VIDEO. En France, les producteurs de vin sont saoulés par la fraude massive venue d’Espagne
VITICULTURE•La répression des fraudes a mis au jour des millions de litres de rosé espagnol, vendus pour du vin français. «20 Minutes» a interrogé des vignerons du sud de la France…Nicolas Bonzom
L'essentiel
- Des millions de litres de rosé espagnol ont été vendus comme du vin français.
- Pour les producteurs français, c'est une véritable catastrophe.
- Voilà des mois que les syndicats dénoncent ce problème espagnol.
Voilà des années que les producteurs de vins français pointent du doigt la concurrence espagnole, qui envoie de l’autre côté des Pyrénées des bouteilles bon marché et de piètre qualité. Usant parfois de méthodes déloyales, en illustrant par exemple les étiquettes de vins ibériques avec des villages aux allures bien françaises.
Cette fois, les limites de la loi ont été outrepassées : la répression des fraudes a mis la main sur des millions de litres de rosé espagnol, vendus comme du vin français. Une tromperie massive, mise au jour après une enquête de deux ans, qui concerne 70.000 hectolitres de vin, soit 10 millions de bouteilles de rosé. Les vins espagnols étaient revendus en vrac en tant que vin de France, voire en usurpant un nom d’IGP française.
« C’est un véritable problème d’image »
Une véritable catastrophe pour les producteurs de rosé en France. « C’est un grave problème », soupire Benoît Ab-Der-Halden, directeur du Château Reillanne, au Cannet-des-Maures, dans le Var, et président du réseau de vignerons Terra Vitis Rhône Méditerranée. « Nous avons réussi à pousser le vin rosé en général, et le vin des Côtes de Provence en particulier, à des prix très élevés, grâce à notre travail, et à l’excellente qualité des crus. Malheureusement, certains négociants peu scrupuleux détournent notre notoriété, pour vendre de mauvais vins, c’est un véritable problème d’image. »
Sur les millions de bouteilles de vin dénichées par la répression des fraudes, une fleur de lys, une cocarde française, la mention « Produced in France » ou « Embouteillé en France » étaient mises en avant, alors que les mentions d’origine « Vin d’Espagne » ou « Vin de la communauté européenne » figuraient au dos, de façon peu lisible.
« Tout le monde le savait ! »
Et faire passer du vin espagnol pour du vin bleu blanc rouge, c’est une bonne opération pour ceux qui ont été pris le doigt dans le pot de confiture : en 2016, le rosé en vrac espagnol se vendait 0,35 euro le litre, le rosé français, 0,85 euro le litre. Plus du double.
« Le consommateur a désormais intérêt à regarder les étiquettes de très près avant d’acheter une bouteille de vin », reprend Jean-Philippe Granier, directeur technique de l’AOC Languedoc, qui pointe du doigt une grande surface de l’Hérault, où « sur les bouteilles est indiqué vin de pays de d’Oc, et derrière, vin d’Espagne ! Mais ce n’est pas nouveau, ça sort aujourd’hui, mais tout le monde le savait. Il faut arrêter, on ne peut pas continuer comme ça. Il faut que la répression des fraudes multiplie les contrôles. »
« Il faut que les sanctions soient exemplaires »
Depuis plusieurs mois, les tensions entre les viticulteurs des deux pays se sont particulièrement accentuées, avec la multiplication d’actions dans le sud de la France, notamment dans les rayons des supermarchés, pour protester contre ces importations.
« Cela fait 18 mois que l’on dénonce ces fraudes, confie Xavier Fabre, porte-parole du syndicat des vignerons du Gard, et producteur, notamment de vin rosé, à Domazan. On ne peut que regretter qu’elles ne soient dénoncées que maintenant… On attend de voir les condamnations et les sanctions qui seront prononcées, il faut qu’elles soient exemplaires. A la hauteur du préjudice, que nous, viticulteurs, subissons. Le consommateur pense acheter du vin français, pense soutenir le vin de sa région, ou de son pays. En fait, il alimente la spéculation et toutes ces fraudes. C’est grave. »