judiciaire.
Faux pas et rendez-vous manqués
C’est donc à moins de cent kilomètres de la prison du Réau, en Seine-et-Marne, de laquelle il s’était évadé en hélicoptère avec l’aide de trois complices que le médiatique braqueur a été interpellé. Les enquêteurs de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) avaient rapidement acquis la conviction que Redoine Faïd se trouvait non seulement en France mais très probablement dans sa ville natale de Creil ou dans les environs. « On a assez vite compris qu’il n’avait pas beaucoup de fonds pour financer une cavale à l’étranger », indique une source proche de l’enquête.
Une semaine après son évasion, un chasseur découvre dans la forêt de Verneuil-en-Halatte, dans l’Oise, un sac de sport contenant deux fusils d’assaut, des gilets pare-balles, une découpeuse thermique similaire à celle utilisée lors de l’évasion et des vêtements siglés « police ». Aux enquêteurs, le témoin explique avoir été intrigué deux jours auparavant par la présence d’un groupe d’hommes munis de sacs. L’un d’eux, « un homme qu’il croise régulièrement », a particulièrement retenu son attention. Selon le procureur, il l’identifiera comme un neveu du braqueur. L’enquête permettra par la suite de démontrer qu’il a acheté la pelle et la pioche retrouvées dans le sac. L’hypothèse d’un imminent braquage pour financer sa belle se dessine.
Le 24 juillet, la piste se confirme. Ce jour-là, les gendarmes de Piscop, une petite commune du Val-d’Oise située à environ 35 km de Creil veulent procéder au contrôle d’une Renault Laguna stationnée sur le bas-côté. Le véhicule prend la fuite et une course-poursuite s’engage jusque dans le parking d’un centre commercial de Sarcelles. Les deux occupants s’échappent mais dans le coffre, les policiers découvrent plusieurs pains d’explosifs factices et une vingtaine de détonateurs, dont deux prêts à l’emploi. Les images de vidéosurveillance, de mauvaise qualité certes, permettent d’identifier les deux hommes : Redoine Faïd et l’un de ses frères aînés, Rachid.
Creil, un environnement de confiance
Habitué de la cavale, Redoine Faïd est un homme méfiant. Les enquêteurs le savent, il travaille avec un cercle réduit : certains membres de sa famille, d’anciens complices ou amis de longue date. « Rester à Creil, c’est également la possibilité pour lui de s’appuyer sur des proches en qui il a toute confiance », précise une source proche de l’enquête. Au cœur de l’été, Redoine Faïd reste insaisissable, mais les faux pas du braqueur permettent aux enquêteurs d’avancer à pas de géant.
Plusieurs empreintes génétiques ont été relevées le jour-même de l’évasion de Redoine Faïd, notamment sur des bouteilles de coca et des briques de jus de fruit découvertes à proximité d’un des aérodromes où s’est posé l’hélicoptère utilisé par les complices du braqueur, des renseignements « humains » sont recueillis, un important travail de téléphonie se met en place. Comme c’est le cas dans ce genre d’affaire, les enquêteurs travaillent « en colimaçon » : peu à peu, l’étau se resserre autour de leur cible, l’architecture du réseau de Redoine Faïd se dessine.
Des silhouettes d’hommes sous des burqas
Plusieurs lignes téléphoniques font l’objet d’une attention toute particulière dont l’une appartenant à un « individu qui recevait des instructions visant à rechercher de l’argent », précise le procureur. Géolocalisée, elle conduit à l’identification d’une jeune femme, résidant à Creil. Selon une source proche de l’enquête, cette dernière fait partie de l’entourage du braqueur. Tout s’accélère dans la nuit du 29 au 30 octobre, lorsque les enquêteurs découvrent que cette dernière véhicule une personne en burqa « dont l’allure laisse supposer qu’il s’agit d’un homme », précise Francois Molins. Le 2 octobre, vers 22h30, ils surprennent cette étrange silhouette en burqa entrer dans le domicile de cette femme. Un second individu également en burqa gagne ce logement situé dans la cité du Moulin à Creil. Les enquêteurs en ont la conviction, l’un des deux est Redoine Faïd.
S’ils doivent agir rapidement, les policiers le savent, le moindre faux pas peut faire échouer le coup de filet. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils décident d’interpeller le malfrat au beau milieu de la nuit, sollicitant pour cela une autorisation spéciale du juge de la liberté et de la détention. « Il était nécessaire de le surprendre dans son sommeil pour éviter au maximum toute scène de violence », indique une source policière. Si aucun coup de feu n’a été échangé, le revolver – chargé – découvert dans l’appartement était à « portée de main » du braqueur, a indiqué François Molins.