Rentrée scolaire: Que cachent les nouvelles évaluations des élèves en CP, CE1, 6e et seconde?
EDUCATION•De nouvelles évaluations vont être mises en place à la rentrée, notamment en CE1 et en seconde...Delphine Bancaud
L'essentiel
- A cette rentrée, le ministère va instaurer de nouvelles évaluations nationales standardisées.
- Les enseignants craignent que ces évaluations nuisent à leur liberté pédagogique.
- Et que ces tests cachent la volonté du ministre de mettre en concurrence les établissements.
Des tests à foison. Cette rentrée, de nouvelles évaluations nationales en français et en maths vont être mises en place pour les élèves de CE1 et de seconde, ainsi qu’en milieu d’année pour les 6e. L’an dernier, elles avaient déjà été instaurées pour les élèves entrant en CP et en 6e. Lors de sa conférence de rentrée, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer avait qualifié ces tests d' « évaluations diagnostiques » en déclarant qu’il était « très important de développer une culture de l’évaluation positive ».
« L’objectif est de permettre aux enseignants de disposer d’informations sur le niveau des élèves afin de les aider à piloter leur démarche pédagogique. En connaissant mieux les difficultés des élèves, les enseignants savent quelles sont les compétences à renforcer et peuvent tirer des bilans réguliers pour mesurer la progression des élèves », explique à 20 Minutes, Michel Fayol, professeur émérite en psychologie du développement à l’université de Clermont-Auvergne*, qui a participé à l’élaboration de ces évaluations.
Dans son programme électoral, Emmanuel Macron ne disait pas autre chose : « Nous introduirons, au début de chaque année, des bilans personnalisés, de la classe de grande section à la troisième, afin que les enseignants disposent d’une base fiable et utile pour mesurer les progrès de chaque élève, et qu’ils choisissent les meilleurs outils pour un enseignement adapté aux besoins de chacun ».
Le risque du bachotage pointé
Mais force est de constater que ces évaluations ne font pas l’unanimité. Lors de sa conférence de presse de rentrée ce lundi, le premier syndicat des enseignants du primaire a tiré à boulets rouges contre la mesure. « L’an dernier, les tests proposés n’étaient pas faits pour des élèves de CP. Nous en avions fait part au ministère qui a fini par demander aux enseignants de les adapter. Cette année, on ne connaît pas le contenu des nouveaux tests. Comment ont-ils été produits ? Ont-ils été frottés au terrain ? », interroge Francette Popineau, secrétaire générale du SNUipp-FSU. Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-UNSA, est aussi critique : « les tests de l’an dernier ne permettaient pas une évaluation très précise de la maîtrise des élèves. Ils ne disaient rien par exemple, sur leur capacité à s’exprimer à l’oral ».
Les enseignants pointent aussi d’autres dérives auxquelles pourraient conduire ces tests : « Les enseignants peuvent avoir la tentation d’organiser les apprentissages en fonction des évaluations et non des compétences à acquérir. On risque d’abaisser le niveau en bachotant, de privilégier uniquement les disciplines concernées par les tests au détriment des autres », fustige Francette Popineau.
Et si on comparait les résultats des établissements ?
Les enseignants craignent aussi que les résultats de ces tests qui seront fournis aux parents, soient anxiogènes pour eux et leur progéniture. « Si on leur envoie un courrier avec les résultats sans commentaires, ce sera le cas », prévient Claire Krepper.
Mais ce que les enseignants redoutent le plus, c’est que ces évaluations nationales aient une autre finalité que celle qui a été annoncée initialement par le ministre : « Nous craignons qu’elles servent à mettre en concurrence les écoles, voire même à asseoir le salaire des enseignants. Cette culture de l’évaluation a été instaurée dans les pays anglo-saxons et ils en reviennent. En Angleterre, l’abandon des évaluations en CP a d’ailleurs été programmé », déclare Francette Popineau.
L’annonce cet été par le Premier ministre et le ministre de l’Education de la création d’une instance d’évaluation « pour assurer une évaluation régulière et transparente des établissements scolaires » a ravivé les inquiétudes des enseignants. « Ces évaluations vont-elles servir à déterminer la plus-value des établissements ? », interroge Claire Krepper. Michel Fayol ne croit guère à cette hypothèse : « en l’état, rien ne permet de conclure que ces évaluations soient destinées à jauger le système scolaire et à mettre en concurrence les établissements. Ce sont des outils pédagogiques avant tout », affirme-t-il. Lors de sa conférence de presse de rentrée ce mercredi, Jean-Michel Blanquer sera très attendu sur ce sujet.