INTERVIEW«Les garçons sont eux aussi victimes de violences sexistes à l'école»

Violences sexistes à l'école: «Les garçons subissent parfois plus certaines violences que les filles»

INTERVIEWEric Debarbieux, président de l'Observatoire européen de la Violence à l'Ecole, analyse le rapport sur «Les violences sexistes à l’école» rendu public ce jeudi...
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Outre les violences physiques et les insultes, de nombreux élèves disent avoir été regardés dans les toilettes, avoir subi un déshabillage forcé ou un baiser forcé, comme l'indique le rapport sur Les violences sexistes à l’école, rendu public ce jeudi.
  • Des agressions commises le plus souvent par des garçons manifestant selon le rapport «une oppression viriliste».
  • Des violences qui n'épargnent pas les garçons jugés non conformes aux stéréotypes virils par leurs pairs.

Une violence que les adultes ont tendance à banaliser, tant elle est fréquente, mais qui blesse pourtant profondément ceux qui en sont victimes. Dans le rapport sur Les violences sexistes à l’école, rendu public ce jeudi, des chercheurs décortiquent toutes les agressions subies par des élèves de la primaire à la terminale. Eric Debarbieux, président de l’Observatoire européen de la Violence à l’Ecole, analyse les constats pour 20 Minutes en soulignant le fait que les garçons sont à la fois souvent les auteurs de ces violences, mais qu’ils peuvent aussi en être les victimes…

Votre rapport souligne que les violences sont très fréquentes dans les établissements scolaires…

Oui, car 61 % des élèves de primaire disent s’être fait insulter et 52 % avoir été frappés au moins une fois au cours de l’année. Au collège, 51 % des élèves déclarent avoir été insultés et 23 % avoir été frappés et 29 % avoir été exclus par les autres. Au lycée, la violence physique diminue (3,2 % en filière générale) et les insultes aussi (elles concernent 22 % des élèves). Mais la mise à l’écart est le mode dominant de violence avec 35 % des élèves ayant été rejetés. Et les violences à connotations sexuelles sont aussi très nombreuses : en primaire 19 % des élèves disent avoir été regardés dans les toilettes, 12 % avoir subi un déshabillage forcé et un 16 % ont subi un baiser forcé.

Contrairement aux idées reçues, vous montrez que les garçons sont aussi victimes de ces violences sexistes… Comment l’expliquer ?

Oui les garçons eux sont aussi victimes de violences sexistes à l’école [ces violences « correspondent à l’attaque d’un individu en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, ou sa non-conformité aux rôles socialement attribués à son sexe »] et ils subissent parfois même plus certaines violences que les filles : en primaire, ils prennent davantage de coups que les filles (67 % versus 45 %), sont davantage insultés (65 % versus 55 %) ou subissent davantage le déshabillage forcé (14,2 % versus 10,3 % pour les filles). Au collège, les garçons sont aussi davantage frappés que les filles (27 % versus 19 %) et insultés (56 % contre 47 %).

Ce sont des garçons jugés « non conformes » au modèle viril par leurs pairs, puisque 67 % des auteurs de violences physiques en primaire sont des garçons (20 % sont des filles et 13 % des groupes mixtes). Des agresseurs qui refusent le féminin ou des qualités supposées féminines. Ces derniers vont par exemple, s’en prendre aux « bons élèves » au collège et au lycée qui sont moqués car ils sont très calmes en classe ou à ceux qui sont plus petits ou fragiles physiquement. Ces derniers vont subir la domination de leurs camarades qui vont construire leur virilité en tapant sur l’autre.

Quelles en sont les conséquences ?

Un élève ne peut pas apprendre dans l’insécurité. Et ces violences peuvent le conduire à des absences répétées, qui sont un facteur important de décrochage scolaire ultérieur.

Comment les établissements peuvent-ils prévenir ces violences ?

En continuant les actions de prévention qui ont déjà lieu comme le concours «Non au harcèlement» organisé par le ministère de l’Éducation nationale, qui incite les élèves à s’exprimer sur le sujet à travers la création d’une affiche, d’un texte, d’une vidéo… Il faut aussi réfléchir à la manière d’utiliser les punitions. Car certains garçons en difficultés scolaires vont trouver une identité de remplacement en devenant un élève qui agresse et qui est puni. Cela peut devenir un cercle vicieux.

Il faut aussi veiller à la stabilité des équipes pédagogiques en éducation prioritaire, car toutes les études internationales montrent que cela joue indéniablement sur le climat scolaire. Enfin, il faut instaurer une vraie formation des enseignants en matière de lutte contre le sexisme et les violences scolaires. Enfin, il faut renforcer les dispositifs d’écoute des victimes dans les établissements.

*Enquête menée auprès de 47.604 élèves de 8 à 19 ans.