La lutte des parents contre la malbouffe dans les cantines scolaires s'organise
EDUCATION•Des collectifs se sont créés dans plusieurs villes pour tenter d'agir sur le contenu des assiettes...Delphine Bancaud
L'essentiel
- Dans le Livre noir des cantines scolaires qui vient de paraître, Sandra Franrenet, raconte comment les parents se fédèrent pour regarder de plus près le contenu de l’assiette de leurs enfants.
- Des collectifs de parents se créent ces dernières années partout en France, qui pointent la mauvaise qualité des aliments servis dans certaines cantines ou militent pour que les bonnes pratiques se développent.
- C’est le cas d’Anne, Marie, Elise et Antoine que 20 Minutes a rencontré.
«Tu as bien mangé ce midi ? ». C’est après avoir posé cette question plusieurs fois à ses enfants, qu’Anne a décidé de s’intéresser d’un peu plus près à ce qui se passait à la cantine. « Bien souvent, ils ne savaient pas identifier le contenu de leur assiette », raconte à 20 Minutes, cette mère parisienne. « Moi j’ai vite compris que mes enfants ne mangeaient pas beaucoup de fruits et de légumes et que les repas n’étaient pas bons. Car ils se jetaient sur leur goûter le soir », explique de son côté Marie.
Comme ces deux mères, de plus en plus de parents s’intéressent à ce que l’on sert à leurs enfants à la cantine. Des collectifs se sont créés dans plusieurs villes ces dernières années pour tenter de faire bouger les menus ou demander le retrait du plastique dans la restauration scolaire. Sandra Franrenet, auteure du Livre noir des cantines scolaires* qui vient de paraître, fait partie de l’un d’eux. « Ma fille se plaignait toujours de la cantine. Alors j’ai commencé à me renseigner et je suis rendue à la commission restauration de la Caisse des écoles de ma commune », indique-t-elle. Elle comprend alors le système de gestion des cantines : celles-ci sont soit en régie directe (les repas sont cuisinés généralement dans des cuisines intégrées aux écoles) soit en délégation de service public (la collectivité confie l’élaboration des repas à un prestataire privé, qui les prépare généralement dans des cuisines centrales et les achemine ensuite vers les écoles). Or, dans son arrondissement parisien, le XVIIIe, c’est un groupe de restauration collective qui gère les repas.
« Les viandes étaient difficiles à identifier »
C’est à l’occasion du projet de réforme de la restauration scolaire de la mairie de Paris, qu’Elise, une mère du Ve arrondissement, s’est aussi intéressée à ce dossier en 2016 : « Cette réforme aurait vraisemblablement conduit à la création d’un établissement public central pour un coût faramineux et à la passation de marchés publics avec des groupes de restauration collective. Nous avons créé une association "Sauve ma cantine" qui milite pour une vraie réforme ; celle qui ferait que tous les élèves des écoles et collèges de Paris mangeraient enfin une cuisine de qualité, faite sur place à partir de produits locaux et bios », explique-t-elle. « Nous avons fait des pétitions, mobilisé nos élus - maires d’arrondissements, députés et sénateurs -, manifesté devant la Mairie de Paris, affiché, tracté… », se souvient-elle. Des actions qui ont dû porter leurs fruits selon elle, « car la Mairie de Paris a modifié sa feuille de route sur la réforme. L’établissement public central n’a pas été créé et le juteux marché à 22 millions de repas par an n’a pas été passé », explique-t-elle.
Une recherche d’informations à laquelle se sont livrés aussi Anne, Marie et Antoine, dont les enfants sont scolarisés dans le XVIIIe arrondissement de Paris : « Dans un premier temps, on a demandé à la directrice de l’école de pouvoir accéder à la cantine et prendre des photos. Et là on a pu constater que les viandes étaient difficiles à identifier, que certains plats sur le menu n’étaient pas servis… », explique Marie.
« On a fait supprimer les yaourts sucrés et les manchons de poulet des menus »
Très vite les parents ont monté un collectif à plusieurs écoles intitulé « Les enfants du 18 mangent ça » et ont demandé à la caisse de des écoles de leur fournir les fiches techniques des repas énumérant la composition des plats. « Je me suis rendu compte que l’on servait aux enfants des produits industriels, ultratransformés, des aliments bourrés d’additifs ou de sucres », explique Marie. « Un jour, nos enfants ont eu droit à des allumettes végétales composées de poudre de blé, d’œufs, de sucre et de malodextrine », complète Anne. « On a compris que chaque plateau-repas dépassait 20 grammes de sucre ajouté alors que c’est la limite journalière fixée par l’OMS pour un enfant », s’énerve Antoine. « Et que certains plats bios étaient réchauffés dans des barquettes en plastique », s’offusque Sandra Franrenet.
Forts de ces constats, le collectif de parents du XVIIIe a participé à toutes les commissions restauration, a lancé une pétition qui a recueilli 7.000 signatures et a même tenté de faire pression sur la mairie pour qu’elle revienne à un système de régie directe des cantines. En vain. « Mais on a fait supprimer les yaourts sucrés et les manchons de poulet des menus, ce qui est déjà une première victoire », estime Antoine. Pas question de défaitisme non plus chez Marie : « On va continuer à contrôler si le prestataire privé respecte bien le cahier des charges », promet-elle. « On va poursuivre le postage de photos des plats servis à la cantine sur les réseaux sociaux et on va faire grossir le collectif », promet de son côté Anne. Et plus les municipales approchent, (les prochaines étant en 2020), plus les maires risquent d’être attentifs aux récriminations de leurs administrés…