Comment donner une éducation non-sexiste à nos fils?
SEXISME ORDINAIRE•Un spot télévisé de la Fondation des Femmes s'adresse aux pères pour qu'ils s'impliquent dans la lutte en faveur de l'égalité femmes-hommes
Delphine Bancaud
L'essentiel
- Les comportements machistes se transmettent de père en fils, car les garçons s’identifient à leur papa et ont tendance à reproduire ce qu’ils ont vu à la maison.
- Pour mettre en œuvre une éducation plus égalitaire, les pères doivent montrer l’exemple, en traitant avec respect les femmes, en participant aux tâches ménagères, en luttant au quotidien contre les stéréotypes de genre…
- Les pères doivent aussi permettre aux garçons d’exprimer leurs émotions, de choisir des jeux ou des activités qui sont traditionnellement associés aux filles…
EDIT: A l'occasion de notre dossier sur le sexisme ordinaire, le 8 mars 2019, date de la Journée internationale des droits des femmes, nous vous proposons de (re)découvrir cet article sur l'éducation non genrée.
Devenus adultes, les petits machos ne se conduisent pas comme des gentlemen… D’où l’importance de prendre le mal à la racine et d’éviter d’élever ses garçons dans un climat sexiste. Pour sensibiliser les pères à cette question, un petit film vidéo initié par Fondation des Femmes a été lancé le 30 mai 2018. Intitulé Tu seras un homme mon fils, un clin d’œil au célèbre poème de Kipling, il met en scène des hommes dans leur quotidien avec leur fils et diffuse des messages forts tels que « Si tu sais soutenir, sans vouloir dominer. Que tu peux être fort, sans être violent. Si tu es capable de regarder une femme sans qu’elle ait peur de toi (…) Tu seras un homme mon fils ».
« Le but de ce clip, notamment diffusé sur les chaînes du groupe TF1 et celles de France Télévisions, est de sensibiliser les hommes à la manière dont ils éduquent leur fils à la lutte contre les inégalités et les violences faites aux femmes. On souhaite qu’ils s’interrogent sur ce qu’ils transmettent souvent inconsciemment à leurs garçons », explique Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation pour les femmes.
« Beaucoup de pères n’éduquent pas de la même manière les filles et les garçons »
Car dans ce domaine, tous les papas ne sont pas exemplaires. Notamment les plus jeunes, qui transmettent à leurs fils une représentation de la masculinité parfois caricaturale. Selon un sondage Kantar* révélé le 30 mai 2018, 58 % des hommes de moins de 35 ans estiment ainsi « qu’être un homme » c’est « être le meilleur » et 37 % pensent que cela implique de « ne pas pleurer ».
Une réalité dont atteste Gilles Lazimi, médecin et coordinateur des campagnes contre les violences éducatives : « Beaucoup de pères n’éduquent pas de la même manière les filles et les garçons. Aux garçons, on inculque le sens de la performance, de la concurrence, de l’action, l’agressivité… Et aux filles, la patience, la douceur, la discrétion… Ce qui va jouer sur les comportements individuels des enfants et sur les rapports qu’ils vont entretenir avec les camarades de l’autre sexe », explique-t-il. Un avis partagé par Delphine Dulong, enseignante en sciences politiques à l’université Paris 1 et qui a beaucoup travaillé sur la sociologie du genre : « Nombreux sont les pères qui apprennent à leurs fils qu’il faut être dur à la peine et à censurer leurs émotions. Ce qui peut conduire les enfants à une souffrance psychologique dangereuse, car muette », indique-t-elle.
« Les pères doivent montrer l’exemple »
Mais le point positif, c’est que la situation n’est jamais irrémédiable et que les papas peuvent rectifier le tir. Tout d’abord en s’interrogeant sur leur propre comportement avec les femmes, comme le souligne Gilles Lazimi : « La violence envers les femmes, le sexisme s’apprennent à la maison. Car les garçons reproduisent souvent ce qu’ils ont vu chez eux », observe-t-il. Un avis partagé par Delphine Dulong : « C’est au père qu’un garçon s’identifie. Et comme les injonctions les plus fortes passent sans discours, les pères doivent montrer l’exemple, en traitant avec respect les femmes de la maison », souligne-t-elle.
Exemple avec les tâches ménagères. « Si un père en effectue souvent, le garçon y participera naturellement et ne se dira pas que certaines activités sont réservées aux femmes », indique Gilles Lazimi. Pour lutter contre les stéréotypes de genre, les pères doivent aussi avoir un discours ouvert dans de nombreux domaines, insiste le médecin : « Il ne faut pas interdire aux garçons certains vêtements ou certains jouets, sous prétexte qu’ils seraient féminins. Il faut aussi ouvrir l’espace des possibles en présentant aux enfants une large gamme d’activités périscolaires pour leur montrer qu’aucune d’entre elles ne leur est inaccessible. Un garçon doit pouvoir faire de la danse ou du macramé, sans que son père s’y oppose », indique Gilles Lazimi.
« Les pères doivent permettre aux garçons d’exprimer leurs émotions »
Autre impératif : ne laisser passer aucun dérapage chez l’enfant : « lorsqu’un garçon tient des propos sexistes sur l’une de ses camarades d’école, il faut tout de suite lui demander comment il réagirait si quelqu’un disait la même chose de sa sœur ou de sa mère. Et il faut refuser l’utilisation de certains mots, ne pas accepter qu’il lève la voix sur sa mère ou insulte sa sœur », recommande Delphine Dulong. Une vigilance quotidienne qui n’est évidemment pas réservée aux papas, les mères ayant aussi un rôle essentiel à jouer dans cette lutte pour l’égalité hommes-femmes.
La quête d’une éducation plus égalitaire doit aussi passer par des interdits qui soient les mêmes pour les enfants, quel que soit leur sexe. « On ne peut pas interdire à une fille d’amener son petit ami à la maison alors que son frère a le doit d’inviter sa copine », souligne Gilles Lazimi. Les pères doivent aussi permettre aux garçons d’exprimer leurs émotions. « Un papa ne doit pas reprocher à son fils de pleurer », affirme le médecin.
Enfin, pour que les papas puissent élever leurs fils sans leur transmettre une forme de machisme, ils doivent aussi leur montrer qu’ils n’ont pas à redouter l’égalité, affirme Delphine Dulong : « Il faut que les pères expliquent par exemple, à leurs fils que si l’on parvient à l’égalité salariale en France, cela ne signifiera pas pour autant que les hommes vont perdre en salaire. Et qu’ils ont tout à gagner d’une société plus égalitaire », souligne-t-elle.
* Sondage réalisé par TBWA/C et la Fondation des Femmes, du 18 au 22 mai, sur un échantillon de 1.005 personnes, représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, utilisant la méthode des quotas.