Affaire Peyrard: Où en est l'enquête sur le prêtre soupçonné «d'agressions sexuelles sur mineurs»?
ENQUETE•Après plusieurs signalements et plaintes classées sans suite, l’homme d’Eglise sera jugé pour l’agression présumée d’une victime, la seule pour laquelle les faits ne sont pas prescrits…
Elisa Frisullo
L'essentiel
- L’affaire a éclaté en juillet 2017, lorsque des victimes présumées du prêtre ont révélé les assauts que leur aurait fait subir l’homme d’église lorsqu’ils étaient enfants.
- Jamais inquiété jusqu’alors, le père Régis Peyrard a été placé en garde à vue vendredi dernier.
- Il sera jugé pour agressions sexuelles sur mineur en novembre prochain à Saint-Etienne.
Il y a dix mois, en juillet 2017, l’affaire Peyrard éclatait dans la Loire, des décennies après les faits présumés. Terrées dans le silence depuis les années 1970, 1980 et 1990, des victimes révélaient alors à 20 Minutes avoir été victimes d’un prêtre du diocèse de Saint-Etienne.
Jamais réellement inquiété malgré plusieurs signalements et plaintes pour «agressions sexuelles» déposées à son encontre depuis les années 2000, l’homme d’Église, aujourd’hui âgé de 84 ans, sera finalement jugé le 20 novembre prochain, devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. 20 Minutes vous explique ce qu’il faut savoir sur cette affaire.
Des faits presque tous prescrits
Les premières personnes qui se sont confiées à 20 Minutes l'été dernier se sont rencontrées début 2017 grâce au site coabuses.fr, une plateforme mettant en relation les victimes d’un même prédateur. Ces hommes accusaient alors le père Peyrard de les avoir abusés alors qu’ils étaient préadolescents dans des contextes différents. L’un d’eux expliquait avoir été agressé sexuellement au sein de l’aumônerie de la Talaudière, une paroisse où le prêtre Régis Peyrard est resté une dizaine d’années dans les années 1980.
Un autre homme expliquait avoir subi les assauts du prêtre quelques années plus tard, alors que ce dernier venait d’être muté à la paroisse de Saint-Just Saint-Rambert. Dans ces deux cas, les faits sont prescrits, c’est-à-dire trop anciens pour être pris en compte par la justice. Parmi les victimes présumées du prêtre, une seule peut alors encore porter plainte. Elle a déjà fait la démarche en 2001. Mais, très perturbée par ces agressions sexuelles subies enfant, elle ne parvient pas à aller jusqu’au bout de la procédure. A l'époque, l’affaire est classée sans suite.
Des faits présumés connus dans l’Eglise
Lorsque à l’été 2017, les agissements présumés du curé refont surface, l’évêque de Saint-Etienne indique que l’homme d’Eglise, en poste depuis les années 60 dans le diocèse, « reconnaît les faits », mais présente de « vraies difficultés de mémoire par rapport à ces faits-là ». « C’est un prêtre âgé, mais très profondément conscient de la gravité de ses actes » , ajoute Sylvain Bataille, lors d’une conférence de presse organisée à la hâte le jour de la médiatisation de l’affaire. Le diocèse précise qu’à trois reprises, des victimes se sont manifestées auprès de l’Eglise.
En 2000, en 2001 puis en 2004. A chaque fois, les faits ont été signalés à la justice, précise l’évêque. Le curé se voit alors retirer son ministère, pour ne plus être au contact d’enfants, et est affecté dans une maison de retraite. Mais aucune procédure judiciaire n’est engagée à l’encontre du prêtre, aucune enquête n’est ouverte. L’homme est protégé par la prescription. Jusqu’en février 2018. Juste avant son départ du parquet, le procureur de la République de Saint-Etienne, Jean-Daniel Regnauld, auprès duquel les victimes rencontrées par 20 Minutes ont fait de nouveaux signalements en 2017, décide d’ouvrir une enquête préliminaire.
Une enquête finalement ouverte
La présence, dans cette affaire, d’un possible cas non prescrit alerte la justice. Dès février, une trentaine de proies potentielles du curé sont alors entendues par les gendarmes, dont l’homme qui, en 2001, avait renoncé à attaquer le prêtre. « Il ne voulait toujours pas en entendre parler. Mais les enquêteurs l’ont aidé à aller jusqu’au bout de la démarche », explique une source proche du dossier. Vingt-six ans après avoir été abusé, il porte plainte contre Régis Peyrard.
Dans le cadre de l’enquête préliminaire, le prêtre a été placé en garde à vue le 27 avril et a été confronté à sa victime présumée. Devant elle, le curé explique ne pas se souvenir de l’avoir agressée. « Il a dit que si la victime le disait c’était sans doute vrai, mais qu’il ne se rappelait pas », ajoute la même source. Le parquet de Saint-Etienne a décidé d’engager des poursuites pénales à l’encontre de l’octogénaire. Il sera finalement jugé en correctionnelle pour agressions sexuelles sur mineurs en novembre prochain à Saint-Etienne.
Les victimes, entre colère et soulagement
En apprenant cette semaine que le prêtre serait jugé dès l’automne, les victimes présumées ont été étonnées. « Si l’enquête continuait, il y aurait sûrement d’autres cas non prescrits qui pourraient être retrouvés », indique l’un des hommes, âgé d’une quarantaine d’années, qui dit avoir été abusé par Régis Peyrard dans les années 1980. « Nous aurions préféré qu’il soit jugé pour l’ensemble des faits et qu’il soit renvoyé aux assises, mais le procès de cet automne nous assure qu’il sera jugé en partie pour ce qu’il a fait avant de mourir », ajoute un autre.
D’autres victimes présumées du curé estiment que la justice, beaucoup trop « frileuse » sur ce dossier par le passé, va trop vite. « Certains d’entre nous auraient voulu que la justice gratte plus. Mais rien n’empêche d’autres victimes pour lesquelles les faits ne seraient pas prescrits de nous contacter », ajoute le quadragénaire, soucieux que les personnes concernées se fassent connaître auprès du site coabuses.fr.