Limitation à 80 km/h: «Cela n’empêchera personne de doubler les camions ou les tracteurs comme des idiots»
REPORTAGE•La mesure décriée du gouvernement entre en vigueur ce dimanche 1er juillet. « 20 Minutes » est allé à la rencontre de conducteurs en Gironde, près de la longue ligne droite de la meurtrière D137…Clément Carpentier
L'essentiel
- A partir de ce dimanche 1er juillet, la vitesse est limitée à 80 km/h sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central (muret ou glissière).
- Beaucoup d’automobilistes doutent de son efficacité.
- L’expérimentation va durer deux ans selon le gouvernement d’Edouard Philippe.
A bord de sa Twingo verte, Claudette fait office de très bonne élève au volant. Cette Girondine à la retraite a bien sûr ses 12 points sur son permis mais surtout elle « roule déjà à 80 km/h depuis plusieurs semaines, histoire de s’habituer. » Le 1er juillet, elle n’aura donc pas besoin d’appuyer sur le frein en empruntant la longue ligne droite de la D137 pour aller faire ses courses à Blaye dans le nord de la Gironde. Elle sera au point avec la législation française, elle.
Car cette sexagénaire ne pense pas que ce sera le cas de tout le monde : « Cette réduction de la vitesse ne va pas les calmer [les gens]. Ils s’en foutent. Ils doublent sur les lignes blanches, vous font des appels de phares si vous n’avancez pas assez vite alors que pourtant cette route est très dangereuse. » Selon un rapport de la Ligue contre la violence routière, la D137 est la troisième route la plus accidentogène du département avec 19 morts entre 2006 et 2015. « On est très souvent appelé pour des accidents. Une fois toutes les deux semaines au moins. Elle n’est pas forcément ultra-dangereuse comme des routes de campagne mais il y a un trafic énorme et à 90 km/h, il y a souvent des dégâts », nous glisse un pompier.
Une efficacité à « à la marge »
Le gouvernement espère donc réduire ce chiffre en limitant la vitesse à 80 km/h sur les 466.000 kilomètres de routes secondaires à double sens sans séparateur central (muret ou glissière). Si la mesure reste extrêmement impopulaire dans l’opinion publique, il « fallait bien tenter quelque chose, estime Stéphane, car ça peut sauver des vies » même « à la marge », ajoute Monique. Ces deux Girondins font plutôt partie de ceux qui attendent de voir les résultats avant de critiquer cette décision du gouvernement d’Edouard Philippe. Cette nouvelle limitation permettra de sauver 300 à 400 personnes par an à en croire le Premier ministre.
Wilhem, jeune retraité, lui, fait la moue. Comme beaucoup d’automobilistes de la D137, il n’est pas forcément contre cette réforme mais « ne croit pas du tout à son efficacité. » « Cela n’empêchera personne de doubler les camions ou les tracteurs comme des idiots dans des zones qui sont souvent rurales », affirme Thomas, le motard. Alors quoi faire ? Wilhem pense avoir la solution :
« « Il faut multiplier les contrôles mobiles sur ces longues lignes droites ! Mais, ils (les gendarmes) viennent une demi-heure par-ci par-là et repartent. Ça ne sert à rien. Il faut rester plus longtemps et revenir plus souvent. Après en ont-ils les moyens ? » »
Plus dangereux au final ?
Du côté des maires dont les villages sont traversés par la D137, on réclame surtout la mise en place de ralentisseurs. Malgré la défiance de certains, 90 nouveaux panneaux vont être installés cette semaine en Gironde, pas comme en Creuse où la présidente du département refuse de les changer. Ce sera à l’Etat de le faire.
Mais pour un élu girondin, « ils n’auront aucun effet et surtout pour nos communes, ce sera peut-être encore plus dangereux car aujourd’hui, les gens ralentissent souvent pour respecter la limitation à 70 km/h et réaccélèrent. Avec le passage à 80 km/h, il n’y aura plus que 10 km/h d’écart et du coup, plus personne ne mettra le pied sur le frein. »
Cette mesure pourrait donc se retourner contre le gouvernement comme le souligne aussi Marianne : « Je m’endors à cette vitesse, certains seront moins concentrés au bout du compte. » Le gouvernement s’est donné deux ans pour convaincre les Français. La route s’annonce longue…