ABUS SEXUELSCinq mois après le scandale Oxfam, quelles réponses ont été mises en place?

Exploitation sexuelle dans l’humanitaire: Cinq mois après le scandale Oxfam, quelles réponses ont été apportées ?

ABUS SEXUELSMardi, les députés britanniques ont rendu un rapport particulièrement critique sur l'exploitation sexuelle dans le secteur de l'aide humanitaire...
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • Ce rapport de la Commission du Développement international de la chambre des Communes fait suite au scandale d’abus sexuels commis par certains employés de l’ONG britannique Oxfam en Haïti.
  • Les élus qualifient ce problème « d’endémique » et jugent la réponse apportée « insuffisante ».
  • Depuis le scandale Oxfam en février dernier, de nombreux acteurs du secteur ont mis en place de nouveaux processus en interne pour détecter et dénoncer les cas d’exploitation sexuelle.

Les mots employés par les députés britanniques sont rudes. Dans un rapport rendu public mercredi 31 juillet, les élus dénoncent une réponse « molle », un problème « endémique » et une « culture du déni » des acteurs anglais de l’aide humanitaire, cinq mois après le scandale d'exploitation sexuelle par des salariés de l'ONG Oxfam. Les révélations avaient provoqué à l’époque l’émoi de l’opinion publique, de nombreux responsables d’associations et entraîné plusieurs licenciements et démissions de salariés visés par ces soupçons d’abus sexuels.

Très critiques, les membres de la Commission du Développement international de la chambre des Communes proposent toutefois quelques pistes d’amélioration. Quelles sont-elles et sont-elles véritablement applicables ? Quels processus existent déjà et quelles réponses ont d’ores et déjà été apportées par les ONG ? 20Minutes fait le point.

Un système de protection ancien mais défaillant

Si les récentes révélations ont mis en lumière cette problématique, le phénomène est loin d’être nouveau rappelle en préambule Michel Maietta, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste des questions de géopolitique du développement et des problématiques de la solidarité internationale. « Les ONG ont déployé des systèmes d’alerte et de signalement depuis déjà 10 ans. L’affaire dite 'Oxfam' a eu le mérite de montrer que ces systèmes pouvaient être défaillants et a entraîné une véritable remise en question et une réévaluation des processus internes », développe le chercheur.

« La prise de conscience est réelle et les ONG n’ont pas attendu le scandale révélé en février pour développer des solutions internes », abonde Philippe Ryfman, avocat et auteur de Les ONG (Ed. La Découverte, 2004). Selon lui le rapport des parlementaires anglais ne peut s’appliquer à l’ensemble des associations du secteur : « On ne peut pas généraliser. Les ONG militaires ont par exemple des processus de contrôle internes solides et bien plus charpentés qu’en Angleterre ».

Des difficultés législatives

Dans leurs conclusions, les élus préconisent - entre autres - le déploiement d’un registre mondial des travailleurs humanitaires pour empêcher les prédateurs sexuels de se maintenir en passant d’une ONG à une autre. Une mesure irréaliste selon Michel Maietta : « Cette idée avait été avancée par les ONG elles-mêmes il y a déjà plusieurs années. Mais elles se sont rendu compte que la mise en place d’un tel registre posait d’énormes problèmes juridiques vis-à-vis des législations nationales, notamment en matière de conservation des données personnelles et de droit du salarié ».

Si le partage de telles informations ne peut se faire d’une ONG à une autre, elle est toutefois réalisable au sein même des structures. Dans un plan d’étape publié il y a quelques semaines, Oxfam annonçait le développement « d’une base de données internationale regroupant toutes les affaires signalées et confirmées de comportements nuisant à la prévention et à la protection, dans l’ensemble de la confédération ». Une mesure qui s’inscrit dans une ambition plus globale de lutte contre l’exploitation sexuelle.

Une réaction rapide

Jugée « insuffisante » en Grande-Bretagne, la réaction des ONG au scandale d’abus sexuels par des humanitaires a toutefois été quasi immédiate. Ainsi, le 14 février dernier, la directrice générale de l’UNICEF Henrietta H. Fore, annonçait l’obligation de « la déclaration des cas d’exploitation et d’abus sexuels » et « la formation à la prévention ». Une réflexion serait également en cours pour développer un outil permettant aux victimes de porter plainte plus facilement et de façon confidentielle sur le terrain d’opération d’aide humanitaire en cas d’abus sexuels par des salariés de l’ONG.

En France, Action Contre la Faim a annoncé le 30 mars le renforcement de ses mécanismes internes, notamment grâce à un système d’alerte, via des adresses électroniques dédiées. « Entre 2012 et 2017, Action contre la Faim a ainsi traité 19 cas confirmés d’abus ou de violences à caractère sexuel et/ou non éthique (harcèlement, violences et abus de pouvoir à caractère sexuel) sur l’ensemble de ses 8 000 collaborateurs, dans plus de 47 pays à travers le monde », rappelait également le communiqué.

Une stigmatisation « dangereuse » ?

Dans son rapport d’étape, Oxfam listait une série de mesures ambitieuses comme la création d’une commission indépendante chargée de recueillir les témoignages de victimes et de préconiser des solutions pour l’ONG dans un rapport prévu pour mai 2019 et financée à hauteur de 2 millions d’euros. « Lorsque la loi le permet, les cas de faute grave, notamment les abus sexuels, apparaîtront clairement dans les références du personnel », précise également le document.

Une réaction nécessaire pour Michel Maietta qui met en garde : « Les abus sexuels existent dans toutes les organisations humaines. Au sein de structures publiques, privées, dans les institutions de l’Etat, partout. La lutte contre ces comportements passe aussi par un engagement des autorités locales et la stigmatisation à outrance des ONG est dangereuse. Il ne faut pas oublier que ces structures fragiles sont de plus en plus menacées à travers le monde ».