Quelle réalité derrière la «guerre» des bandes?

Quelle réalité derrière la «guerre» des bandes en France?

RIXESelon le ministère de l’Intérieur, on dénombre près de 90 bandes structurées et organisées en France métropolitaine, dont la moitié à Paris et en petite couronne…
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • A Paris et en petite couronne, les violences liées aux rixes ont baissé de 19 % entre 2016 et 2017.
  • « Ces bandes sont presque toujours liées à un quartier sensible, précise le porte-parole du ministère, Frédéric de Lanouvelle. Elles s’articulent généralement autour du trafic de stupéfiants et du contrôle d’un territoire. »
  • Il n’y a pas de chefs précis même s’il y a des leaders dans les bandes, les membres entrent et sortent sans « pacte d’allégeance ».

Dimanche, un adolescent de 13 ans, grièvement blessé à coups de barre de fer, est décédé à l'hôpital. Le drame s'est noué la veille lors d'une rixe impliquant deux bandes rivales de Seine-Saint-Denis, l'une originaire des Lilas, l'autre de Bagnolet. Alors que l'enquête est toujours en cours, nous republions cet article sur le phénomène des bandes, paru il y a 15 jours à l'occasion de deux autres bagarres en Ile-de-France.

A Mantes-la-Ville, ce sont deux bandes de quartiers rivaux qui se sont affrontées, dimanche soir, à coups de bâtons, barres de fer et clubs de golf. Derrière ces armes de fortune, de nombreux mineurs, parfois à peine âgés de 13 ans. « Cette fois-ci, ça s’est bien fini, il n’y a pas eu de blessés, mais on sait que, malheureusement, il y aura de nouvelles expéditions punitives qui se termineront peut-être comme à Garges-lès-Gonesse. Voire pire », déplore une source policière en référence au passage à tabac, mercredi, d’un ado dans le département voisin du Val-d’Oise. Le jeune homme de 17 ans a été grièvement blessé au visage par une dizaine d’individus armés de béquilles et boules de pétanque. L’enquête est toujours en cours mais les premiers éléments laissent penser à une rivalité interquartiers.

Certains territoires sont-ils devenus hors-de-contrôle ? A entendre, vendredi, le discours du ministre de l’Intérieur à Grenoble, on serait tenté de le penser. « Dans un certain nombre de ces quartiers, ce n’est plus l’ordre républicain mais celui des bandes et des narcotrafiquants qui, hélas, règne », déplorait Gérard Collomb. Il faut dire que tout au long de la semaine, l’actualité a été marquée par des faits divers de ce genre. Que dire des intrusions répétées dans un lycée de Saint-Denis, devenu le terrain d’affrontements de deux bandes ou de ce groupe de jeunes armés de battes de base-ball et de sabres japonais qui a attaqué, mardi, un bus à Angoulême ?

90 bandes structurées, dont la moitié à Paris

Des paroles inquiétantes qui contrastent pourtant avec les chiffres communiqués par son ministère. Selon la place Beauvau, quelque 90 bandes structurées et organisées sont actives en France métropolitaine. Parmi elles, la moitié se trouve à Paris (16) et en petite couronne (29). « Les chiffres ont tendance à diminuer depuis 2012 », assure le porte-parole de l’Intérieur, Frédéric de Lanouvelle. Ainsi, selon la préfecture de police de Paris, les violences rattachées aux bandes ont baissé de 30 % dans la capitale et de 19 % sur l’ensemble de la petite couronne entre 2016 et 2017, passant de 414 phénomènes enregistrés à 336.

« Le problème, c’est qu’on ne sait pas vraiment ce que recouvre aujourd’hui le terme de “bandes” », nuance Christophe Soullez, le directeur de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Selon le chercheur, les services de renseignements, particulièrement attachés à suivre la radicalisation religieuse, ont peu à peu délaissé la surveillance du phénomène. « Quand on sait qu’il y a environ 1.300 quartiers sensibles en France, j’ai du mal à imaginer qu’il y a moins d’une centaine de bandes actives en France. » Les 90 bandes évoquées par l’Intérieur représentent-elles le haut du spectre ? Considère-t-on qu’une bande est constituée à partir d’un nombre de membres, d’un type de délinquance ou d’une structuration ?

« Ces bandes sont presque toujours liées à un quartier sensible, précise le porte-parole du ministère, Frédéric de Lanouvelle. Elles s’articulent généralement autour du trafic de stupéfiants et du contrôle d’un territoire. » Si quelques bandes communautaires ont également été recensées, elles restent rares, indique une source policière. Autre spécificité, elles sont constituées pour une très large partie de mineurs, parfois tout juste entrés dans l’adolescence. Ainsi, à Paris et en petite couronne, en 2017, sur les 291 interpellations liées aux bandes, on dénombre 80 % de mineurs. « C’est un phénomène plutôt spontané, poursuit une source policière. Ce sont plutôt des jeunes qui sont originaires de ces quartiers et qui vont se raccrocher à ces bandes. » Mais difficile d’en préciser les contours, les groupes sont mouvants. L’image des gangs américains est bien loin du phénomène français : il n’y a pas de chefs précis même s’il y a des leaders, les membres entrent et sortent sans « pacte d’allégeance ».

« Avoir une connaissance fine de ces groupes nous permet une intervention rapide et ciblée »

Pour prévenir les violences commises par les bandes mais également entre ces bandes, la préfecture de police de Paris a mis en place en 2010 un plan de lutte coordonné par la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP). Une cellule composée de sept fonctionnaires recense toutes les données relatives au phénomène : les membres présumés évidemment, mais également les zones d’influences, le type de délinquance qui s’y rattache ou les lieux d’actions. « Avoir une connaissance fine de ces groupes nous permet une intervention rapide et ciblée », précise une source policière.

Des informations similaires sont synthétisées par le service central du renseignement territorial sur le reste du territoire. Ces synthèses, croisées à la vidéosurveillance, ont ainsi permis à Gonnesse comme à Mantes-la-Ville une intervention particulièrement rapide des forces de l’ordre. Dans le Val-d’Oise, un majeur et un mineur ont été interpellés vendredi et mis en examen pour tentative d’homicide volontaire, participation à un attroupement armé et violences volontaires aggravées. Dans la cité des Yvelines, 32 personnes ont été interpellées dans l’heure qui a suivi la rixe.

Néanmoins, le porte-parole de l’Intérieur le reconnaît, « ce n’est pas parce qu’on observe une baisse du nombre de bandes que les violences diminuent. » Pour ce faire, le gouvernement compte sur le déploiement des quartiers de reconquêtes républicaines, mesure phare de la police de sécurité du quotidien, pour endiguer le phénomène. A Garges-lès-Gonesse, par exemple, ce sont quinze nouveaux policiers qui sont attendus dans les semaines à venir pour venir grossir les effectifs. Un nouveau plan « Stup » devrait également être présenté d’ici la fin de l’année.