Montpellier: « On savait qu’on était du bon côté de l’histoire », estime Vincent-Boileau-Autin, premier marié gay
INTERVIEW•Cinq ans après le premier mariage gay en France, Vincent Boileau-Autin revient sur ce jour historique pour son couple et la société française et les combats qu'il reste à mener...Jérôme Diesnis
L'essentiel
- Le 29 mai 2013, Vincent Autin et Bruno Boileau s'unissaient en mairie de Montpellier. Cinq ans plus tard, Vincent-Boileau-Autin revient sur ce jour historique pour eux et la société française dans son ensemble.
- «On ne s’est pas mariés pour le symbole mais par amour, par envie d’être reconnus par la République comme une famille».
- «65% de la population est défavorable à l’idée d’abroger cette loi. Mais le paradoxe, c’est que jamais l’homophobie et la transphobie n’ont été aussi forts dans la société française».
Le 29 mai 2013, Vincent Autin et Bruno Boileau devenaient les premiers homosexuels à s’unir sur le territoire français. Rencontre avec Vincent Boileau-Autin, cinq ans après ce moment historique.
Quels souvenirs vous reviennent de votre mariage ?
Il y en a énormément, comme peuvent en avoir toutes les personnes qui se marient. Lorsque nous étions face à Hélène Mandroux, la mairie honoraire de Montpelier qui nous avait unis, je me souviens des milliers de personnes présentes sur le parvis de l’hôtel de ville qui applaudissaient, qui hurlaient. C’était un vrai moment de communion et de solidarité. On sentait bien le soulagement des gens qui se disaient « ça y est, enfin cette loi existe ». C’était la démonstration que la solidarité l’emportait face à la haine, aux rejets, aux discriminations. On en avait des frissons.
C’était un mariage militant mais avant tout un mariage d’amour…
On était seuls au monde dans notre bulle. C’était notre amour qu’on célébrait, bien sûr avec le bonheur d’être les premiers à célébrer une loi. Un mariage pour quiconque, qu’il soit homo ou hétéro, c’est un jour exceptionnel. Celui-ci l’était forcément pour nous, même s’il nous dépassait. Mais on ne s’est pas mariés pour le symbole mais par amour, par envie d’être reconnus par la République comme une famille.
Cinq ans plus tard, quel regard portez-vous sur la société ?
Il y a un paradoxe. 65% de la population est défavorable à l’idée d’abroger cette loi. Quand on se battait pour cette égalité on savait qu’on était du bon côté de l’histoire. Qu’on se battait pour nous mais surtout pour les autres générations. Mais le paradoxe, c’est que jamais l’homophobie et la transphobie n’ont été aussi forts dans la société française. C’est la trace des manifestations d’opposition, de ces réactionnaires qui sont comptables de la vague homophobe qui envahit le territoire français. Nous vivons la moitié de l’année au Canada, où Bruno travaille. La société y est beaucoup plus apaisée et tolérante, pas seulement envers les LGBT. Dire qu’il n’y a pas de problème serait mentir, mais il y en a beaucoup moins qu’en France. On n’a pas ce sentiment d’oppression, on ne s’est jamais senti en danger si on avait un geste d’affection l’un envers l’autre quel que soit l’endroit où on se situait.
Votre combat de militant n’est donc pas terminé ?
Il était clair au départ pour François Hollande que le mariage s’accompagnerait de la procréation médicalement assistée (PMA). Le mariage a été déshabillé de la PMA qui concerne pourtant toutes les femmes, homosexuelles ou hétérosexuelles, célibataires ou en couple. D’ailleurs, la plupart des combats que portait la LGBT concernait l’ensemble de la population française. 94% des Pacs sont hétérosexuels. Aujourd’hui, on perd du temps à discuter face à un dispositif nécessaire. La majorité des français y sont favorables. Et la PMA existe à 300 km d’ici, en Espagne.
Comprenez-vous la démarche des opposants ?
Ce qui est incroyable, on le voit sur tous les débats de société, c’est que ceux qui protestent contre les avancées de la société sont souvent des personnes qui ne sont pas concernées. Qu’est-ce ce que ça a changé à leur vie cinq ans plus tard ? Rien du tout ! Qu’est-ce que ça a changé aux LGBT ? Plus d’apaisement, une reconnaissance et une protection de leur amour.
Vous serez à jamais les premiers mariés gays en France. Vous êtes-vous sentis parfois prisonniers du poids historique que vous portez ?
On ne s’est jamais senti étouffés, parce qu’on a des convictions. On savait ce que ça représentait pour nous, pour notre amour, et pour les autres, pour avoir nous-mêmes participé à ces manifestations. Ca ne nous étouffe pas, combien même parfois on fait l’objet de rumeurs de divorce. Mais, à la grande déception de ceux qui colportent ces rumeurs, ce n’est pas le cas. Et si un jour ça devait arriver, ce serait absolument banal comme pour n’importe quel couple. Car quand on milite pour le mariage, on milite aussi pour le divorce.