ENSEIGNEMENT SUPERIEURLes classes passerelles pour les candidats refusés en BTS, un bon plan?

Parcoursup: Les classes passerelles pour les candidats refusés en BTS, vrai bon plan?

ENSEIGNEMENT SUPERIEURCe dispositif a été créé cet été pour offrir une solution aux bacheliers recalés à l’entrée d’un BTS…
Une jeune fille traversant une passerelle
Une jeune fille traversant une passerelle - Pixabay
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • L’idée de créer un dispositif d’accompagnement pour les bacheliers professionnels qui n’ont pas été admis en BTS fait consensus.
  • Mais la précipitation avec laquelle le dispositif a été mis en place pose question.
  • Tout comme le fait que cette classe passerelle ne garantisse pas une place réservée en BTS ensuite.

Une nouveauté de la rentrée qui suscite des interrogations et sur laquelle la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, sera sans doute interrogée ce mardi lors de sa conférence de presse de rentrée. Des classes passerelles ont été créées cet été pour les bacheliers qui ont été refusés en BTS sur Parcoursup afin de les aider à se remettre à niveau pendant un an pour pouvoir retenter leur chance ensuite.

De nombreux candidats (principalement des bacheliers professionnels) qui n’ont pas été admis en BTS ont été dirigés vers ces classes passerelles. « Elles permettent à ces bacheliers de consolider leurs acquis pour assurer leur réussite en sections de technicien supérieur (STS) afin d’augmenter le taux de passage de 1re en 2e année de STS et limiter le décrochage au cours de la 1re année de STS », explique à 20 Minutes le ministère de l’Enseignement supérieur. A cette rentrée, 2.000 places ont été ouvertes en classes passerelles au niveau national, mais pour l’heure le ministère n’a pas indiqué combien d’elles sont finalement occupées à cette rentrée.

« Ces classes passerelles semblent être des voies de garage »

Sur le papier, le concept des classes passerelles paraît séduisant, comme l’explique Jimmy Losefeld, président de la Fage, premier syndicat étudiant, qui a soutenu la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) : « L’intention de créer un parcours d’accompagnement pour les élèves de BTS est une bonne chose et c’est d’autant plus logique que ces parcours sont créés à l’entrée à l’université ». Pour autant, il se montre sceptique sur leur intérêt : « Ces classes passerelles semblent être des voies de garage car elles ne garantissent absolument pas aux jeunes qui les suivront qu’ils seront pris en BTS ensuite. Par ailleurs, la scolarisation dans ces classes passerelles ne donne pas droit à des crédits ECTS qui pourraient être valorisables dans un cursus », fustige Jimmy Losfeld. Il est vrai qu’elles ne débouchent pas sur une certification, comme le précise la circulaire. « En soi ces classes passerelles sont une bonne idée, mais comme elles ont été créées en catastrophe, nous craignons qu’elles ne soient que des sas d’attente sans trop d’intérêt », critique aussi Claire Gueville, secrétaire nationale du Snes.

Une inquiétude que partage Louis Boyard, président de l’Union nationale lycéenne (UNL) : « On ne sait pas si au moment de la sélection des dossiers, les élèves qui ont suivi la classe passerelle seront valorisés par rapport aux candidats qui sortent du lycée. Et s’ils sont au final recalés à l’entrée du BTS, ils auront perdu un an », estime-t-il. Seule certitude : à l’issue de cette année, les élèves recevront une attestation de formation qui indiquera les compétences travaillées lors de l’année. « On aurait pu imaginer que des places en BTS soient réservées aux jeunes issues de ces classes ou qu’on leur croit au moins un bonus lors du processus de sélection à l’entrée du BTS », estime aussi Philippe Vincent. Quelques chanceux pourraient cependant avoir une bonne surprise car « l’admission en STS peut être prononcée au cours du premier trimestre de la classe passerelle si le bachelier démontre ses aptitudes et que le BTS désiré a des places qui se seraient libérées », indique à 20 Minutes le ministère de l’Enseignement supérieur. Reste que ces dénouements heureux risquent d’être limités, comme le souligne Thierry Patinaux : « car les places ne seront proposées que dans des BTS qui ne font pas le plein, surtout ceux qui touchent des domaines industriels », prévoit-il.

« Nous craignons que certains d’entre eux abandonnent en cours de route »

Outre le devenir des jeunes inscrits en classe passerelle, la manière dont ce dispositif a été mis en place dans les lycées suscite aussi des questions. Informés de la création de ces classes passerelles en mai, les proviseurs ont dû le mettre en place au pas de charge. « Certains ont su qu’ils devaient ouvrir une classe passerelle dans leur établissement fin juin, début juillet. Mais d’autres ne l’ont su que fin août », explique Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN). « Ils ont beaucoup improvisé. Ils ont dû solliciter les enseignants sur la base du volontariat pour leur demander de faire des heures supplémentaires afin d’assurer les cours », indique Thierry Patinaux, conseiller national du Se-Unsa. « Dans certains lycées, les proviseurs n’ont pas réussi à trouver suffisamment de profs acceptant des heures supplémentaires, donc ils ont dû faire appel à des vacataires », indique de son côté Claire Gueville, du SNES ;

Les contenus pédagogiques des classes passerelles interrogent aussi, car ils sont assez vagues. « Ils doivent comprendre des enseignements généraux, des enseignements professionnels et des périodes de stages en entreprise », indique la circulaire. Des cours de français, de langues de maths, de sciences physiques et chimiques sont ainsi prévus, ainsi que des stages : « il n’y a pas de cadrage national les équipes locales adaptent les contenus en fonction des filières qu’elles proposent », observe Thierry Patinaux. « Certaines classes passerelles visent à préparer les élèves à une entrée en BTS tertiaire, d’autres à des BTS industriels », précise aussi Philippe Vincent. Et le fait que chacun fasse sa « cuisine » est loin de faire l’unanimité : « Cela va conduire de fait à une inégalité de contenu de ces formations », estime Claire Gueville. « Des témoignages de bacheliers inscrits en classe passerelle nous inquiètent, car ils suivent des cours dans des matières générales et n’ont pas l’impression d’apprendre beaucoup de choses. Nous craignons que certains d’eux abandonnent en cours de route », déclare de son côté Louis Boyard. Par ailleurs, la circulaire parue cet été ne précise nullement comment les élèves de ces classes passerelles seront évalués en cours d’année. « Si le ministère estime que ces classes passerelles doivent être un dispositif permanent, il faut que les contenus pédagogiques soient référencés », insiste Philippe Vincent. Un point qui sera sans doute revu, la ministre ayant déjà annoncé que des aménagements étaient prévus au processus d’orientation initié cette année.