Pour la première fois depuis 2015, le nombre de demandes d'asile accordées par les pays de l'UE baisse fortement
IMMIGRATION•En 2017, 440.000 migrants ont bénéficié d’une protection internationale dans les pays européens, soit une diminution de 36 % par rapport à 2016 selon le rapport annuel de l’OCDE…Hélène Sergent
L'essentiel
- En 2017, environ 258 millions de personnes dans le monde vivaient en dehors de leur pays de naissance selon le rapport de l’OCDE pubié ce mercredi.
- Cinq millions de nouveaux migrants se sont installés légalement dans les pays de l’OCDE l’année dernière.
- C’est près de 5 % de moins qu’en 2016, une première baisse significative.
La fracture provoquée dans l’Union européenne par la crise du bateau humanitaire L'Aquarius a relancé le débat sur l’immigration. En refusant d’accueillir les 629 migrants sauvés au large des côtes libyennes, l’Italie a remis la politique migratoire au centre des enjeux européens.
Le durcissement de la législation dans certains Etats, la montée du protectionnisme et des partis populistes ont nourri la crispation de l’opinion publique sur cette question. Les chiffres publiés ce mercredi dans le rapport annuel des migrations de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) déconstruisent pourtant un certain nombre d’arguments politiques.
L’Union européenne moins accueillante
« Pour la première fois, les pays de l’Union européenne n’ont accueilli que la moitié des demandeurs d’asile en 2017 au profit du Canada, des Etats-Unis ou de l’Australie », souligne Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE. Cette année-là, environ 440.000 migrants ont bénéficié d’une protection internationale dans les pays européens, soit une diminution de 36 % par rapport à 2016. La forte baisse des demandes d’asile déposées en Allemagne (-73 % en un an) est l’une des explications avancées par le rapport.
Malgré cette baisse, le pays dirigé par Angela Merkal reste le 2e pays le plus sollicité par les demandeurs d’asile au sein de l’OCDE, derrière les Etats-Unis avec 198.000 demandes déposées en 2017. Cette dynamique se retrouve également à l’échelle mondiale puisque l’ensemble des pays membres de l’organisation ont enregistré une baisse significative des demandes d’asile. Après un nombre extrêmement élevé de demandes en 2016 (1,64 million), « seules » 1,23 million de requêtes ont été comptabilisées en 2017.
De Trump au Brexit
Parmi les chiffres saillants de ce rapport, l’importante diminution des visas accordés aux étudiants aux Etats-Unis. En 2016, le nombre de permis d’études a chuté de 27 % suivi d’un recul de 17 % en 2017. « Des changements administratifs pour les étudiants chinois expliquent une partie de la baisse observée, mais la difficulté d’obtenir un visa et le renforcement des procédures pour des raisons de sécurité ont pu jouer un rôle pour les étudiants dans le choix du pays », analyse Jean-Christophe Dumont.
Difficile en revanche d’y voir un impact de la politique menée par Donald Trump puisque son entrée en fonction n’a eu lieu qu’en janvier 2017. La France sur ce point s’en tire plutôt bien et se place au 6e rang des pays de l’OCDE qui compte le plus d’étudiants étrangers.
Au Royaume-Uni en revanche, difficile de ne pas voir de lien entre le résultat du référendum sur la sortie de l’Union Européenne et les chiffres fournis par l’OCDE. Ainsi, un an après le Brexit de 2016, le recrutement de migrants issus de pays de l’UE et hautement qualifiés a chuté de 38 % outre-Manche, soit environ deux fois plus que pour les emplois peu qualifiés et moyennement qualifiés. En parallèle, le nombre de citoyens européens qui ont décidé de quitter le pays avec le résultat du vote a bondi de 29 %.
Des craintes « infondées »
« Les migrants volent nos emplois », voilà l’un des arguments phares des partis d’extrême droite. En France, Marine Le Pen avait fait figurer dans son programme présidentiel l’instauration d’une « priorité nationale pour l’emploi ». A travers deux chapitres particulièrement denses, les auteurs de l’étude se sont intéressés à l’impact des flux migratoires sur le marché du travail.
« Le taux d’activité des réfugiés est généralement faible. Au début de leur séjour dans le pays d’accueil, l’impact de la population réfugiée sur le marché du travail et sur la population active est très faible », stipule le rapport avant d’ajouter : « Pour l’ensemble des pays européens, l’impact relatif estimé des entrées récentes de réfugiés sur la population en âge de travailler ne devrait pas dépasser 0,4 % ».
Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe aucun effet, nuance Jean-Christophe Dumont : « Même si les craintes associées à ces arrivées sont déconstruites dans ce rapport, localement et sur certains segments du marché du travail, un impact peut exister. C’est le cas en Allemagne pour les jeunes hommes peu ou pas diplômés. Comme l’accès à l’emploi prend du temps pour les réfugiés, l’augmentation de la population active entraînera davantage une augmentation du chômage que de l’emploi. C’est ce qu’on note pour l’Allemagne où le nombre de chômeurs pourrait augmenter d’environ 6 % d’ici la fin de 2020 ».