LOGEMENTLe Parc Corot, un «paradis des marchands de sommeil»

Marseille: Le Parc Corot, une cité des quartiers Nord devenue «paradis des marchands de sommeil»

LOGEMENTLa députée LREM de secteur Alexandra Louis alerte le gouvernement, par le biais d'un rapport, pour trouver des solutions contre le délabrement de cette cité de Marseille...
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Le Parc Corot est une copropriété très délabrée
  • Les habitants vivent dans des conditoins insalubres
  • Une députée alerte le gouvernement via un rapport

EDIT : Après l'effondrement du 63, rue d'Aubagne, nous vous reproposons la lecture de ce reportage, réalisé en juin dernier, dans le Parc Corot dans les quartiers Nord de Marseille où de nombreuses personnes vivent dans des logements délabrés.

Ils sont neuf à vivre dans cet appartement de 85 m². La mère de famille, célibataire et analphabète, ne maîtrisant pas le français, est partie enterrer sa propre mère aux Comores. C’est la grande sœur, Amida, jeune maman, qui s’occupe de tout ce petit monde en son absence. Et c’est peu dire que les journées passées dans cet apparemment sont compliquées.

Le parc Corot
Le parc Corot - Mathilde Ceilles / 20 Minutes

Voilà plusieurs années que la famille vit dans ce logement délabré du bâtiment A du parc Corot, une cité des quartiers nord de Marseille. Derrière la porte blindée défoncée se trouve une première chambre où passent sans peur les rats. A gauche, une cuisine aux murs décrépis et à l’évier bouché, qui contraint la famille à rejeter les eaux de cuisson dans la douche. Douche qui, elle-même, s’encrasse. Quand ce n’est pas l’eau qui s’infiltre chez la voisine du dessous…

Des rats et des squatteurs

Dans le salon, humide, près du pan de mur qui menace de s’effondrer, des traces de moisissures et l’ampoule qui pend dangereusement. Le sol n’est pas terminé. Impossible d’aérer cette pièce : la fenêtre, cassée ne s’ouvre pas. A cela s’ajoutent les problèmes d’insécurité. La tour serait investie par des squatteurs selon Amida. Récemment, trois hommes auraient fait irruption dans l’appartement, le croyant libre, avant de faire demi-tour.

Dans l'appartement d'Amida
Dans l'appartement d'Amida - Mathilde Ceilles / 20 Minutes

Dans la chambre du plus petit, qui a un mois, tout près du berceau, les souris passent. « Nos voisines », comme les appelle Amida. « Je dors avec mon bébé, de peur que les rats lui grimpent dessus, comme c’est arrivé. » Et chaque mois, pour vivre dans ce logement insalubre, la famille s’acquitte d’un loyer de 750 euros auprès du propriétaire, un particulier marseillais.

Un propriétaire aux abonnés absents

La famille a bien essayé à plusieurs reprises de le contacter pour réaliser les travaux d’urgence. « Il répond que c’est de notre faute, ou que c’est comme ça, le bâtiment est pourri », se désole Amida. Seule une plainte déposée dans le passé a convaincu ce propriétaire de réaliser de menus travaux, en l’occurrence une partie du sol de l’appartement.

Selon le rapport Nicol de 2015, que Marsactu a pu consulter, à Marseille « le parc privé potentiellement indigne (PPPI) présente un risque pour la santé ou la sécurité "de quelque 100 000 habitants" ». Parmi elles, la cité Corot, une copropriété fortement délabrée de 376 logements répartis dans 7 grandes barres d’immeubles dans le 13e arrondissement. Depuis janvier 2017, un administrateur judiciaire a pris le relais des syndicats de copropriété professionnels pour gérer la copropriété.

Un rapport pour le ministre

La députée LREM de secteur Alexandra Louis prépare un rapport sur la cité à remettre fin juin au ministère de la Cohésion des territoires. Après plusieurs visites dans le quartier de ses équipes, dont une ce dimanche matin avec des journalistes, la parlementaire interpelle le gouvernement pour faire « accélérer la procédure » dans ce qu’elle qualifie de « paradis des marchands de sommeil ».

Une cage d'escalier au Parc Corot
Une cage d'escalier au Parc Corot - Mathilde Ceilles / 20 Minutes

Un plan de sauvegarde a en effet été lancé en février dernier par la métropole et la préfecture. « J’attends que l’Etat prenne la main sur ce dossier-là, c’est son rôle », assure Alexandra Louis, qui se défend de conduire par là une démarche électoraliste. La parlementaire a notamment été invectivée lors de sa visite par un habitant, lui demandant « s’il y avait des élections ». « Vous pouvez rien faire, ca fait 50 ans que j’habite ici, et les députés viennent chanter, mais vous ne faites rien ! »

Une liste prioritaire

« C’est un dossier complexe qui demande du temps, nous avons affaire à des propriétaires privés à qui on ne peut demander de nous donner les clés de leur logement comme ça, mais c’est évident que c’est un temps qui paraît toujours trop long pour un habitant de Corot », analyse Marie-Emmanuelle Assidon, préfète des Bouches-du-Rhône déléguée à l’égalité des chances.

Le plafond de certains logements s'effondre
Le plafond de certains logements s'effondre - Mathilde Ceilles / 20 Minutes

Et de se réjouir de l’initiative de la parlementaire : « un rapport peut contribuer à faire avancer les choses au niveau de l’exécutif, estime-t-elle. Le président de la République a annoncé avoir demandé d’identifier les copropriétés dégradées. Il souhaite aussi que le Premier ministre sélectionne une dizaine d’opérations prioritaires qui puissent permettre de faire avancer ces dossiers. » La préfète espère ainsi qu’un tel rapport convainc le gouvernement d’inscrire le parc Corot dans cette liste prioritaire.

Des plaintes déposées

Pour le parc Corot, Alexandra Louis réclame auprès de Gérard Collomb un renfort policier. Elle appelle également de ses vœux une accélération de la restructuration de la cité, via notamment la destruction des tours les plus dégradées, le relogement de ces familles et l’application de sanctions contre les propriétaires via diverses procédures prévues par la loi, notamment la loi Elan.

Un dernier point que rejoint Hassani. Avec sa femme et ses trois enfants, ce Comorien s’est installé début août dans ce qui lui semblait un appartement décent, où la peinture était encore fraîche, au rez-de-chaussée d’un immeuble de la cité. Quelques mois plus tard, les murs blancs ont fait place à l’humidité provenant des étages supérieurs. Au point qu’une partie du plafond s’est effondrée dans la salle de bains.

Mais la famille a décidé de porter plainte. « J’irai jusqu’au bout, pour qu’il paie, assure-t-il, et pour que personne d’autre ne vive ce que l’on vit ici ». Une démarche que d’autres habitants de la cité hésitent à entreprendre, notamment par peur des représailles. « Je ne sais pas si maman aimerait porter plainte de nouveau, soupire Amida, c’est une femme gentille, elle ne veut pas de problèmes… »